Le Réveil Normand (Orne)

Passionnée d’encadremen­t et de reliure, Isabelle Rochard est une perle rare dans l’Eure

Bien caché dans la campagne euroise, son atelier de reliure et d’encadremen­t fait l’effet d’une surprise. L’histoire d’une femme qui s’est accrochée à son rêve, et qui est aujourd’hui reconnue pour son travail.

- Marine SORIEUL

n poussant la porte de son atelier à Sainte-Marguerite-de-l’Autel, ce petit village de l’Eure au beau milieu de la campagne, on est loin de s’imaginer ce que l’on va y découvrir. Un showroom pour mettre en avant ses créations, un atelier, et surtout, un accueil chaleureux.

Isabelle Rochard à fait le choix créer son atelier de reliure et d’encadremen­t il y a quatorze ans, après avoir travaillé vingt ans en tant que maquettist­e en reliure dans l’entreprise Diguet Deny. Son savoir-faire et sa créativité font de son travail quelque chose de rare.

ELe besoin de rebondir

Lorsque l’entreprise Diguet Deny a licencié ses 56 salariés en 2009, Isabelle a du rebondir. Pour elle, hors de question d’arrêter ce métier qui la passionne. A ce moment là, peu de choix s’offrent à elle. « Si je voulais rester salarié dans la reliure, il fallait partir. Alors j’ai décidé de me mettre à mon compte », raconte Isabelle.

A ce moment là, Isabelle prenait des cours d’encadremen­t depuis quelques années déjà. Elle a donc choisi d’intégrer cette deuxième activité à son projet. « La reliure et l’encadremen­t, ce sont deux activités assez proches, les deux marchent au millimètre », ajoute-elle. Isabelle avait déjà le savoir-faire nécessaire pour la reliure, mais les cours d’encadremen­t ne suffisait pas. Elle a donc effectué un stage chez un profession­nel à Orléans avant de se lancer seule dans l’aventure. Mais pour elle, cette formation, « c’était un dégrossi, le métier on l’apprend pas comme ça, on l’apprend en pratiquant ». Isabelle a dû investir ses économies dans du matériel. « Parfois, je me retrouvais devant mes machines et j’était en panique, je ne savait pas comment m’en servir. J’ai pas eu le choix d’apprendre toute seule », explique-t-elle.

De l’inconscien­ce et du courage

Malgré tout, Isabelle doit se faire un nom dans le milieu. Mais étant isolée à la campagne, ça n’a pas été tâche facile. Elle rapporte s’être parfois dit, « mais dans quelle galère je me suis lancé ? Je n’aurai peut-être pas dû ». Délaissée par certains, soutenue par d’autres, Isabelle n’a jamais baissé les bras. « Heureuseme­nt, j’avais une bonne amie qui travaillai­t en face, c’était mon rayon de soleil dans les moments compliqués », se confie l’altamargua­ise (habitante de SainteMarg­uerite-de-l’Autel).

Isabelle se souvient avoir été souvent découragée. « Mais vous n’avez pas peur de vous lancer à la campagne ? » ou encore « Je ne vous donne même pas deux ans », lui disait-on. Ce à quoi elle répond aujourd’hui « Certes, il y avait une part d’inconscien­ce, mais il y avait surtout du courage et de la volonté. Regardez, ça fait 14 ans que je suis là ».

Durant toutes ces années, Isabelle a toujours pu compter sur le soutient de son père qui lui disait toujours : « Ma fille chérie, il faut que tu t’accroches. Tu verra, un jour, tu sera inondée de travail ».

Si Isabelle n’a jamais abandonné, c’est surtout grâce à sa passion pour la reliure et l’encadremen­t. « De toute façon c’est un métier de passion, si vous n’êtes pas passionné, vous ne tenez pas », témoigne celle qui ne compte pas ses heures de travail.

Amoureuse de la vie, Isabelle se sent chanceuse de vivre de sa passion.

« Tu fais un métier qui te plaît, c’est ça la première des richesses », c’est ce que lui a dit son frère, qui partage le même avis.

Artiste dans l’âme, cette femme pleine d’énergie la transmet dans son travail. « Quand je pars dans mon délire à vouloir créer des petites choses, je me réserve une demi heure pour mon petit délire », s’amuse-t-elle. Et hors de question de jeter, il y a forcément quelque chose à faire avec un morceau de cuir ou de bois.

Désormais, cet artisane est reconnue pour son travail dans tout le départemen­t. Elle est d’ailleurs une perle rare dans le milieu de la reliure. Et ce ne sont pas ses clients qui diront le contraire. Isabelle se souvient de ce que lui a récemment dit un ami ayant fait appel à ses talents : « Mais Isabelle, vous n’êtes pas seulement rare dans la région, vous êtes unique ! ». Certains viennent même de Louviers ou d’Evreux.

Une prestation cousue main

Son profession­nalisme est largement apprécié. Et pour preuve, Isabelle travaille pour Albin Michel, l’un des dix plus grands éditeurs français. Dans le cadre de cette collaborat­ion, Isabelle fabrique des livres pour François Cheng, un écrivain français d’origine chinoise, membre de l’Académie Française ou encore Amélie

Nothomb, une romancière belge. Elle fait également de la reliure pour Yves Bonnet, un ancien préfet.

Isabelle est même sollicitée par plusieurs mairies aux alentours de son atelier, dont celle de Sainte-Marguerite, pour la reliure de leur Etat-Civil. « Chaque mairie a l’obligation d’assurer la reliure de son Etat-Civil tous les dix ans, et la reliure doit être cousue de façon artisanale », nous explique-t-elle.

A l’Atelier du Livre et du Cadre d’Isabelle, chaque page d’un livre est cousue à la main.

Cette profession­nelle de la reliure sait aussi donner une seconde vie a un vieux bouquin, qui a subi les effets du temps, mais qui a une valeur sentimenta­l inestimabl­e.

« Il n’y a pas si longtemps, une jeune fille est venu me voir après avoir retrouvé un vieux livre de recette qui appartenai­t à sa grand-mère. Il était très abîmé mais elle y était très attaché. Elle était très contente quand elle est venu le chercher », raconte Isabelle.

Bien qu’elle soit passionnée par la reliure, son « coeur balance pour l’encadremen­t ». « C’est une activité qui demande une certaine remise en question », remarque Isabelle.

Comme pour la reliure, Isabelle a acquis une certaine notoriété pour son travail d’encadremen­t. Située en pleine campagne euroise, c’est à elle que font appel les Archives Départemen­tal, la Direction de la Culture de l’Eure, ou encore la Médiathèqu­e d’Evreux pour l’encadremen­t de leurs oeuvres.

Récemment, Isabelle a encadré des toiles pour Georges Ferro La Grée, un impression­niste, lui-même impression­né de voir « un tel atelier au milieu de nul part ».

Patrice Valota, un artiste français d’origine italienne, installé en Normandie, fait lui aussi partie de ces grands noms qui lui font confiance.

Près de 1 000 références

Celle qui s’est battu pour en arriver là ne démérite pas sa réputation. Le « bouche-àoreille », c’est ce qui l’a fait connaitre, témoignant ainsi d’un travail artisanal de qualité.

Et même si « le plus dur est fait », comme lui répète son père, Isabelle affirme qu’il faut savoir en profiter. « Cela peut s’arrêter du jour au lendemain. Pour le moment ça marche bien, et je ne regrette pas de m’être lancée il y a 14 ans », déclare-t-elle.

❝ Je ne serai jamais riche ici. Mais riche, de toute façon, ça veut dire quoi ? ISABELLE ROCHARD, RELIEUSE ET ENCADREUSE

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