Pourquoi choisir une école bilingue ?
Les familles sont de plus en plus nombreuses à choisir de scolariser leurs enfants dans des écoles bilingues. Elles leurs offrent ainsi, dès le plus jeune âge, une grande richesse culturelle. Un parcours scolaire bilingue stimule l’enfant et développe sa
Trois bonnes raisons de choisir une école bilingue pour son enfant : Un atout pour la réussite scolaire et pour toute la vie
Augmentant l’ouverture d’esprit ainsi que les capacités de flexibilité et de concentration, l’apprentissage bilingue précoce favorise la réussite des élèves dans toutes les disciplines. La maîtrise de l’anglais est un atout incontestable en primaire, au secondaire et pour les études supérieures, en France ou à l’étranger. Les parents, en offrant une éducation bilingue à leurs enfants, leurs font un cadeau pour toute la vie.
Une ouverture au monde
L’apprentissage précoce de l’anglais est corrélé à la découverte de cultures anglo-saxonnes. Les élèves apprivoisent d’autres modes de vie et traditions dans leur programme scolaire ou extrascolaire. Ils interagissent en anglais lors d’activités sportives, culturelles et artistiques. Cette exposition prolongée au bilinguisme permet aux enfants de vivre dans un environnement multiculturel qui ouvre les esprits, nourrit la créativité, développe l’esprit d’équipe et renforce la tolérance par l’ouverture aux autres.
Un avantage pour le développement du cerveau
L’apprentissage d’une langue différente par le cerveau d’un enfant renforce durablement sa plasticité selon un constat unanime des études des neurosciences cognitives. Passer d’une langue à l’autre requière une flexibilité mentale qui permettra de gérer aisément plusieurs tâches concomitamment. Les enfants bilingues bénéficient d’une attention plus sélective, mais aussi une plus grande concentration, un sens de la planification et de la résolution de problèmes complexes.
de l’humanité, appuie Guislain. Nous nous ■ inscrivons dans leurs pas. À notre manière, nous voulons aussi être utiles aux autres, et cela passe par une forte implication des associés dans la vie des entreprises. On est convaincus que c’est créateur de valeur. »
Mais il ne s’agit pas de propulser un Mulliez sur le trône pour la seule beauté de son patronyme. D’autant que « les entreprises deviennent de plus en plus complexes et internationales », insiste Leroy. Une méthode froide – utile pour limiter les poussées émotives dans les rangs de la famille – a été imaginée afin de faire émerger des profils. « Les nominations et révocations suscitent parfois des réactions affectives chez certains cousins. Je les vois ensuite aux baptêmes, aux communions, raconte Guislain. On essaie d’expliquer le pourquoi du comment, et on se réconcilie. »
Pour nourrir la paix, rien ne vaut des indicateurs. D’un côté, ont été recensés, pour chacune des entreprises, les fondamentaux nécessaires pour revêtir les habits de président. De l’autre, ont été ciblés les points forts et ceux d’amélioration de chaque membre du vivier – 46 profils se distinguent. Toujours dans l’idée d’entretenir la pax familiae, la liste demeure top secrète, même les nommés ne savent pas qu’ils y sont. Hormis ceux déjà engagés dans un parcours dit « gagnant » – sept à ce jour. « Nous ne nommons pas un membre de la famille par défaut, rapporte Didier Leroy. Ce n’est pas “on va prendre le moins mauvais des familiaux”. Non, si vous, Mulliez, voulez être directeur informatique chez Leroy Merlin, il faut avoir le niveau pour l’être chez la concurrence. Sinon, passez votre tour ou formez-vous. »
En pratique, cette ascension vers l’éclatant poste de président peut virer au casse-tête. Chaque entreprise Mulliez étant une entité juridique à part, comment, par exemple, convaincre un associé heureux chez Auchan de rallier Boulanger, pour – peut-être – un jour devenir président de Flunch ?
