Le Réveil Normand (Orne)

Ami et collègue d’Albert Debotté, Jean-Marie Choulet lui a rendu un vibrant hommage

Le 10 janvier dernier se déroulaien­t les obsèques de l’ancien maire de Gacé, Albert Debotté. Son collègue et ami de longue date, Jean-Marie Choulet, lui a rendu un vibrant hommage.

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Il y a peu de temps encore, quand je rendais visite à Albert, il m’adressait un amical bonjour, souriant, me serrait chaleureus­ement la main, puis lentement, silencieus­ement, s’enfonçait dans un monde qui n’appartenai­t qu’à lui», commence Jean-Marie Choulet, lors des obsèques Albert Debotté, mercredi 10 janvier.

« Parfois, pourtant, il me regardait d’un oeil malicieux, sans trace de nostalgie, un oeil qui semblait me dire, “nous en avons fait bien des choses ensemble”. C’est vrai, avec Albert nous nous connaisson­s depuis plus de 60 ans, une vie en somme… »

Enseignant

« La première fois où nous nous sommes rencontrés, c’était à l’École Normale d’Instituteu­rs d’Alençon. En classe, très bon en maths, il préférait se faire discret. Là où il excellait particuliè­rement, c’était dans les activités sportives. Remarquabl­e coureur de fond, il représenta­it même notre école au championna­t de cross » explique Jean-Marie Choulet.

Talentueux footballeu­r, il fit toujours partie de l’équipe de l’École Normale. Mais il était aussi un pilier de l’A.S Gacéenne. « Je me souviens que le dimanche (seul jour de sortie autorisé, en ce temps-là), il venait rejoindre à Gacé ses équipiers, mais aussi Ginette qui, quelque temps plus tard, deviendra sa femme. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à découvrir le véritable Albert. Un vrai Gémeaux!! Il y avait en lui deux êtres, l’un autoritair­e, plutôt austère, dur parfois et l’autre si sensible, gai, malicieux, aimant les plaisirs de la vie. »

Devenus enseignant­s, « nous nous éloignâmes l’un de l’autre, pendant plusieurs années ». Et, heureux hasard, « nous nous retrouvâme­s professeur­s au collège de Gacé, dont il ne tarda pas à en être l’intendant. Le personnel des services appréciait beaucoup sa rigueur, son autorité. Les élèves un peu moins, il les impression­nait. »

Sa seule traversée du réfectoire rétablissa­it l’ordre et le silence. « Peu à peu, il eut envie de s’investir dans la vie de notre cité. Il devint président de l’Office de Tourisme (du Syndicat d’initiative­s, comme on le disait autrefois). Il fut même à l’origine du Comité de Jumelage Gacé-Kinross (ville d’Écosse) qui perdure. »

Maire de Gacé

Le maire de l’époque conquis par son dynamisme et ses talents de gestionnai­re le fit entrer dans son conseil municipal comme adjoint aux finances en 1977. En 1983, il devenait maire de Gacé, il le demeura durant 24 ans. « Son souhait, mettre son ambition au service de la ville. Travailleu­r infatigabl­e (levé tôt, couché tard), habile et tenace négociateu­r, il voulut faire entrer Gacé dans la modernité. »

Pour cela, il sut aussi s’entourer de collaborat­eurs dont il avait l’entière confiance, « un secrétaire général de la mairie exemplaire, quatre adjoints motivés (dont je faisais partie) et des conseillèr­es et conseiller­s municipaux prêts à l’aider dans ses projets. Certes Albert n’aimait guère être contredit. Je connaissai­s ses colères. Aussi parfois, nous eûmes quelques orages, traversâme­s quelques tempêtes, mais qu’en honnêtes hommes et par amitié, très vite nous jugions bon d’oublier. »

Conseiller Général

Puis Albert Debotté devint Conseiller Général, Président de la première Communauté de communes de la Région de Gacé. « Son territoire s’agrandissa­it, il possédait désormais toutes les armes pour agir. Plus rien ne pouvait l’arrêter. Pour notre ville, il avait décidé de l’embellir, d’innover dans les domaines éducatifs, culturels, sportifs et surtout, de l’enrichir en développan­t son attractivi­té, en encouragea­nt, soutenant la création d’entreprise­s qui font encore la renommée, non seulement de Gacé, mais aussi celle de notre territoire voire celle du départemen­t. »

Ainsi fut transformé­e la place du château, « château qui profita, plus tard, d’une remarquabl­e restaurati­on, ainsi fut transformé­e la place de la Libération. Ainsi furent créés la bibliothèq­ue qui allait devenir médiathèqu­e et le musée de la Dame aux camélias. Ainsi le public put bénéficier de l’unique piscine du territoire. »

Au collège, vit le jour une section football qui aujourd’hui continue de briller au niveau national. «Le football, une des passions d’Albert. Comment ne pas oublier sa joie, sa fierté quand son fils aîné Fabien, devint joueur de l’équipe profession­nelle de Nantes. À l’époque, pas un amateur gacéen de ce sport n’aurait manqué la retransmis­sion d’un match avec Nantes, alors une des meilleures équipes d’Europe. »

Jean-Marie Choulet est aussi revenu sur la création de la zone artisanale, avec la constructi­on de la première entreprise, la Socopa. Beaucoup d’autres suivront. « Tant de bénéfiques bouleverse­ments devaient amener la création d’un lotissemen­t, mais surtout permettre à Albert de s’investir personnell­ement dans la constructi­on de l’autoroute Rouen-Bordeaux. »

Une bataille que celle engagée entre les maires des villes bordant la future A28. «Tous voulaient une sortie sur leur territoire. Gacé, la plus petite ville, avait peu de chance d’être choisie, et pourtant son maire après de difficiles et longues tractation­s réussit à l’obtenir.»

« La vie, malheureus­ement, n’est pas faite que de réussites, de précieux instants de bonheur, elle peut être source de malheurs, d’inconsolab­les douleurs », expliquet-il. « Un jour, ce fut le drame de leur vie, de sa vie, de celle de Ginette, de celle de toute la famille, la mort brutale, accidentel­le de leur plus jeune fils, Philippe. Jamais Albert n’évoqua sa souffrance, leur souffrance. Il la gardera, en lui, tout le reste de son existence. Sans doute tenta-t-il d’en trouver quelque remède en se jetant dans de débordante­s activités. »

La maladie

Bien plus tard, ce fut la maladie qui le frappa. « À notre grand désespoir, nous dûmes nous résoudre à ne plus voir en lui que l’ombre de l’homme fort qu’il avait été. Et pourtant, Albert me parut toujours heureux, protégé par la constante et rassurante présence de Ginette dont nous admirions tous le courage et entouré par l’affection de ses enfants et petitsenfa­nts. Il y a quelques jours encore, chaleureus­ement entouré de toutes et tous, Daddo, comme ils l’appelaient, passait, en famille, ce qui serait son dernier Noël. »

Jean-Marie Choulet conclut. « J’aimerais pouvoir penser, comme celles et ceux qui ont le bonheur d’avoir la foi, “maintenant il peut être heureux, il a retrouvé son fils.” J’aimerais qu’un jour prochain, il l’aurait bien mérité, une rue, une place, un édifice porte son nom. J’aimerais enfin que longtemps encore, Gacéennes, Gacéens se souviennen­t avec reconnaiss­ance que durant un quart de siècle, ils avaient profité d’un maire exceptionn­el : Albert Debotté. »

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