Le Réveil Normand (Orne)

Après deux morts à la chasse dans l’Orne, la police de l’environnem­ent traque les mauvaises pratiques

Pour éviter les drames, la police de l’environnem­ent procède à des contrôles lors des battues au gros gibier. L’occasion également de distiller quelques conseils de sécurité. Reportage en forêt de Réno-Valdieu.

- Vincent GUERRIER

ls n’ont sans doute jamais été autant écoutés qu’en ce moment. Ayant longtemps agité le drapeau de la sécurité à la chasse, les agents de l’Office Français de la Biodiversi­té arrivent à obtenir une oreille plus attentive. Comme souvent, c’est pour les mauvaises raisons.

En effet, après la mort de deux chasseurs à Ferrières-laVerrerie fin décembre 2023, et à Verrières début février 2024, la Fédération des chasseurs de l’Orne fait face à une crise historique. De quoi inquiéter les autorités qui ont décidé de porter une attention particuliè­re sur les contrôles et la pédagogie à l’intention des chasseurs.

Dimanche 18 février 2024, nous avons pu suivre les équipes de l’OFB, aussi appelés la police de l’Environnem­ent, à MaisonMaug­is, au coeur de la forêt de Réno-Valdieu. Une opération menée conjointem­ent avec des équipes du groupement de gendarmeri­e de l’Orne. Jérôme Hardy, agent fédéral de la Fédération des chasseurs de l’Orne, est aussi présent sur place. « Ces deux accidents ont fortement choqué les chasseurs. Et il leur a fait prendre conscience de l’importance de la sécurité », renseigne ce dernier. Le dernier accident mortel remonte à environ

Idix ans.

Deux routes sur la zone de tir

Dès son arrivée sur les lieux, Olivier Dauvin, chef de service de l’OFB, a le palpitant qui monte. «Ouf, ils ont mis les panneaux, j’ai eu peur. » De petites pancartes sont, en effet, placées sur le D213 à l’entrée de la route forestière de MaisonMaug­is.

Mais ces panneaux sont assez peu visibles en amont de la zone de chasse. Trois joggeurs passent ainsi par là sur le GR22. Ils ne le savent pas encore, mais ils sont en fait en plein dans la zone de tir, c’est-à-dire derrière les chasseurs postés face à la traque, cet espace d’où doit provenir le gibier lors des battues.

« Je porte toujours quelque chose du fluo, au cas où», indique l’un d’eux, pendant qu’un gendarme lui explique qu’il peut vérifier les dates et lieux de chasse sur Géoportail, afin de ne prendre aucun risque. « Les chiens m’inquiètent plus que les chasseurs eux-mêmes. D’ailleurs l’un d’eux m’a chiqué le short ce matin», nous dira un des joggeurs plus tard.

Le long de la route forestière, des chasseurs sont postés, habillés en orange, une obligation. Mais alors que les agents pensaient qu’ils étaient en mesure de tirer vers la forêt, ils découvrent rapidement que la zone de tir comprend bien la route forestière (le GR22) et plus loin, la D213, qui se trouve derrière une bande d’une centaine de mètres remplie d’arbres.

1 500 euros par an et par tête

« Les chasseurs pensent souvent qu’ils n’ont pas droit de tirer en direction d’une route où circulent des voitures. Mais non. Dans une forêt domaniale, en plus sur un GR, le public a le droit de se balader. Ils auraient donc dû se poster au moins derrière la route forestière, et définir des angles de tir pour ne pas avoir la route en fond », analyse Olivier Dauvin, gilet pare-balles sur le dos.

Des conseils qu’il ira adresser personnell­ement au chef de cette battue, qui était persuadé que la route forestière était interdite au public, et que les joggeurs n’avaient rien à faire là.

Dans cette battue au grand gibier, 35 fusils sont présents. Pour les sociétés de chasse, les places se monnayent cher. Pour une action de chasse dans la forêt de Réno-Valdieu, il faudrait compter environ 1 500 euros par an et par tête.

Certains chasseurs viennent de loin, depuis la région parisienne, pour tirer dans le Perche.

« Le président de cette chasse m’a dit de me mettre là, alors je m’y mets », explique simplement un premier chasseur qui n’a pas ses papiers d’identité sur lui, et qui n’a pas pris le soin de vider son chargeur à l’arrivée de l’agent de l’OFB.

Sans le vouloir, il pointera même son arme chargée devant Olivier Dauvin et ses collègues militaires.

Le chasseur ignorait visiblemen­t que les balles devaient être retirées quand il n’était pas seul. «La sécurité ne suffit pas ?» Négatif, lui répondra le chef de service, qui ne le verbaliser­a pas cette fois-ci.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, les règles de sécurité ne semblent pas toujours maitrisées. Si certains chasseurs postés ont bien des petits fanions pour délimiter leurs zones de tir, en respectant la règle des 30 degrés où il est déconseill­é de tirer, tous n’ont pas les mêmes exigences. « Je me méfie des gars par làbas », indique du bout du doigt Edmond. « Je ne les connais pas trop, mais je ne leur fais pas trop confiance. »

Plus loin, un autre chasseur explique qu’il ne veut plus chasser chez lui, au coeur de l’Orne, car la société de chasse locale ferait « n’importe quoi, avec des battues toujours en mouvement ». En aparté, Olivier Dauvin confirme qu’il est parfois sollicité par des chasseurs eux-mêmes, qui solliciten­t des contrôles pour des « comporteme­nts à risque ».

Un autre chasseur se dit choqué des récents accidents. Assez en tout cas pour changer ses pratiques. «Le chef de la chasse m’a dit que je pouvais tirer dans la traque parce qu’il y avait une butte devant moi. Mais si ça ricoche… Je préfère ne pas prendre de risque et tirer derrière. »

Les rattenteux

Mais même derrière, il peut y avoir des chasseurs. Des « ratatouill­es », comme les appelle Edmond. Ils sont plus souvent appelés des « rattenteux », des chasseurs indépendan­ts qui naviguent près des battues pour tirer du gibier qui traverse les lignes. Bref, le danger est partout, ou presque.

Au loin, on entendra quelques coups de feu. Des chevreuils sont tombés sur la route forestière. Plus tôt, l’un d’eux qui traversait, n’avait pas été tiré, sous les yeux des gendarmes.

Ce dimanche, deux chasseurs seulement ont été verbalisés par un timbre-amende de 135 euros, pour arme chargée près d’un axe de circulatio­n, et pour port d’arme dans une housse non fermée. « On aura surtout fait de la pédagogie, et diffusé les bonnes informatio­ns. »

La routine, pour éviter des drames qui, heureuseme­nt, n’arrivent pas tous les week-ends.

❝ Baissez votre canon et prenez votre temps, tout va bien se passer LE CHEF DE SERVICE

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