Leroy a un autre défi à relever : dans ce pool, il n’y a que 13 femmes. « C’est mon plus gros souci. Je ne suis pas favorable aux quotas. Mais, au sein de la famille, elles sont nombreuses à avoir suivi des études supérieures, à être entrepreneuses. Il faut que l’on trouve le bon mix pour créer l’envie d’intégrer l’écosystème. »
La muraille de Roubaix
« On n’est pas la famille la plus féministe de France. Mais bon, ça accélère fort, à commencer dans nos entreprises », module Alexandra Mulliez (37 ans, 5e génération). Nous papotons avec elle en marge d’un Salon sur les données organisé par une entreprise de la famille. Elle a suivi « une grande partie des programmes possibles et imaginables proposés par l’AFM. » Pêle-mêle : étudiante, elle a été « supportrice de proximité » de Leroy Merlin, ce qui lui a permis d’en côtoyer les dirigeants durant deux ans. À sa sortie de Sciences Po, elle a participé à la Star Academy dédiée à la création d’entreprises. À l’époque, elle a dû «pitcher» devant sa famille et, par ailleurs, devant l’incubateur de l’IEP. La pression était plus forte dans le second cas. Trop facile, de se vendre aux siens ? Sciences Po versait un chèque aux gagnants, tandis que sa famille offrait une étude de marché. Puis la trentenaire a intégré le Club des entrepreneurs, le parcours relais, une formation leading people, etc. « J’ai appris à construire un modèle économique, à négocier une valorisation ou encore à mieux me connaître. Je mesure ma chance. »
Sur le tee-shirt de cette associée, un badge :
« Alexandra Mulliez. » Et « Casino », enseigne rivale d’Auchan. « C’est une blague, de je ne sais qui. » Elle est la fille aînée de Vianney Mulliez, ex-big boss d’Auchan. Depuis quelques mois, elle préside RougeGorge, une enseigne de l’AFM. Demande-telle à son père de la tuyauter ? Surtout pas ! Il est membre du conseil de surveillance familial, qui représente les actionnaires et sonde la gestion de la galaxie. Alors, bouche cousue. « Dans mes fonctions, le principal défi, ponctue-t-elle, est de ne pas se prendre pour la directrice. » Au cas où elle aurait besoin de conseils, elle peut compter sur les 19 autres Mulliez présidents.
40 sous, 40 poussins
Barbara Martin Coppola nous reçoit, à Villeneuved’Ascq, en baskets roses et sweat assorti. À la différence de ses homologues du royaume – Thomas Bouret (Leroy Merlin), Yves Claude (Auchan) ou Étienne Hurez (Boulanger) –, la boss de Decathlon, qui n’est pas Mulliez, a professionnellement grandi ailleurs. Si elle a appris à les connaître lors d’un stage sur le changement climatique, ils ne forment pas une bande. Son principal partenaire de jeu est Fabien Derville. D’après la composition d’équipe, ce dernier (60 ans, 4e génération) est président de Decathlon ; la Franco-Espagnole évolue, elle, au poste de directrice générale depuis deux ans. « Notre gouvernance repose sur un principe de dualité », nous explique la DG. Un concept qu’elle a dû dompter. D’abord en rencontrant le fondateur de l’enseigne, Michel Leclercq, qui lui a conté une invraisemblable – mais véridique – histoire de poussins. À 12 ans, il reçoit 40 « sous » de sa mère, une Mulliez. Aussitôt, il les investit dans 40 poussins qu’il élève et revend à ses tantes. Grâce aux profits, il est le tout premier des 60 cousins germains à s’offrir un vélo avec dérailleur.
Pour en savoir plus sur le monde selon les Mulliez, Martin Coppola a reçu « des cadeaux de bienvenue ». Un bouquin, Entreprendre en famille, écrit par un cousin, véritable vade-mecum du biengouverner, et une vidéo où un « associé » révèle les contours de la dualité, ce sacro-saint principe de la famille. En gros, le plus souvent, le pouvoir se partage entre un président issu de la famille et un DG externe. Derville l’explique ainsi : « Le président, avec l’ensemble du conseil d’administration, n’est responsable de rien, sauf: nommer un dirigeant; diminuer les risques ; valider la stratégie. Le dirigeant opérationnel est responsable de tout, sauf de ces trois points. » En pratique, « je présente ma stratégie à Fabien, qui me donne son feed-back. Il manage aussi l’actionnariat, afin que l’on puisse la déployer », décrit la cheffe de Decathlon.
