Vous ne les confondrez plus
Tous les Français connaissent le camembert. Mais ont-ils regardé les étiquettes ? Sur certaines boîtes, on peut lire : « Camembert de Normandie », sur d’autres « fabriqué en Normandie ». Quelle différence ? Ces fromages sont-ils tous vraiment normands ?
Une loi européenne de 1992 a été votée pour supprimer la confusion entre « Camembert de Normandie » et « Fabriqué en Normandie ». Mais elle n’est pas appliquée. Le 7 juin, l’INAO et les professionnels des autres appellations d’origine protégée vont statuer sur ce problème d’étiquetage.
Le Camembert de Normandie est 100 % normand, certifié par une AOP (Appellation d’origine protégée). L’un des derniers à produire un camembert fermier AOP et bio se trouve à Champsecret. Patrick Mercier est contraint de respecter un cahier des charges bien précis : utiliser du lait cru, le moulage à la louche doit être manuel (5 à 40 mn d’intervalles) et 50 % de son troupeau doit être composé de vaches normandes et pâturer 6 mois de l’année dans une zone géographique bien précise.
Confusion des genres
En revanche, du côté du Camembert « fabriqué en Normandie », souvent produit par des industriels, le cahier des charges n’est pas aussi strict.
Même si les boîtes de camembert sont recouvertes de belles images de vaches normandes ou font référence à la tradition, une seule certitude : l’usine de production est en Normandie, mais le lait peut venir d’ailleurs.
Une loi qui n’est pas appliquée
Patrick Mercier, qui est également président de l’organisme de gestion camembert de Normandie (AOP), dénonce une pratique mensongère et rappelle que selon le règlement européen, le mot « Normandie » est réservé à l’AOP. « La loi 2081-92, article 13 précise cette notion de confusion d’usurpation de notoriété et d’évocation de produit d’appellation d’origine et indique que toutes ces notions sont interdites. On se demande pourquoi cette loi n’est pas appliquée », s’interroge-t-il.
Un troupeau de vaches normandes
Jusqu’en 2007, la notion de production du lait en AOP n’était pas précise. Elle l’est devenue depuis par la présence du pâturage des troupeaux obligatoire par une proportion des rations d’herbe au moins 2/3, le tout sous le contrôle d’un organisme officiel. L’obligation d’autonomie fourragère de chaque ferme s’ajoute. En 2017, le nombre de vaches normandes dans chaque troupeau doit être majoritaire. « Ce qui crée une vraie différence côté production de lait par rapport au lait standard qui sert aux autres camemberts industriels. Les conditions de production du fromage sont radicalement différentes aussi (pasteurisation, concentration du lait, type de moulage…). Aujourd’hui, on ne peut plus laisser cette confusion. On trompe les consommateurs », précise Patrick Mercier.
L’INAO (Institut national des appellations d’origine) qui a été surpris de cette demande de suppression de confusion, semble aller maintenant vers une application de la loi. « L’administration convient que ce n’est plus possible. Avec les professionnels des autres appellations d’origine protégée, elle organise une réunion le 7 juin pour statuer sur ce problème d’étiquetage. J’attends un plan d’éradication précis ».
Après la suppression, des projets
Derrière cette suppression, des projets vont voir le jour permettant la valorisation des élevages normands comme l’IGP Lait (Indication géographique protégée) de Normandie ou STG (Spécialité traditionnelle garantie) lait de Normande. « Cette différenciation permettra la rémunération des éleveurs, ce qui n’est pas le cas pour ceux qui livrent du lait pour le camembert fabriqué en Normandie. On peut espérer que les industriels utiliseront les deux projets portés par les éleveurs pour que l’ingrédient de leur camembert qui est le lait ait une vraie notion de Normandie. Aujourd’hui, il n’y a aucune garantie que le lait provienne de l’expression d’une typicité normande ».