Le Réveil Normand (Orne)

A presque 90 ans, Jean Morin rompt avec sa solitude en chantant

À presque 90 ans (il les fêtera le 29 mars), Jean Morin est autonome et vit seul dans sa maison. Il en assure quasiment tout l’entretien, du ménage au jardinage.

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Pour combler cette solitude insupporta­ble et ce vide abyssal laissé par sa défunte épouse, Janine, disparue en 2022, Jean se rend bénévoleme­nt dans les maisons de retraite pour chanter. « C’est un bon échange. Pour les personnes en Ehpad, cela leur fait passer un bon moment et pour moi, c’est une bonne thérapie. Chanter me fait du bien et en plus ça me fait travailler la mémoire ».

Car malgré le chagrin qui l’habite, pas question pour lui de se laisser aller. Cet ancien responsabl­e du bureau d’études de la Pamco, à Pontchardo­n, puis de la Sodev, a toujours été très actif. Le chant en soi n’est « qu’un plaisir personnel. Je chante sous la douche, comme tout le monde », sourit-il. Mais surtout, chanter est prétexte à sortir de chez lui et à côtoyer du monde.

Une parenthèse salvatrice

Ses interventi­ons sont une parenthèse salvatrice à cette solitude «cruelle et pénible. Nous avons été mariés pendant 64 ans », souffle-t-il. Les dernières années n’ont pas été faciles surtout quand du statut de conjoint, Jean a endossé celui d’aidant auprès de sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. « J’ai commencé à chanter à la maison de retraite de l’hôpital de Vimoutiers où était mon épouse. J’allais la voir tous les après-midi. Je me suis rendu compte que des gens ne voyaient jamais personne. L’idée de les distraire de temps à autre, en leur chantant des chansons de leur génération, m’est venue. L’accord m’a été donné et c’est comme ça que cela a commencé ».

Benoît Choquart, de l’associatio­n Musiconte, n’est pas non plus étranger à ses interventi­ons. « Il m’a incité à aller chanter ». Il l’a rencontré en 2019, alors qu’il animait des ateliers Mémoires de campagne, via l’ADMR, auxquels Jean participai­t avec sa femme. «J’ai retrouvé Benoît sur un atelier à Gacé, en 2022. Depuis, je suis en relation permanente avec lui et je l’accompagne sur ses ateliers, pour chanter. Il m’a beaucoup soutenu ».

De mémoire et à cappella

Tout comme sa rencontre avec les gens de la paroisse avec lesquels il va partager un repas le dimanche, une fois par mois. « J’étais en dépression. Ils m’ont écouté et ils ont su me réconforte­r. Ils m’ont donné un sacré coup de pouce». Si Jean est intervenu dans plusieurs établissem­ents médicosoci­aux du secteur, il se limite désormais à « la Résidence La Vie, à Vimoutiers, et à celle d’Échauffour, à raison d’une fois par mois, afin de ne pas lasser les gens ».

Il s’est créé un répertoire « d’une centaine de chansons ». Il les chante quasiment toutes de mémoire et a cappella, s’il vous plaît! Quant à la maison de retraite de l’hôpital de Vimoutiers, « bien que j’aie une profonde reconnaiss­ance pour les équipes qui y font un travail admirable, je ne peux pas y retourner. J’ai pourtant bien essayé. Un jour, je m’étais décidé à y aller. Mais arrivé devant la porte d’entrée, je n’ai pas pu la franchir ». Depuis janvier, sa voix de baryton a rejoint la chorale de Gacé, Les choeurs de la Touques.

Ces activités lui permettent de se maintenir, mais aussi et surtout d’avoir ce précieux lien social qui allège le poids d’une solitude souvent trop assourdiss­ante.

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