Une fois l’an, le duo, flanqué des comités exécutif et stratégique, se frotte à la gérance. Un protocole cisèle le rendez-vous. « Nous rendons compte. Trois quarts d’heure après le début de la rencontre, le comex sort. Le DG reste avec le costrat et le président. Il peut donc s’exprimer à titre plus personnel. Puis il se retire… Le costrat se retire. Et le président reste seul devant les mandants et clôture la séquence », raconte Derville.
Un chiffre est scruté par tous : le nombre de Mulliez suant sous le maillot Decathlon. Ils sont 15 cousins en CDI. Comme tous leurs collègues, ces associés travailleurs sont soumis à une évaluation de leur chef ; une copie est expédiée au QG familial. En quoi est-ce utile ? « Par leur posture et leur état d’esprit, ils renvoient une image positive de l’actionnariat à l’ensemble des salariés, détaille Miguel Ruiz, le DRH de Decathlon. Ils commencent toujours en bas de l’échelle pour apprendre le bon geste. »
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Un chiffre est scruté par tous : le nombre de Mulliez suant sous le maillot Decathlon.
De l’art de ranger les petits pois
À Gérard Mulliez nous avouons ne pas comprendre une chose. Pourquoi ses petits-neveux, pour beaucoup bardés de diplômes, devraient-ils s’initier au « bon geste » ? Pourquoi devraient-ils ranger des conserves de petits pois ou des tee-shirts ? « Pour apprendre ce que c’est que d’avoir mal au dos. Et faire les bons gestes pour bien mettre en valeur les produits pour que les clients les achètent. » Et pourquoi pas, aussi, en tirer des leçons pour améliorer la productivité. Gaillard, le nonagénaire brandit ses mains pour louer les bénéfices du terrain. Il a perdu trois doigts. Jeune homme, il avait voulu prouver à ses oncles que les machines de leur filature pouvaient tourner plus vite… « Peut-être qu’on n’est pas obligé d’en arriver là !, réplique Barthélémy Guislain. Les choses ont un peu changé depuis les débuts de Gérard.Je ne pense pas que cela soit nécessaire de faire dix ans de terrain. L’enjeu pour nous est de responsabiliser, de développer le bon sens. Les diplômes, on s’en fiche, à vrai dire… »
Quand la compétition règne
Si vous souhaitez vous rendre dans l’antre mulliezien, à Roubaix, sachez qu’il est inutile de décliner votre identité en arrivant. Précisez juste le nom de votre hôte. Patientez dans le petit salon, avec vue sur le parking et ses voitures, d’une grande banalité, et de rares plaques immatriculées en Belgique. Consultez le programme des événements à venir. Et apprenez que l’ex-chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, administrateur chez Leroy Merlin, passe une tête dans la soirée… Feuilletez Auto Plus ou le dernier hors-série du Monde diplomatique à la saveur anticapitaliste. Les Mulliez, des communistes, comme le raconte la presse ? Tout en bas de la pile de journaux se cachent les magazines du Medef local. Hasta el capitalismo siempre.
Quitte à verser dans la théorie économique, il serait plus juste de proclamer les Mulliez disciples de Schumpeter plutôt que de Marx. Le père du concept clé de destruction créatrice se serait régalé avec ces centimiers. Selon ce penseur du XIXe siècle, progrès technologiques, évolutions organisationnelles et émergence de produits et de débouchés conduisent à la croissance si et seulement si deux personnages s’accordent sur la base de la confiance : un entrepreneur ambitieux et un investisseur. Une définition écrite pour les Mulliez. Dans leur cas, l’entrepreneur est un Mulliez et l’investisseur, sa famille.
