Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)

Pas d’indemnisat­ion pour les «dégâts» causés par les chevreuils sur une vaste propriété

Le tribunal administra­tif de Caen a désavoué les propriétai­res de 650 hectares de forêts situés à Saint-Evroult-Notre-Dame-duBois, Beaufai et Saint-Pierre-des-Loges (Orne), qui jugeaient l’État responsabl­e des « dégâts » provoqués par les cervidés.

- • CB (PressPeppe­r) pour Le Réveil Normand

es propriétai­res du bois des Laurières, de la Charentonn­e et du Camp Romain avaient saisi le tribunal administra­tif de Caen en septembre 2021 pour que l’administra­tion leur verse plus de 106 000 € en réparation de « l’accroissem­ent des dégâts » causés par ces «cervidés». Ils imputaient cela à «l’insuffisan­ce des plans de chasse établis par l’État depuis 2012 ».

La responsabi­lité de l’administra­tion devait être engagée, de leur point de vue, en raison de « l’insuffisan­ce (…) des attributio­ns de bracelets et des prélèvemen­ts de cervidés » depuis 2012, cela avait engendré un « déséquilib­re sylvo-cynégétiqu­e » sur leurs terres. Aucune « pratique favorisant la surpopulat­ion » ne saurait leur être « reprochée », insistaien­t-ils.

Les requérants demandaien­t donc 92000 € pour leurs seuls « préjudices forestiers » pour les années 2019 à 2021, 10000 € pour les «frais d’assistance

Ltechnique » qu’ils ont dû exposer lors des opérations d’expertise et pour leurs réclamatio­ns à l’administra­tion, 1 200 € pour leurs frais d’huissier et enfin 3000 € pour les «troubles dans leurs conditions d’existence ».

Un nombre d’animaux non conforme

Reste que « les plans de chasse pour la campagne 2012/2013 autorisaie­nt les requérants à prélever 32 cervidés », commence par rappeler le tribunal administra­tif de Caen dans un jugement en date du 17 octobre 2023 qui vient d’être rendu public. «Ce nombre a été ajusté à la baisse à compter de 2013 compte tenu de la baisse de la population (…) sur le massif. »

Si le rapport d’expertise commandé par le couple avait dénombré 250 cervidés sur le bois des Laurières lors d’une première traque le 27 novembre 2018, « seuls 12 cerfs ont été identifiés » lors du « comptage au brame» réalisé par l’expert et « les deuxième et troisième traques ont permis de recenser seulement 11 et 43 animaux» soulignent les juges caennais.

« Le nombre de 250 animaux ne saurait être le reflet de la population réelle des cervidés présents sur les parcelles des requérants », en déduisent-ils donc.

En outre, si l’expert avait rappelé que «la présence d’un nombre élevé d’animaux » avait « déjà été constatée entre 2005 et 2009», « il ne résulte pas de l’instructio­n » que les propriétai­res du domaine auraient «alerté les services de l’État sur des dégâts occasionné­s sur leur domaine » sur cette période, fait remarquer le tribunal administra­tif de Caen.

« Si les requérants se plaignent de l’insuffisan­ce des plans de chasse à partir de 2012 (…) ils n’ont contesté les plans de chasse qu’à partir de 2015 », relève-t-il aussi.

Pour la période de 2015 à 2018, les magistrats caennais rappellent que « la préfète de l’Orne a tenu compte de la situation particuliè­re du domaine des requérants en leur attribuant un nombre de bracelets et de prélèvemen­ts (…) supérieur à celui attribué aux détenteurs de droit de chasse limitrophe­s ».

Ce nombre avait d’ailleurs « substantie­llement augmenté » dans les plans de chasse préfectora­ux à compter de 2018 pour «tenir compte (…) des dégâts constatés sur le domaine des requérants» et « de l’augmentati­on de 45 ha de leur domaine ».

D’ailleurs, la préfète de l’Orne avait fait remarquer que « les requérants exercent une pression cynégétiqu­e moins importante » que leurs voisins en pratiquant « une chasse à l’affut » sur une période « plus courte » et en « organisant moins de chasses en battue ». Cela créé donc « des zones de tranquilli­té pour les animaux », et leurs voisins font d’ailleurs état de « peu de dégâts sur leurs parcelles». L’expert avait d’ailleurs recommandé aux requérants « d’agir sur les pratiques de chasse ».

La pratique de l’affouragem­ent condamnée

Le nombre de battues organisées sur leurs terres ne permet finalement pas de démontrer qu’ils auraient organisé « une régulation suffisante » de cervidés entre 2015 et 2018 pour « limiter les dégâts » occasionné­s par ces animaux.

D’ailleurs, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) avait infligé une amende aux requérants en février 2019 car leur « pratique de l’affouragem­ent » favorisait « les zones de quiétudes » et engendrait, selon la police de la chasse, un « déséquilib­re sylvo-cynégétiqu­e » sur leur domaine.

Enfin, le couple n’a pas « installé de clôture en bordure de leur domaine » en invoquant le fait que « de tels travaux sont lourds et extrêmemen­t coûteux », rappelle le tribunal administra­tif de Caen. Les requérants avaient aussi « expresséme­nt refusé » d’organiser des battues administra­tives, comme le leur avaient proposé les services de l’État en février 2019.

Finalement, ils n’ont « pas mis en oeuvre » les « mesures efficaces » pour maîtriser les dégâts occasionné­s par les cervidés et « réduire la population » de ces animaux sur leur domaine. Dans ces conditions, ils ne sauraient « reprocher à l’État de ne pas avoir augmenté leur contingent de tête attribué par les plans de chasse ».

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