Le Sport

Des équipes françaises plus ambitieuse­s que jamais

Cinq équipes françaises, quatre World Tour et une Pro Team, attaquent cette nouvelle saison. Chacune avec ses ambitions.

- Propos recueillis par Frédéric Denat et Arnaud Bertrande (avec Cofidis)

Marc Madiot (Groupama-FDJ) LE RECRUTEMEN­T “Pas l’habitude de défrayer la chronique”

“Nous n’avons pas l’habitude de défrayer la chronique des transferts. Notre adn ne nous amène pas à faire des chèques pour recruter de grosses pointures. Cela ne nous empêche pas d’avoir de l’ambition ne serait-ce que par rapport aux jeunes que nous formons et qui ont répondu présent en 2023 et qui vont continuer à apprendre et à progresser en 2024, à l’image de Martinez, de Grégoire, mais aussi de Pithie, d’Askey. D’autres vont arriver pour un effectif qui sera prêt pour aller chercher un maximum de victoires. Leur potentiel est là qui peut leur permettre de faire de très bons résultats très rapidement.”

LES AMBITIONS “Faire mieux qu’en 2023”

“L’époque Démare-Pinot se termine, la route tourne, maintenant c’est au tour des Gaudu, Madouas, Grégoire et Martinez de faire leur temps. Même si nous n’avons pas les mêmes moyens que certains, on sera présent comme on l’a été en 2023 sur des courses qui nous tiennent à coeur, le Tour, le championna­t de France, Paris-Nice, les Flandrienn­es, etc. La stabilité de notre effectif doit nous permettre d’être compétitif­s avec nos leaders. Sans être exceptionn­el, Gaudu a tout de même terminé dans le top 10 du dernier Tour en 2023, on peut donc espérer, avec plus de certitudes et de confiance, faire mieux en 2024. Le profil du Giro n’étant pas montagneux ne sera pas une priorité. Pour le reste, on est capable de gagner sur tous les terrains à partir du Grand Prix de la Marseillai­se qui ouvrira la saison. Je suis confiant.”

Cédric Vasseur (Cofidis) LE RECRUTEMEN­T “On aurait aimé garder Lafay, mais...”

“Avec un budget plus important, le recrutemen­t n’aurait pas été le même, forcément. Mais je fais avec ce que j’ai et dans ce contexte je pense qu’on a fait le meilleur recrutemen­t possible. Même s’il n’est pas très spectacula­ire, j’ai confiance en tous ceux qui nous rejoignent car ils ne sont pas là par hasard. Ils ont déjà brillé en World Tour... Les signatures de Kenny Elissonde et Ben Hermans sont des plus-values, Kenny en montagne aux côtés de Guillaume Martin, et Ben dans un registre plus polyvalent en soutien d’Axel Zingle avec son expérience des courses d’une journée. Idem pour Gorka Izagirre dont le palmarès et le parcours parlent pour lui, aux côtés de son frère, comme précieux soutiens de Guillaume Martin sur les courses par étapes et les grandes courses d’une journée. Alexis Gougeard aura l’occasion de prouver ce dont il est capable après avoir dominé en amateurs. Il revient au plus haut niveau avec de nouvelles ambitions avec toujours cette capacité de sortir un grand numéro ! Stefano Oldani appartient à une catégorie de coureurs qui nous manquait. Il sera important dans notre groupe de classiques et dans notre quête de victoire d’étapes sur les grands Tours. Par ailleurs,

c’est vrai, on aurait aimé garder Victor Lafay dans notre équipe, et nous avons bataillé pour ça, mais nous n’avons pas voulu aller au-delà d’une certaine somme et laisser à d’autres le risque inhérent à un gros investisse­ment. Surtout, je pense qu’il avait envie d’aller voir ailleurs, ce qui est compréhens­ible. Pour le reste, José Herrada, Wesley Kreder, Pierre-Luc Périchon et Jelle Wallays ont pris leur retraite car nous ne leur avons pas proposé de prolongati­on. Même constat avec Simone Consonni et Davide Cimolai qui ne nous ont pas donné satisfacti­on. Max Walscheid a été approché par Jayco AlUla et a donné suite... tout comme Rémy Rochas chez Groupama-FDJ. C’est la vie des équipes et des coureurs dans un cyclisme moderne qui connait de plus en plus de turnover et où il faut en même temps offrir plus de suivi aux coureurs. Dans ce but, je me réjouis aussi des arrivées d’Yvonnick Bolgiani et Jimmy Engoulvent pour une équipe Cofidis qui comptera huit directeurs sportifs, chacun avec une mission pour couvrir tous les secteurs.”

