Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)

Comment la petite Alphonsine Plessis née à Nonant-le-Pin s’est imposée dans la postérité

Fille de paysans normands, rien ne prédestine­r Alphonsine Plessis à devenir une icône dans le monde entier. Encore admirée 200 ans après sa naissance, Alphonsine Plessis dit Marie Duplessis est devenue la courtisane par excellence.

- • Marantine MAUGUIN

e 15 janvier 1824 naissait à Nonant-le-Pin la petite Alphonsine Plessis. Avec sa soeur, les deux fillettes connaîtron­t une enfance malheureus­e, entre un père alcoolique et violent et une mère obligeait de fuir son mari qui se réfugie en Suisse et y mourra.

Durant sa jeunesse, Alphonsine fait plusieurs petits boulots, en passant de servante à vendeuse de parapluies. «Dès 12/13 ans, tout le monde remarque sa beauté, son père aussi qui commence à monnayer ses charmes » explique Jean-Marie Choulet qui a été conservate­ur du musée de la Dame aux camélias pendant des dizaines d’années.

LLa courtisane la plus courue de Paris

Même si son enfance tragique aurait pu lui faire perdre tout espoir d’évoluer dans la société, la beauté d’Alphonsine n’a d’égale que son esprit. En 1838, à 14 ans, elle quitte Gacé direction Paris où elle rencontre un restaurate­ur qui l’installe dans un petit appartemen­t.

Très vite, elle se fait remarquer. « Elle était loin des canons de beauté de l’époque » souligne JeanMarie Choulet. « A cette époque, on préférait les femmes avec des formes et voici Alphonsine qui débarque avec sa grande taille fine, un teint pâle et ses cheveux bruns ». Rapidement et à peine 16 ans, elle devient la « courtisane la plus courue de Paris ».

Elle va rencontrer des hommes riches et influents, dont le duc de Guiche qui lui donne des cours de maintien, de cheval, elle apprend à lire et à converser sur tous les sujets. Ses amants se l’arrachent tant pour sa beauté que pour son intelligen­ce. Sur conseil du duc, elle abandonne son nom d’Alphonsine Plessis pour un nom plus noble, celui de Marie Duplessis.

De 1844 à 1845, elle entretient une liaison avec Alexandre Dumas (fils), cependant «il n’avait pas assez d’argent pour elle alors elle le laisse tomber ». Durant sa courte vie, Marie Duplessis aura toujours cherché le grand amour «qu’elle n’a jamais trouvé » sauf avec le compositeu­r et chef d’orchestre

Franz tard.

En 1846, elle épouse le comte Edouard de Perregaux. Voici que la petite campagnard­e du fin fond de l’Orne se retrouve propulsée au rang de comtesse. Cependant, après huit jours de mariage, elle le laisse tomber pour Listz, mais ce dernier « part en tournée dans l’Est de l’Europe et quand il revient, elle est morte. C’était le grand amour de sa vie ».

Liszt, mais il était trop

Malgré son jeune âge, Marie Duplessis est ravagée par la tuberculos­e qui l’emporte en février 1847. Elle se retrouve abandonnée de tous sauf du comte Gustav von Stackelber­g et du comte de Perregaux, restés à ses côtés. Elle est d’abord enterrée dans une fosse commune, mais le comte de Perregaux l’a fait exhumer pour qu’elle repose au cimetière de Montmartre. De ses amants, nombre ne se sont pas mariés, « quand ils avaient connu la Dame aux camélias, c’était pour la vie » interprète Jean-Marie Choulet.

À son décès, personne ne pensait que Marie Duplessis allait passer à la postérité, mais c’était sans compter sur son ancien amant, Alexandre Dumas qui écrit La Dame aux camélias en s’inspirant très largement de sa relation avec la courtisane. C’est ainsi que le mythe commence. «Le livre est le plus grand succès littéraire, plus que Victor Hugo à l’époque, c’est incroyable ».

« C’est une courtisane, mais elle est pure »

Tous les arts s’en emparent, la littératur­e, le théâtre et même l’opéra. « Un jour, Verdi vient à Paris et il voit la pièce de théâtre. Il décide d’en faire un opéra et va écrire La Traviata. Ça devient l’opéra le plus jouer au monde ». La Dame aux Camélias devient dans le monde « le symbole d’un amour extraordin­aire. Elle est courtisane, mais elle est pure. Elle s’occupe beaucoup des gens malheureux, elle a un visage d’ange. Elle attire la sympathie ».

Malheureus­ement, à son décès, personne n’aurait pu imaginer que l’histoire d’une courtisane touche autant de monde alors très peu de choses d’elle ont été conservées. C’était sans compter sur Jean-Marie Choulet et l’ancien maire de Gacé, Albert Debotté, qui en découvrant que La Dame aux camélias vient de chez eux, décident d’en faire un musée. Bien que Marie Duplessis n’est pas de descendant connu, sa soeur, Delphine a eu des enfants qui ont engendré une descendanc­e. Celui qui est devenu conservate­ur du musée a eu la chance de rencontrer l’arrière-arrière-petite-nièce de la Dame aux camélias qui lui a remis des objets ayant appartenu à Marie Duplessis. Petit à petit, le musée s’étoffe jusqu’à avoir trois salles dans lesquelles on peut retrouver des bijoux, une liste de courses ou encore le passeport de la courtisane.

« Sa tombe est toujours fleurie »

Cette histoire incroyable et le petit musée attirent beaucoup et notamment en Asie où la Dame aux camélias est devenue une légende. «Il y a beaucoup de Chinois et de Japonais qui adorent la Dame aux camélias. On a eu l’adjoint à la mairie de Shanghai qui nous disait que sa mère lui racontait cette histoire quand il était enfant». Aujourd’hui, l’histoire de la courtisane fascine toujours autant et ses admirateur­s continuent de lui rendre hommage. « Sa tombe est toujours fleurie que ce soit à n’importe quel moment de l’année ».

❝ C’était bien l’incarnatio­n la plus absolue de la femme qui ait jamais existé. Je ne suis pas partial, en général,

pour les Marion Delorme, pour les Marion Lescaut. Mais celle-là était une exception. LISTZ

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