Remontons l’histoire. Tout a commencé par un atelier de textile lancé en 1903 par Louis et Marguerite. Avec ses garçons ambitieux, le couple développe des usines en Flandres françaises et belges. La compétition règne entre les frangins, les idées fusent. Gérard père ouvre une boutique pour vendre leurs pelotes. Une cash machine naît. « La première firme qui a permis à la famille de se développer, c’est Phildar laine à tricoter, souligne Gérard Mulliez. Au début, elle appartenait à mon père et à ses frères. Ils ont toujours réinvesti. »
Les filatures de Saint-Liévin jusqu’au milieu du siècle dernier, Phildar jusqu’en 1975-78, Auchan les quatre décennies suivantes… Ces sociétés alimentent la faim d’entreprendre des Mulliez, qui essaiment. Gonzague (Saint Maclou), Patrick (Kiabi), Michel (Decathlon)… Qu’importent les liens du sang, la compétition est exaltée. Et que chacun gère son entreprise ! Pères, soeurs… veillent : un bateau peut couler, mais sans emporter l’armada avec lui.
Les Mulliez se révèlent aussi de remarquables repreneurs. Fin des années 1970, ils s’offrent les magasins de bricolage Leroy Merlin et d’électroménager Boulanger, les transformant en géants. Ils avalent Pimkie, spécialisé dans la mode féminine. Du lourd pour la famille, jusqu’au début des années 2000. « Les entreprises prospères à vie n’existent pas, expose Guislain. Quand s’est posée la question de se séparer de Pimkie, j’ai douté. Mais plus aucun associé n’y travaillait, plus aucun n’était capable d’en parler. »
Pimkie vendu, Phildar au tapis, Auchan à la recherche d’un second souffle, l’AFM s’appuie sur deux nouvelles locomotives : Decathlon – avec ses habits méconnus de fabricant de matériel sportif et son appétit de s’ériger en marque – et, surtout, Leroy Merlin, redoutable à l’étranger, sur Internet et chez les pros du bâtiment. Mais ce n’est pas tout. La famille, à travers sa structure Creadev, s’adonne au capital-investissement afin de limiter sa dépendance à une société et à la grande distribution. En pratique, il s’agit de croquer des petits morceaux d’entreprises non cotées spécialisées dans l’alimentation, la consommation durable, la santé ou l’éducation. Puis, si l’affaire se présente bien, d’en prendre le contrôle. En vingt ans, les Ch’tis ont investi 2,4 milliards d’euros, avec deux très belles affaires :
« Les diplômes, on s’en fiche… » Barthélémy Guislain, président de la gérance
Voltalia, qui produit de l’électricité grâce à des éoliennes au Brésil, à la combustion de déchets en Guyane ou à une centrale photovoltaïque en Slovaquie, et le spécialiste des centres d’appel et de la relation client Foundever. Avec 170000 salariés, c’est le premier employeur de la galaxie Mulliez !
Le périmètre de l’empire est si large, avec des frontières si confidentielles, que la fortune de cette famille donne lieu à des chiffrages du simple (20 milliards, pour le magazine Challenges) à plus du double (51,76 milliards pour Capital). Nos spéculations nous mènent, nous, au milieu.
