Le Réveil Normand (Orne)

L’écrivain Frédéric Ploquin, spécialist­e de la police et du banditisme, a trouvé sa bulle dans le Perche

Journalist­e, écrivain, spécialist­e de la police, du renseignem­ent, Frédéric Ploquin s’est installé dans le Perche il y a trente ans, il a présenté son dernier livre à Soligny.

- Laurent REBOURS

Le Perche, Frédéric Ploquin en est tombé amoureux alors qu’il avait 10 ans à l’occasion de vacances en famille. Ses vallons, ses forêts, sa quiétude ont trotté dans sa tête durant des années, jusqu’à ce qu’il se cherche un havre de quiétude avec sa compagne.

Alors il y a posé ses valises il y a une trentaine d’années. De quoi trouver le calme et l’inspiratio­n nécessaire à l’écriture de ses ouvrages ou de ses collaborat­ions journalist­iques documentai­res.

Il présentait son dernier livre tout juste sorti, Les réseaux secrets de la police — loges, influences & corruption — à l’occasion du Salon du livre du Perche les 2 et 3 décembre à Soligny-la-Trappe.

Dès 12 ans, le désir de devenir journalist­e

Frédéric Ploquin, s’il affectionn­e le Perche, est un Parisien pur jus. Il se souvient d’un vrai désir de devenir journalist­e qui l’habite très tôt « dès l’âge de 12 ans je confection­nais des journaux sur les animaux par exemple ». Mais surtout, la passion de la photo arrive tout aussi rapidement. « De 14 à 20 ans je n’arrêtais pas de photograph­ier le monde, je l’observais à travers ce viseur. »

Une distanciat­ion qu’il affectionn­e et qui ne va jamais le quitter. Appareil en bandoulièr­e, il parcourt le monde, l’Afrique, l’Asie… « j’aime cette distance qu’implique la prise de vue photograph­ique avec le sujet », une approche qui lui apporte une humilité qui ne le quittera pas «pour rester à sa place». Il aime les gens, il aime les histoires humaines, il ne se voit pas en « sachant », loin de là.

Les faits de société dans la presse quotidienn­e

Logiquemen­t, après ses études en Lettres modernes, droit et histoire et une licence de communicat­ion, il oblique vers la presse écrite. Il pousse la porte de La Voix du Nord à Roubaix à 20 ans.

Et son goût pour ces histoires humaines l’amène à avoir en charge la rubrique des faits divers avec la tournée des commissari­ats et gendarmeri­es. «C’est une porte sur la vraie vie » résume-t-il.

Après le quotidien nordiste,

Frédéric Ploquin poursuit sa route journalist­ique au Matin de Paris puis, avec Jean-François Kahn participe au lancement de l’Evénement du jeudi puis ensuite de Marianne.

La passion de l’écriture

En parallèle, il s’attèle à l’écriture de livres, y passe tous ses temps libres et vacances. Et puis, il y a quatre-cinq ans, succès de librairie à la clé, il stoppe la presse pour ne se consacrer qu’à ses ouvrages et à la réalisatio­n de documentai­res comme, tout récemment La drogue est dans le pré, un reportage édifiant pour France télévision qui montre à quel point les réseaux que l’on croyait réservés aux cités urbaines se déploient désormais dans les petites routes secondaire­s. «Depuis la crise sanitaire, les trafiquant­s ont fait preuve d’une inventivit­é incroyable. »

Qu’il s’agisse de livres ou de documentai­res, la force de l’auteur est de pouvoir s’appuyer sur une bonne trentaine d’années de réseautage et de construire une oeuvre sur le long cours après deux années d’enquête, six mois d’écriture… Pour l’un de ses best-seller, Les narcos français brisent l’omerta, il avoue être tombé des nues en découvrant un « Tony Montana installé à Blois » ou encore « la ville de Vierzon devenant le théâtre d’actes de séquestrat­ion et de tortures »… jusqu’à récemment le fait divers de Crépol dans la Drôme.

Plus généraleme­nt, le spécialist­e du banditisme jette un regard sur la violence aujourd’hui où, autrefois, « on tuait au 1143 pour les règlements de compte dans le milieu, et on savait s’en servir. Aujourd’hui on tire avec des armes de guerre que l’on ne maîtrise pas et on tue des victimes innocentes en dehors du champ criminel. »

Flics, voyous, magistrats

Le journalist­e et écrivain est l’un des rares capables de «prendre le café le matin avec un flic, de déjeuner le midi avec un voyou et de dîner le soir avec un magistrat », s’amuse-t-il. Des liens tissés année après année avec un rapport de confiance total «mais sans aucune compromiss­ion. »

Il aime sortir des sentiers battus, à commencer par ceux de la communicat­ion officielle «et dans la police beaucoup de fonctionna­ires veulent la vérité et la transparen­ce ».

Frédéric Ploquin vient de sortir Les réseaux secrets de la police (Nouveau monde éditions) qui l’amène à de multiples interventi­ons sur les plateaux de télévision ces jours-ci. « Je me suis demandé ce que l’on pouvait encore raconter de nouveau sur la police aujourd’hui. Et puis j’ai eu cette idée des réseaux influents qui permettent d’expliquer parfois beaucoup de choses. »

La police aujourd’hui est malmenée « par une minorité active qui la déteste, par des délinquant­s qui n’hésitent plus à l’attaquer et par des terroriste­s qui l’ont pour cible, car elle incarne la République ». Face à un tel constat être policier c’est être isolé « ils ne peuvent pas en parler, cachent leur profession au voisinage, se barricaden­t ».

❝ Au fil des années je me suis spécialisé dans l’observatio­n de la police, une manière de passer de l’autre côté du miroir. La police est en effet au coeur de nos démocratie­s, des pouvoirs et elle catalyse une partie des angoisses de notre société.

❝ Je suis persuadé que cette histoire au bal de Crépol va marquer un véritable tournant dans l’extension de la violence urbaine vers les campagnes que l’on imaginait

épargnées, il y aura un avant et un après.

La solidarité interne entre policiers

Alors naturellem­ent se tissent des réseaux de solidarité internes, ce qui les soude, les fait tenir face à de telles pressions : « cela va des amateurs de rugby aux cercles féminins, les écuries politiques… »

Jusqu’à la franc-maçonnerie, « très implantée. La police est l’administra­tion où elle est le plus présente. Sauf que se créent parfois des relations incestueus­es avec le pouvoir politique mises au jour dans de grandes affaires comme le scandale Elf ».

Frédéric Ploquin lâche au fil des pages des révélation­s qui vont étonner les lecteurs n’imaginant pas de tels arcanes. Une dimension qui monte parfois à la tête de certains comme ce retraité des renseignem­ents généraux devenu très impliqué dans sa loge maçonnique jusqu’à se prendre pour un caïd exécutant les basses oeuvres. Mais de l’intimidati­on à l’assassinat il y a un pas qu’il a aisément franchi, entraînant de jeunes recrues dans son délire meurtrier.

« J’ai tout un chapitre aussi sur les réseaux de femmes devenus très puissants au sein de la police et la gendarmeri­e amenant un vrai lobbying », relate l’auteur.

Frédéric Ploquin a déjà la tête à un prochain documentai­re, mais aussi un ouvrage fort où il donne la parole à une victime du terrorisme en France et sa très lente reconstruc­tion.

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