« Conduire n’est pas anodin »
Après une année 2015 « catastrophique », Isabelle David, le préfet de l’Orne, attend une prise de conscience des automobilistes.
Après l’accident de Valframbert, l’Orne compte 22 morts sur ses routes en 2016. Comment analysezvous ce chiffre ?
C’est un chiffre très élevé. Évidemment trop élevé. Cette année, 17 accidents ont provoqué la mort de 22 personnes. Les causes sont nombreuses : alcool, vitesse, absence de ceinture de sécurité, mauvais état des pneus… Or il existe des solutions pour chacune d’entre elles.
Après chaque accident, même non mortels, nous mettons désormais en place une commission médicale pour savoir si les personnes étaient en état de conduire. Fin 2015, 12 personnes sur les 26 examinées étaient inaptes à la conduite. Depuis le début de l’année 2016, 88 personnes ont été examinées. Sur les 43 pour lesquels nous avons les résultats, 4 étaient inaptes soit 10 %.
Il est essentiel que chacun prenne conscience que conduire nécessite un bon état physique. L’entourage a également son rôle à jouer. Si un proche n’est pas en état de conduire pour une raison ou pour une autre, ils doivent nous le signaler. Ces chiffres élevés en 2016 sont-ils propres à l’Orne ou est-ce un phénomène national ?
Dans l’Orne, ce sont malheureusement les mêmes tendances qu’au niveau national. En début d’année, les chiffres n’étaient pas bons dans l’Orne comme au niveau national. Et au mois de juillet, les chiffres étaient en baisse partout et l’Orne n’a connu aucun accident mortel.
Pour lutter contre l’accidentologie, l’État met en place des campagnes préventives. Nous faisons la même chose dans le département. Un clip est sorti il y a deux mois et des affiches vont bientôt être mises en place pour sensibiliser aux « distracteurs » de conduite, car une seconde d’inattention peut avoir des conséquences terribles. Paradoxalement, l’Orne a connu autant d’accidents et moins de blessés en 2016 qu’en 2015 à la même période, mais beaucoup plus de morts. Qu’est ce que cela signifie ?
On ne peut malheureusement pas l’expliquer. L’objectif est avant tout d’éviter les accidents, qu’ils soient mortels ou non, car on ne peut pas prévoir qu’un accident se transforme en accident mortel. Cela tient tellement à peu de chose.
Quoi qu’il en soit, nous constatons tout de même un relâchement dans les comportements de conduite ces derniers temps. C’est-à-dire que vous constatez une hausse des infractions ?
Cela dépend de quelles infractions l’on parle. Nous constatons par exemple de plus en plus de conduite avec un téléphone. Les très grands excès de vitesse, plus de 40 km/h au-dessus de la vitesse autorisée, sont également en légère hausse par rapport à 2015 : 280 ont déjà été constatés cette année.
En termes d’opérations de police et de gendarmerie, les chiffres d’une année sur l’autre sont similaires. Malgré la mobilisation plus importante en termes de sécurité sur les différents événements, le nombre d’heures consacrées à la sécurité routière par les forces de police et de gendarmerie est identique à l’année dernière. Durant le mois de juillet, pourtant réputé dangereux sur les routes, il n’y a pas eu d’accident mortel. Des mesures particulières ont-elles été prises ?
Les contrôles sont renforcés durant chaque été et pour les grands week-ends comme celui du 15 août. Mais il n’y a pas de dispositif spécifique pour cette année. S’il n’y a pas eu de victimes en juillet, c’est que les automobilistes étaient plus raisonnables et vigilants. Cela reste le meilleur moyen de lutter contre l’accidentologie. L’Ouest de l’Orne a connu plus d’accident mortel que le reste du département. Y a-t-il des zones plus accidentogènes que d’autres ?
Il y a effectivement plus de victimes à l’Ouest mais pas plus d’accidents. En réalité, les analyses montrent qu’il n’y a pas de zones particulièrement accidentogènes dans l’Orne. Le fait qu’il y ait moins d’accidents mortels à Alençon par exemple peut s’expliquer par le fait que la vitesse est moindre en zone urbaine.
Les accidents sont répartis équitablement dans le département donc il n’y a pas de problèmes particuliers d’infrastructures. En revanche, les radars sont installés sur les routes où il y a le plus d’accidents mortels. La pose de radar est-elle justement un moyen efficace ?
Au niveau national, il a été constaté qu’un radar permet de diminuer le nombre d’accidents de 95 % dans une zone de 4 kilomètres avant et après le radar. Il y a donc un intérêt clair.
Le but du radar n’est pas de faire de la répression mais de sauver des vies avec un aspect pédagogique puisque tous les radars de l’Orne sont signalés par des panneaux avant pour faire ralentir la vitesse.
Dans cet objectif, 10 radars fixes à double sens ont été installés dans l’Orne l’année dernière et quatre le seront cette année. Comment convaincre les conducteurs d’adopter les bons gestes au volant ?
Il faut que chacun prenne conscience qu’une voiture n’est pas seulement un objet qui emmène d’un point à un autre. Elle peut se transformer en arme et devenir mortel. Il faut donc prendre toutes les précautions.
Le principal est de conduire dans de bonnes conditions physiques : sans alcool, pas fatigué… Il y a également des gestes simples à adopter comme mettre sa ceinture de sécurité, ne pas répondre au téléphone au volant, régler ses rétroviseurs. Les manquements à ces règles simples prennent encore trop de vies. Conduire n’est pas quelque chose d’anodin.