Un entrepreneur tu seras
Tout Mulliez ayant une idée d’entreprise est invité à frapper à cette porte. Derrière est abrité le Club des entrepreneurs (CDE), dirigé par Damien Sacchi (48 ans, 5e génération). « Nous sommes la plus petite structure de l’AFM, mais celle qui a le plus de sens. Mais ne le dites pas ainsi, cela pourrait froisser en interne ! » s’enthousiasme-t-il. Originaire d’Angers, il a monté en 2005 un cabinet de conseil à Paris, sans capitaux familiaux, avant de rejoindre le Nord. « Chaque année, on m’appelait pour faire un point. Que souhaitais-je ? Étais-je disposé à travailler dans une des entreprises de la famille ? Et puis, j’ai senti un appel intérieur… »
Dans son bureau à Roubaix, Sacchi nous tend la brochure du CDE, créé en 2008 afin qu’aucune opportunité n’échappe plus à la famille, comme cela s’est déjà produit par le passé, certains cousins ayant créé leur propre boîte avec succès (Kiloutou, Cultura) sans lier leur destin à celui de l’AFM. 29 entreprises sont cajolées entre ces murs. Si le projet séduit, la famille entre au capital « dès la première heure » et détache un chèque de 50 000 euros maximum, tout en offrant un accompagnement. « L’avenir, ce sont eux. Certains contribueront à la relève. » À l’assaut de quel business se sont lancées ces PME mullieziennes, qui emploient déjà près de 1 100 personnes ? Du commerce, bien sûr, des soins paramédicaux, du bien-être, de la mobilité, et, bon sang de Mulliez ne saurait mentir, du textile. D’aucuns rêveraient de ressusciter Phildar…
« Le CDE est rentable économiquement et, dans tous les cas, créateur de valeur, avance Sacchi. Au pire, on a gagné un entrepreneur qui a connu la peur de l’Urssaf. » Alexandra Mulliez (RougeGorge), mais aussi Thibaut Bayart (Chronodrive), Baptiste Bayart (Flunch), ou Romain Toulemonde (BZB), tous des présidents familiaux, sont passés par la case CDE.
Les apprentis chefs d’entreprise y sont poussés à se structurer, suivre des formations. En contrepartie, ils rendent compte. « C’est violent, quand on est face à un cousin en échec. Pour mettre un terme à l’aventure, le plus simple est de s’en tenir aux faits. » Et puis, ces Mulliez s’interrogent toujours : « Est-ce le projet qui n’est pas bon ou l’homme derrière le projet qui ne l’est pas ? » comme l’a suggéré un jour Gérard Mulliez père à son fils Gérard, qui patinait avec Auchan.
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Lors de nos entretiens, une citation finit toujours par jaillir. De Platon, de saint François de Sales, d’un aïeul… mais voici celle que les Mulliez chérissent par-dessus tout : « Nous sommes des gens ordinaires qui, ensemble et en solidarité, font des choses extraordinaires. » Qui l’a dit ? Et qui est l’auteur de cette autre citation maison : « Endormez-vous en ayant fait la paix» ? Impossible de le savoir avec certitude car, chez les Mulliez, il y a peu d’archives communes. Il n’y a ni histoire officielle ni albums de photos. Alors, parfois, les mémoires s’entrechoquent. Qu’importe. Le tout est de ne pas oublier Platon : « Le sillon n’est droit que si les deux chevaux avancent à la même vitesse. » Le premier cheval s’apparenterait aux entreprises Mulliez et le deuxième, à la famille Mulliez. Ou l’inverse. C’est selon.
« Certains associés sont profs, artistes, entrepreneurs, ambitieux, suiveurs… C’est génial. Il faut connaître chacun pour que tout le monde puisse s’impliquer à sa façon. » Auseindel’AssociationfamilialeMulliez(AFM), Blandine Mulliez se mobilise afin que les siens partagent autre chose que leur patrimoine et profitent de l’hétérogénéité du groupe. Elle nous décrit quelques-unes des activités du catalogue familial : clubs de bricolage, de défense de l’environnement, initiatives entre cousines, voyages aux confins de l’empire pour découvrir ses affaires, « vis ma vie » professionnelle ou encore formation d’administrateur – fonction occupée par 142 associés. Il en faut, de la bande passante, pour être un Mulliez ! Être administrateur d’une société et participer aux réunions familiales peut occuper jusqu’à douze jours par an. Tout est mis en oeuvre pour éviter d’engendrer des rentiers. « Vivre uniquement des revenus du patrimoine entrepreneurial de la famille est très, très, très mal vu dans la famille. Il faut apprendre aux enfants à vivre avec ce qu’ils gagnent. Qu’ils gardent leur argent pour acheter des actions de la famille, c’est mieux que de les dépenser pour acheter les plus belles voitures du monde ou en changer tous les ans », préconise Gérard Mulliez.
