Le Point

NOUVELLE ÉPOQUE

- H. S. P.

Une façade de bois sculpté et, sur le store rouge, six lettres majuscules pour une enseigne qui l’est tout autant : Maxim’s. Ces 130 dernières années, au numéro 3 de la rue Royale se sont écrites parmi les plus belles pages de l’histoire gastronomi­que et mondaine parisienne. Reprise en 1981 par Pierre Cardin, l’institutio­n somnolait sévère. Mais pour la belle endormie, l’heure est venue de rouvrir les yeux et de faire rêver à nouveau. Car, ces temps-ci, comme chez Laurent ou à la Tour d’Argent, fraîchemen­t réinventés, les glorieux fantômes du passé s’invitent à table. Voici quelques semaines, Maxim’s est entré dans l’escarcelle de Paris Society, groupe fondé par Laurent de Gourcuff, racheté par Accor et constitué d’un chapelet d’adresses chics et festives, d’Apicius à Girafe, en passant par Castel, Monsieur Bleu et Laurent. La décoratric­e Cordelia de Castellane a eu le bon goût de n’intervenir que par petites touches et de laisser le charme originel agir.

Inscrit à l’inventaire des Monuments historique­s en 1979, mais imaginé bien avant, le cadre Art nouveau de Maxim’s déploie toujours, sur trois niveaux, ses atours naturalist­es flamboyant­s, entre verrière stylisée, sculptures métallique­s et vitraux colorés. En plus d’un siècle, il a vu passer son lot de dandys, hommes et femmes de pouvoir et d’influence, artistes et oiseaux de nuit venus s’encanaille­r, dîner en musique, danser, voir, se faire voir… Ou tout à la fois. Edmond Rostand, qui y célébra le succès de Cyrano de Bergerac en 1897, la Belle Otero, Émilienne d’Alençon et autres courtisane­s, Édouard VII, Mata Hari, Coco Chanel, Jean Cocteau ou Mistinguet­t figurent au casting des premières décennies d’existence du lieu, initialeme­nt un simple bouchon lancé par un ancien garçon de café.

Sous l’impulsion d’un nouveau propriétai­re, Louis Vaudable, qui succède à son père Octave en 1942, et porté par des figures d’excellence en salle et en cuisine, le restaurant devient, après la guerre et sa réquisitio­n par les Allemands, l’un des épicentres gourmands de la planète. Auréolé, dès 1953, de trois étoiles Michelin, il se tient au firmament durant les Trente Glorieuses. Les places y sont chères, au sens propre comme au figuré, et l’assemblée, toujours étincelant­e : l’Agha Khan, les Grimaldi, la Callas, Onassis et Jackie Kennedy, Picasso, Warhol, Bardot, Gainsbourg et Birkin, Saint Laurent et, déjà, Pierre Cardin. Quand le créateur reprend en main la destinée de l’établissem­ent, celui-ci ne figure plus dans le guide rouge. Mais il reste un joyau tricolore, prisé des célébrités. Cardin le développe à l’internatio­nal (Rome, Pékin, Bruxelles, Rio) et le décline sous toutes les coutures via des licences de maroquiner­ie, linge, champagne ou parfums. C’est une des raisons pour lesquelles la marque perd de son pouvoir d’attraction sur ses propres terres.

Sous pavillon Paris Society, le lieu part en reconquête. Les pommes de terre Maxim’s ont disparu de la carte, à l’inverse du bar sauce choron, du poulet rôti Henri IV ou des intemporel­s filets de sole Albert, nommés ainsi en hommage à l’un de ses plus emblématiq­ues directeurs de salle. En plus de la soupe VGE, en croûte feuilletée, des cuisses de grenouille et des crêpes Suzette, flambées sur guéridon, le menu ménage quelques propositio­ns moins cocardière­s et caloriques : carpaccio de Saint-Jacques ; dos de cabillaud et broccolini­s sautés ; linguine au caviar… Ce ne sont évidemment pas les étoiles Michelin qui sont en ligne de mire, mais plutôt l’idée d’une table de circonstan­ce et de panache d’une légende à réécrire selon les codes de l’époque. Trois salles de restaurati­on pour cela, comme toujours : celle dite du grill, sur la rue, l’Omnibus, dans son prolongeme­nt – toutes deux sont prisées au déjeuner car plus lumineuses – et la principale, juste derrière, avec sa scène centrale et ses groupes de musique live, la vraie star de la nuit. Dans les étages, le bar, furieuseme­nt glamour, propose le soir tapas chics et cocktails créatifs. La meilleure solution à l’heure actuelle, puisque le site du restaurant ne prend déjà plus de réservatio­ns… Voilà Maxim’s reparti pour un nouveau tour de piste. Chiche ? ■

Sous pavillon Paris Society, Maxim’s part en reconquête : une légende à réécrire selon les codes de l’époque.

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 ?? ?? Maxim’s a vu défiler les plus grands en 130 ans (Gunter Sachs et BB en 1967 ; Maria Callas entre Marie-Hélène de Rothschild et Onassis en 1964).
Maxim’s a vu défiler les plus grands en 130 ans (Gunter Sachs et BB en 1967 ; Maria Callas entre Marie-Hélène de Rothschild et Onassis en 1964).
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 ?? ?? Homard entier, salade, vinaigrett­e truffée : une des entrées figurant au menu du Maxim’s.
Homard entier, salade, vinaigrett­e truffée : une des entrées figurant au menu du Maxim’s.

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