Le Réveil Normand (Orne)

L’accusée a avoué, mais nie avoir prémédité son geste

Aline Turpin est actuelleme­nt jugée pour avoir tué et dépecé son mari, en 2017, à Beaumesnil. Elle a avoué, mais nie toute préméditat­ion.

- Serge Velain

Aline Turpin a aujourd’hui 58 ans. De taille moyenne et plutôt frêle, les cheveux gris coiffés en chignon, la voix posée et le ton calme… on l’imagine mal avoir tué un homme d’un coup de fusil, et encore plus avoir brûlé et découpé en morceaux son corps, en dispersant les ossements en forêt ou avec les ordures ménagères…

Son amant également poursuivi

C’est pourtant le sort qu’elle a fait subir à son mari, Michel Houdement, mort à 70 ans. Des faits commis début juin 2017 dans l’Eure non loin de Bernay, à Beaumesnil (qui a depuis rejoint la commune nouvelle de Mesnilen-Ouche).

Plus de six ans après les faits, Aline Turpin fait face à ses juges. Son procès aux Assises à Évreux a débuté ce vendredi 15 décembre 2023. Elle n’est pas seule sur le banc des accusés puisque celui qui était à l’époque son amant et devint son compagnon, à la mort de Michel Houdement, comparait également. Ce dernier a aujourd’hui 65 ans et il est poursuivi pour non-dénonciati­on de crime et recel de cadavre.

Le premier jour d’audience, ce vendredi 15 décembre, il ne s’agissait pas d’évoquer en profondeur les faits, mais plutôt d’évoquer la personnali­té des co-accusés. Toutefois, d’emblée, quand la présidente de la cour d’assises Julie Arzuffi a évoqué brièvement ces faits, Aline Turpin a fait cette déclaratio­n :

Nul doute que la préméditat­ion sera au coeur des futurs débats…

Elle voulait récupérer ses affaires

Les faits, rappelons-le, sont les suivants.

Aline Turpin épouse Houdement, quinquagén­aire à la vie profession­nelle bien remplie — elle était cadre à Paris, en charge des oeuvres sociales d’une grande entreprise — vivait à Beaumesnil avec son mari, mais le couple battait de l’aile depuis un moment. Monsieur et Madame devaient se séparer et un jour de début juin 2017 (la date reste à déterminer précisémen­t), Aline Turpin était venue récupérer des affaires dans la maison de Beaumesnil.

Dispute, bagarre ou guet-apens?

Que s’est-il passé exactement ce jour-là? Y a-t-il eu dispute puis bagarre entre Aline Turpin et Michel Houdement ? Aline Turpin, armée d’un fusil et cachée dans la buanderie ou sous un lit, a-t-elle attendu Michel Houdement, avant de lui tirer dessus ?

Ceci sera examiné lors des prochains jours d’audience (ces lundi 18, mardi 19 et mercredi 20 décembre), ce qui permettra sans doute aux jurés de se faire une idée sur la préméditat­ion, ou pas, de l’acte. Mais quoi qu’il soit, une chose est sûre, Michel Houdement a été tué d’une balle de calibre 12 (dite « balle à sanglier), tirée à partir d’un fusil de chasse à canon scié, reçue dans le ventre.

Le mode opératoire fait froid dans le dos

Que s’est-il passé ensuite dans la tête de la meurtrière? Là aussi, on en saura davantage à l’issue de son procès. Mais le mode opératoire pour effacer son crime et faire disparaîtr­e le corps, eux, sont avérés. Et font froid dans le dos.

Aidée semble-t-il, par son amant — présent à Beaumesnil uniquement le lendemain du crime — Aline a déplacé le corps de Michel Houdement, le chargeant dans un véhicule de type Berlingot. Puis seule, dans le jardin, elle a brûlé ce corps. Ceci n’étant pas suffisant, elle a pris une scie et dépecé ce corps. Elle a ensuite jeté une partie des ossements aux ordures, en transporta­nt d’autres en forêt, à une dizaine de kilomètres de là.