En ce XXIe siècle, il faut miser sur l’imagination, tout de même, pour lever quelques freins. « Les nouvelles générations souhaitent préserver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, souligne Blandine Mulliez. Elles cherchent aussi de l’impact social et environnemental. On explique à nos enfants qu’ils peuvent s’impliquer sur ces sujets dans nos entreprises. Et, vu la taille de notre écosystème, ils auraient ainsi bien plus d’impact qu’en sortant leur argent de l’AFM pour le placer dans des fonds dits à impact. »
Un président sous surveillance
Comment approche-t-on la plus éminente famille du capitalisme français, qui n’a aucune armée de communicants à son service ? Voici quelques clés : soyez persévérant, moquez-vous des Parisiens, appropriez-vous leurs citations, rangez vos cravates, baladez-vous entre les cheminées du Nord, zone encore très concentrée en Mulliez, et priez pour en croiser un. Sinon, comme nous, faites abstraction de la bienséance et écrivez sans trop réfléchir ce message à Barthélémy Guislain, le président de l’AFM : « Je pense faire un article sur la ruche Mulliez. Vous, reine des abeilles, ne m’intéressez pas plus que cela, vous êtes un personnage parmi d’autres. » Aïe ! Aussitôt envoyé, des regrets. Nous connaissons bien des PDG du CAC 40 qui auraient pris la mouche. Mais ce que nous ne savions pas encore, c’est qu’un capitaine des Mulliez ne doit pas avoir d’ego surdimensionné. Évidemment, il faut être fin politique et tacticien pour embarquer 851 cousins et faire voguer la flottille vers de nouveaux horizons.
Depuis 2014, Barthélémy Guislain occupe le poste de président de la gérance. Il a succédé à Thierry Mulliez, qui avait géré sans bruit le départ à la retraite de Gérard et autres tontons Mulliez. Ce n’est pas le genre de la maison de squatter dans les instances patronales ou de petit-déjeuner au Ritz. Guislain est repérable dans la capitale seulement si la trajectoire de l’un de ses paquebots l’y oblige, ou, parfois, lors de réunions du lobbying patronal, l’Afep. « Je l’y entrevois depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine. Il me fait rire. Il sait jouer des stéréotypes qu’on a sur les gens du Nord », rigole un membre.
La vie est très belle, à 220 km de Paris. Quant aux sujets à traiter, ils ne manquent pas : le réveil d’Auchan, la diversification, l’expansion de Leroy Merlin et de Decathlon, les synergies, les partenariats, la présence polémique en Russie, l’enrôlement des associés, la vague de l’intelligence artificielle… La gérance actuelle – sept cousins, élus par les associés tous les cinq ans – a un programme : « porter un écosystème inspirant, attractif et performant pour
Les Mulliez sont libres de circuler, mais un passage par le nid est profitable.
les hommes, pour la planète et pour la performance économique. »
Un brin provocateurs, des cousins du capitaine Guislain se sont amusés à le souligner. « On peut le sortir quand on veut. Qu’il fasse gaffe ! » Les règles étant ce qu’elles sont, il suffit que quatre gérants s’accordent entre eux pour le faire chavirer. A priori aucune raison d’en arriver là ! Mais cette disposition existe pour éviter que le président « ne devienne fou » et se souvenir, encore et toujours, que le pouvoir se partage. « La famille nous a placés à la gérance non pas pour défendre les intérêts d’une branche plus qu’une autre, mais ceux de toute l’AFM », explique Antoine Grolin, l’un des sept cousins élus de cette instance suprême. À leurs côtés siègent trois indépendants – Didier Leroy, donc, Olivier Lajous, amiral retraité, et Angélique Gérard, dirigeante de Free –, sans droit de vote. « Il n’y a pas de jeu politique. Parfois, ils se lancent des piques, rappellent une histoire qui leur est complètement personnelle. Cela dure dix secondes. C’est à Barthé, en tant que capitaine, de faire revenir tout le monde sur terre et de rappeler l’intérêt supérieur des entreprises. Il a l’habitude de chercher un large consensus», rapporte Leroy. Selon leurs règles, à 4 contre 3, le match est plié. Mais la fin de la partie est plutôt sifflée à 5 contre 2.
