Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)

Est-il encore possible de faire construire dans les campagnes aujourd’hui ?

Le sujet agite les élus depuis plusieurs mois et il a occupé certains temps de paroles durant les voeux. La crainte est de ne plus pouvoir développer les communes par la constructi­on.

- • Thierry Roussin

Les voeux à la population ne se contentent pas toujours de dresser la liste des projets. Ce sont aussi des temps de prise de parole permettant aux édiles locaux de dire leurs inquiétude­s.

C’est ce moment de rassemblem­ent qu’a choisi le maire de Saint-Symphorien-des-Bruyères pour exprimer ce qu’il a sur le coeur.

« Je suis remonté contre l’Etat qui nous interdit de construire dans les hameaux de nos communes. La loi Zéro artificial­isation nette (Zan) des sols interdit la constructi­on sur des terres agricoles et seules les constructi­ons à l’intérieur de l’enveloppe urbaine ou sur d’anciennes friches seront autorisées. Comment nos petites communes vont-elles pouvoir se développer ? Comment allons-nous pouvoir garder nos écoles s’il n’y a plus de jeunes couples qui viennent construire dans nos campagnes ? »

« Très loin de la pleine constructi­on »

Guy Martel n’est pas le seul à craindre les effets de la loi sur la démographi­e. De son côté, François Carbonell, maire de Vitrai et vice-président de la Communauté

de communes (Cdc) du Pays de L’Aigle en charge de l’urbanisme, entend ce discours peu optimiste. S’appuyant sur un document du service urbanisme de la Cdc, il fait observer que « même sans le Plan local d’urbanisme intercommu­nal ou la Zan, le Pays de L’Aigle n’a pas beaucoup bâti ces dernières années. Nous étions très loin de la pleine constructi­on ».

De 2009 à 2019, à Vitrai par exemple, on dénombre seulement 4 maisons neuves, comme à Beaufai et aux Genettes. D’autres communes ne sont pas forcément mieux loties avec 7 maisons pour Bonnefoi, Bonsmoulin­s et Saint-Nicolasde-Sommaire. Heureuseme­nt, quelques autres s’en sortent mieux avec 177 à L’Aigle, 63 à St-Sulpice, 46 à La Ferté-enOuche, 32 à Chandai et 21 à Saint-Ouen. Au total, sur cette période et sur l’ensemble du territoire, on totalise 625 constructi­ons avec un pic en 2009 (123), suivi de 2010 (89), 2011 (80)… 2018 et 2019 sont les deux années plus pauvres avec 21 et 20 édificatio­ns de maisons.

Autrement dit, une commune doit avoir des arguments pour être attractive. Selon François Carbonell, » on peut dire qu’au même titre que SaintSulpi­ce,

Saint-Ouen-sur-Iton est l’exemple même de la commune qui sait tirer profit de sa proximité avec la ville pôle. Même s’il y a des débats, ça avance « . La commune a viabilisé 12 terrains rue du Chemin de fer et la moitié a déjà trouvé preneur. Après un effort de calcul, nous pouvons donc vous dire qu’il en reste six à vendre au prix de 34 euros le m².

Plus de cinquante réunions de travail

Dans le courant de l’année 2024, la Cdc du Pays de L’Aigle va devoir définitive­ment valider le Plan local d’urbanisme intercommu­nal (PLUi) qui sera le guide d’aménagemen­t du territoire. Lors des voeux de la commune de Saint-Ouen, le maire Joël Brunet a indiqué qu’à l’avenir » les constructi­ons seront possibles dans le bourg et dans les hameaux de plus de 20 maisons « . Ce n’est qu’une parcelle de ce que contient le document.

François Carbonell mesure le chemin parcouru. » Avec mes collègues de la commission urbanisme, nous avons tenu au moins une cinquantai­ne de réunions en trois ou quatre ans pour aller au bout de ce travail, et notamment l’écriture d’un règlement intérieur s’imposant à tous « .

Mais, commune par commune, certaines spécificat­ions s’appliquent. » A Saint-Ouen par exemple, dans le cadre d’une rénovation ou d’une réfection, il est obligatoir­e de conserver les cheminées torsadées si emblématiq­ues « .

Le vice-président à l’urbanisme note que » la nouveauté est que l’essentiel des dossiers sera traité par le service urbanisme de la Cdc. Il devient le service instructeu­r « . Un gage de proximité et de rapidité sans doute, mais François Carbonell ajoute très vite que » le maire reste celui qui appose sa signature. Quand il donne son aval à un document d’urbanisme, il engage la commune. Il se doit donc d’être extrêmemen­t vigilant mais désormais toutes les pièces annexes concernant l’eau l’électricit­é, les marnières… se trouvent jointes au document « .

Une des grandes règles du PLUi, respectant les exigences de la loi Zan, » est que nous sommes poussés à construire là où il y a déjà des habitation­s, cela pour éviter d’allonger à l’infini les différents réseaux « .

Dans le même temps, le vice-président assure que pour les communes jusqu’à présent régies par la règlement national d’urbanisme (RNU), » les choses vont devenir plus facile, par exemple pour des extensions, les garages, les abris de jardin... « .

❝ « Le vrai problème, c’est que lorsque l’on a du terrain disponible, on pense qu’il suffit de viabiliser des parcelles pour faire venir du monde. Ce n’est absolument pas comme cela que ça fonctionne. FRANÇOIS CARBONELL

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Visiblemen­t il est encore possible de construire en campagne

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