Elle fait croire que son mari est parti

Et après ? L’affaire aurait finalement pu en rester là. Car Aline Turpin allait s’employer à continuer à «faire vivre», en quelque sorte, son défunt mari. Comment ?

En « se servant » sur son compte en banque, puisqu’elle faisait régulièrem­ent des virements de son compte à lui à son compte à elle.

En répondant par texto à quelques personnes souhaitant entrer en contact avec Michel Houdement. À destinatio­n de ceux-là, elle faisait croire que Michel Houdement était parti en Corse, et qu’il voulait qu’on lui « foute la paix ».

L’affaire aurait pu en rester là…

On aurait très bien pu en rester là si l’ancienne femme de Michel Houdement n’avait pas alerté les gendarmes, fin 2018.

Cette dernière cherchait à récupérer « ses parts » de la maison de Beaumesnil, achetée en commun. Elle s’est étonnée du silence de son ancien mari. Elle s’est étonnée aussi de constater sur place que la maison de Beaumesnil était occupée par la seconde épouse de Michel Houdement et son nouveau compagnon. Les gendarmes prenant au sérieux ses déclaratio­ns, le commandant de compagnie saisit à l’époque la brigade de recherches de Bernay, dont l’enquête aboutit aux mises en examen d’Aline Turpin et de son ancien compagnon, et donc aujourd’hui à leur procès.

Quel mobile?

Un procès qui permettra sans doute d’éclaircir les nombreuses zones d’ombre sur les raisons du meurtre de Michel Houdement. Ce dernier était-il autoritair­e, tyrannique, violent ? Faisait-il vivre un enfer à Aline Turpin ou avait-il au contraire à se plaindre du comporteme­nt de cette dernière, à la consommati­on d’alcool régulière et excessive ? L’argent était-il le mobile du crime ?

Son ex-compagnon fait un malaise

Les jurés ont encore quelques jours pour se faire une idée. Car en ce premier jour de procès, ni l’étude de personnali­té ni son propre témoignage à la barre n’ont permis de cerner le personnage d’Aline Turpin, qui s’est contenté d’un récit linéaire et froid, même si entrecoupé de sanglots. Quant à son ancien compagnon, que des experts ont dit sous l’emprise d’Aline Turpin, il a fait un malaise dans la salle, lors des débats, ce vendredi 15 décembre vers 18 h 30. Il a été évacué par les pompiers.

Le procès ne reprendra lundi 18 décembre à 9 h que si ce dernier est en mesure d’assister aux débats. Le cas échéant, la journée commencer par le récit d’un des directeurs d’enquête de l’époque.

❝ Je reconnais certains de ces faits, mais pas l’assassinat. Mon geste n’était pas prémédité. ALINE TURPIN

 ?? Serge VELAIN ?? Le procès d’Aline Turpin et de son ancien amant se déroule dans ce bâtiment, le pavillon fleuri à Évreux, où est installée la cour d’assises.
Serge VELAIN Le procès d’Aline Turpin et de son ancien amant se déroule dans ce bâtiment, le pavillon fleuri à Évreux, où est installée la cour d’assises.
 ?? Photo d’archives/Eveil Normand ?? Michel Houdement au repas des anciens de Beaumesnil, en avril 2017, une des dernières fois où on l’a vu, au village.
Photo d’archives/Eveil Normand Michel Houdement au repas des anciens de Beaumesnil, en avril 2017, une des dernières fois où on l’a vu, au village.
 ?? Serge VELAIN ?? Les jurés devraient rendre leur délibéré ce mercredi 20 décembre… si le procès peut se poursuivre, ce lundi 18.
Serge VELAIN Les jurés devraient rendre leur délibéré ce mercredi 20 décembre… si le procès peut se poursuivre, ce lundi 18.

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