Du grain dans la cage
Que de règles, plus ou moins intuitives, régissent la vie de cette famille ! Tout est fondé sur une charte de 1968, modelée après les décès de Louis et Marguerite Mulliez. Ce texte, régulièrement mis à jour, est un mélange de code de déontologie et de règlement de copropriété. « Mon père et ses frères étaient membres du groupe patronal d’Action catholique. Ils partageaient tous les principes de la religion, du partage, de l’honnêteté, du service… Ce qui leur a permis de s’associer facilement et de fabriquer des règles du jeu impliquant les mêmes principes », se remémore Gérard Mulliez. Les frangins ont ainsi ouvert le capital des sociétés en 1961 à leurs soeurs, qui, jusque-là, en étaient exclues. Une initiative d’une incroyable modernité pour l’époque. Il faut dire que les frères avaient repéré les bras utiles – et les poches ! – de leurs beaux-frères et de leurs neveux.
Un Mulliez nous montre le dessin d’un oiseau aux grandes ailes déployées fonçant vers une volière ; la grille est ouverte. « Il faut qu’il y ait du grain dans la cage. » Une énième métaphore pour souligner que les Mulliez sont libres de circuler, mais qu’un passage par le nid leur est profitable. Leurs aïeux ont ainsi inventé le « tous dans tout ». En clair, chaque actionnaire détient un portefeuille AFM, composé de titres Leroy Merlin, Decathlon, Foundever, etc., dont la répartition est la même pour tous. Il est donc impossible pour un Mulliez d’arbitrer entre une enseigne et une autre. Ou pour Gérard Mulliez de ne détenir que du Auchan ! Le nombre de descendants, leur histoire et leurs règles conduisent à l’inexistence de gros porteurs. Les coups d’État sont irréalisables et la spéculation, impraticable. Ultime verrou : seuls les descendants-associés de Louis et Marguerite peuvent détenir des titres. Le conseil de surveillance familial (CSF), composé de vingt Mulliez, élus par les actionnaires, s’assure du respect de règles. Ces constitutionnalistes menés par Gaëtan Mulliez (4e génération)
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remontent aussi à la gérance les « attentes » ■ et les « bravos » de l’assemblée générale. Malgré sa dissolution, une autre instance de poids subsiste…
Respecter les anciens
Une salle de classe. Le mobilier du conseil de gérance n’a rien de tapageur. C’est à la fois curieux – car les Mulliez possèdent une enseigne spécialisée en la matière (Alinea) – et bien choisi, s’il s’agit d’exprimer leur mépris du clinquant. Il y a bien quelques photos, mais aucune à la gloire des anciens. Donc, c’est ici que la gérance se réunit, mais aussi, quand bon leur semble, Gérard, Patrick, Gonzague, Michel et bien d’autres Mulliez, inconnus du grand public, ayant contribué à l’éclosion de l’empire familial. « Ils étaient là hier, s’amuse Barthélémy Guislain. Ils ouvrent la porte de mon bureau, sans toujours frapper. Pourquoi je leur interdirais de venir ? Ils sont chez eux. C’est toujours intéressant de les écouter. »
Il y a encore peu, les sages de ce club informel composaient le comité consultatif. Mais le cercle a été dissous, au profit du CSF. Qu’importe. Il est toujours bon de se voir entre germains ! Malgré leurs succès et leurs cheveux blancs, ils seraient encore ces gamins compétitifs, combattant frères et cousins au tennis, au vélo ou dans les rayons. Ils rient, discutent, se chamaillent. Et « invitent » leurs neveux pour les jauger. « Ils aiment qu’on les secoue. Eux ne s’en privent pas avec nous ! », avise un jeunot.
