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Les messages oubliés des cloches

Elles se prénomment Marie-Clémence, Madeleine, Louise-Joséphine, Mathilde et Thérèse, pèsent, plus de 2 tonnes. Ce sont les vénérables cloches de l’église Saint-Julien. Qui sont-elles ? A quoi servent-elles ?

- Nathalie Guérin

Jean-Charles Lelouvier est un des sacristain­s de la paroisse Saint-Sauveur en Domfrontai­s. Il détient les connaissan­ces et les codes des sonneries des cinq cloches de l’église Saint-Julien.

Les trois premières cloches de l’église Saint-Julien ont été bénites le 27 juillet 1880 dans l’ancienne église par Mgr Charles-Frédéric Rousselet, évêque de Sées : la plus grosse, Marie-Clémence donne le « fa » ; la moyenne, Madeleine, le « sol » ; la petite, Louise-Joséphine, le « la ».

La quatrième, Mathilde, datant de 1825, donne le « si » bémol. Elle était fixe dans l’ancienne église mais ne sonnait que les heures. La cinquième, la plus légère des cinq, Thérèse de l’Enfant Jésus, fondue en 1930 par la Fonderie de Villedieu, a été créée pour la consécrati­on de la nouvelle église en 1933. « Toutes les cinq doivent leurs prénoms aux personnes qui les ont financées, ce sont souvent des notables de la ville », souligne Jean-Charles Lelouvier, 28 ans.

Un instrument de communicat­ion

Calvadosie­n d’origine, JeanCharle­s Lelouvier active depuis trois ans les cloches de l’église avec deux autres sacristain­s.

Ses grands-parents paternels étaient sonneurs de cloches et lui ont transmis la connaissan­ce des cloches et de leurs sonneries. « Depuis le début de notre ère jusqu’à une époque récente, la cloche a été un instrument privilégié de communicat­ion de masse du fait de la portée étendue de sa voix. Le son produit par la cloche a donc été utilisé au fil des siècles pour différente­s fonctions de communicat­ion : alerte, informatio­n, marquage sonore du calendrier, instrument d’appel civil ou religieux, instrument de localisati­on… ».

Le message transmis par la sonnerie de cloche s’appuie sur la sonorité, le rythme de frappe sur celle-ci (volée, tintement, durée, nombre de coups…), le nombre de cloches mises en oeuvre simultaném­ent ou successive­ment… « Les combinaiso­ns possibles autorisent donc un nombre assez grand de messages », souligne JeanCharle­s.

Code et langage

Si autrefois, le sacristain prenait la corde à pleine main pour sonner les cloches, aujourd’hui il dispose des nouvelles technologi­es, à savoir un boîtier de commandes connecté à un satellite pour avoir l’heure exacte, régler le temps et la sonnerie par l’action de petits interrupte­urs. Pour l’utiliser, il convient bien sûr de connaître les codes et langage des cloches. « Les trois cloches, Marie-Clémence, Madeleine, Louise-Joséphine marquent l’heure, Madeleine et LouiseJosé­phine tintent tous les quarts d’heure et l’Angélus, Louise-Joséphine, sonnent trois fois, à 7 h, à 12 h et à 19 h, précise le sacristain. Les sonneries de deuil sont toujours les mêmes. On actionne le glas, Marie-Clémence qui sonne en volée. Louise-Joséphine et Madeleine sont tintées différemme­nt selon que c’est un homme ou une femme. Pour un homme, on tinte Marie-Clémence, Madeleine, Louise-Joséphine, trois fois de suite avant de sonner le glas et pour une femme, c’est l’inverse, Louise-Joséphine, Madeleine et MarieCléme­nce ».

Evénements et croyances

A chaque fois qu’un nouvel événement survenait, un incendie par exemple ou une guerre comme en 1914, le tocsin, Marie-Clémence, retentissa­it dans la campagne, en agitant le battant pendant quelques minutes, le temps que tout le monde ait bien entendu et se rassemble sur la place. Elle était actionnée aussi les jours d’orages. « Il y a très longtemps, lors des orages, les cloches sonnaient pour le faire partir. La population croyait que l’orage était la colère de Dieu », raconte Jean-Charles.

Pour les dimanches de fêtes religieuse­s, Noël, Pâques, l’Assomption et les mariages, les 5 cloches sonnent. « Je les actionne d’une certaine façon, en fonction de leurs poids afin d’obtenir une mélodie agréable à entendre : Louise-Joséphine, Madeleine, Mathilde, Thérèse, Marie-Clémence. Pour un baptême, c’est comme un dimanche ordinaire, les trois grosses cloches retentisse­nt vers 13 h. Pour la messe du soir, Mathilde sonne à 18 h 15 ».

Deuil national

Aujourd’hui, les cloches de Saint-Julien comme toutes celles de France peuvent toujours retentir pour un deuil national. La dernière fois c’était le 14 juillet après l’attentat de Nice et le 27 juillet, en soutien aux Chrétiens d’Orient comme demandé par le président de la commission des Évêques de France, suite à l’assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray.

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 ??  ?? Jean-Charles Lelouvier (en haut à droite) est un des sacristain­s qui sonnent les cloches de l’église Saint-Julien.
Jean-Charles Lelouvier (en haut à droite) est un des sacristain­s qui sonnent les cloches de l’église Saint-Julien.

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