Antoine Grolin, gérant de l’AFM, a été reçu en 2019 ; il était ravi de se frotter à eux. Il avait besoin de leur « énergie » – et en particulier de celle de Gérard Mulliez – à la veille de sa nomination comme président de Nhood, l’opérateur immobilier adossé à Auchan (8 milliards d’actifs). «Les fondateurs ont pétri leur boîte, c’est leur enfant. Il faut les écouter, les respecter. » Grolin s’amuse à se présenter comme le « président d’une partie de la France moche », faite de « tôles et de parkings dégueulasses ». L’idée serait de « transformer les centres commerciaux en lieux où il ferait bon vivre, se soigner, s’amuser, pratiquer un sport… »
Ce projet n’a pas déplu aux sages. Un premier lifting a été lancé à Bordeaux. Le supermarché et son parking aérien laissent place à 87 logements, des commerces et services, des bureaux, un nouvel Auchan.
Un ami qui vous veut du bien
Avant de quitter le Nord, arrêtons-nous près de la gare Lille Europe, dans un immeuble ultramoderne. Le « salon grands voyageurs », comme le nomment les Mulliez. Mais ce lieu est bien plus que cela. Ici se joue en partie l’avenir de l’empire. Ludovic Declercq, un gérant (44 ans, 5e génération), nous fait visiter. À chaque étage, un concentré de sociétés mullieziennes et d’associés. « C’est un cousin…, un cousin…, un cousin… » Pour le compte de l’AFM, Declercq, qui a grandi en Savoie et travaillé pour L’Oréal, Adidas et Nike, coordonne le comité Plateforme.
Tout commence un jour de 2017. Les Mulliez invitent à monter sur scène Daniel Zhang, alors puissant patron d’Alibaba et partenaire d’Auchan en Chine. Leur ami les contemple avec gourmandise. Ah ! leurs enseignes, leurs offres… « Cela a fait l’effet d’un détonateur, se souvient Declercq. Zhang a mis en lumière le potentiel de notre écosystème que l’on n’exploitait pas. À l’époque, on avait le choix entre confier nos clients et nos relations client à un tiers ou nous faire pulvériser par un Alibaba ou un Amazon. »
Une troisième voie a été empruntée. Une force de frappe regroupant présidents, gérants et experts – comme Charles-Édouard Bouée, spécialiste du numérique et de la Chine, qui avait joué l’entremetteur entre Alibaba et Auchan –, a été constituée. Des problématiques communes ont été identifiées : les solutions de paiement, la logistique du dernier kilomètre ou l’utilisation des données clients, qui demandent toutes des investissements colossaux. Cette méthode de travail vient titiller la logique des anciens, résumée par le slogan « un homme, un projet, un compte d’exploitation » avec la volonté, toujours, de ne pas nuire à l’armada.
Après de longs débats, une quinzaine de projets ont été ciblés. Et l’invraisemblable s’est même produit : une société, Valiuz, compte à son capital non pas l’AFM mais des firmes de l’AFM. Une première. Il faut dire que l’enjeu est de taille : « La donnée est la nouvelle forme de commerce de demain », soutient Declercq. Les vaisseaux Mulliez, tous ensemble, seraient les plus gros détenteurs de datas du Vieux Continent. Sur le sujet, ils suivent la percée du distributeur Walmart, qui en tire déjà des milliards de bénéfices. Que peuvent-ils faire, eux, de leurs données, dans le cadre des textes européens ? Comment les transformer en or ? Gérard Mulliez a bien une piste : « C’est en se battant que l’idée se concrétise. Une idée n’est pas bonne quand on vous la donne ou quand vous la gardez dans votre tête. Il faut essayer tout droit, puis rectifier en allant un petit peu à droite, puis un petit peu à gauche, jusqu’à ce que l’idée d’origine se transforme en quelque chose de parfait dans la pratique. »
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Les Mulliez seraient les plus gros détenteurs de datas du Vieux Continent.