LES AMBITIONS “Rester en haut de l’affiche”

“Après une saison 2023 où nous avons pu concrétise­r, sur le Tour de France notamment, tous les efforts accomplis depuis des années, le travail se poursuit. On attendait une victoire sur le Tour depuis si longtemps (2008)... maintenant on va se lancer à la poursuite du maillot jaune et d’un Monument, pourquoi pas, et d’un maximum d’autres victoires. Nous n’en avons peutêtre que 14 en 2023, avec 9 coureurs différents, mais, parmi elles, celles de Victor (Lafay) sur le Tour à San Sebastian, autant que la chevauchée d’Izagirre ou la première de Coquard en World Tour, ainsi que la victoire d’Herrada sur la Vuelta, ont remis Cofidis dans la lumière. C’était du haut niveau, de haute intensité. On repart avec la même ambition en sachant qu’on reste encore loin des meilleurs que sont UAE et Jumbo, intouchabl­es et qui jouent dans une autre catégorie que les autres. Dans ce contexte, on essaiera encore de tirer notre épingle du jeu avec nos moyens pour rester en haut de l’affiche.”

Vincent Lavenu (Decathlon AG2R La Mondiale) LE RECRUTEMEN­T “Lafay est capable de faire des choses incroyable­s”

“L’apport de Bruno Armirail, un des meilleurs au monde sur les chronos, sera essentiel dans le sens où nous étions loin d’être les meilleurs sur cet exercice. Pour Victor Lafay, après avoir démontré son talent chez Cofidis, il s’agit d’un retour aux sources car il est passé par notre centre de formation. Victor est capable de faire des choses incroyable­s, c’est une recrue de choix, une recrue naturelle qui habite à 30 km de chez nous. Sam Bennett reste un sprinteur de dimension mondiale. A nous de progresser dans un domaine où nous n’avions plus d’expertise depuis Kirsipuu. Cette année, nous aurons un garçon qui a déjà mis la balle au fond plusieurs fois et avec de l’accompagne­ment, on peut se retrouver à gagner des sprints de nouveau.”

LES AMBITIONS “Cosnefroy est capable de gagner un Monument”

“Face à des Etats souverains, quelquefoi­s des milliardai­res, grâce à l’arrivée de Decathlon, avec un budget de 26 M€, on s’ouvre à toutes les perspectiv­es. Même si nous ne sommes pas à égalité avec les équipes étrangères, en raison des charges qui pèsent sur nous, les modèles des formations françaises sont solides et bien construits. Avec l’arrêt de Citroën, l’objectif premier était de poursuivre et nos perspectiv­es sont désormais réjouissan­tes. Decathlon est la marque préférée des Français, leader mondial en équipement­s sportifs qui a su construire des vélos qui sont des machines de guerre. Au moins, les coureurs ne pourront pas nous dire que les victoires ne viennent pas à cause des vélos... A nous d’assumer sportiveme­nt désormais car les exigences seront plus importante­s. On n’est plus des artisans du sport de haut niveau, mais des industriel­s en quête de haute performanc­e avec la volonté de continuer à travailler sur la formation. On va d’abord s’appuyer sur ça avant d’essayer de recruter à court terme un coureur capable de jouer, pourquoi pas, le podium des grands Tours derrière Pogacar et Vingegaard. Dans cette quête, il ne faut pas négliger ce qu’a fait Felix Gall en 2023. Il y a une part d’inconnue avec lui et voir s’il peut rivaliser avec les meilleurs mondiaux sera intéressan­t en 2024. Je persiste à

penser qu’un top 5 est réalisable. Pour les Classiques, après avoir fait 2ème sur l’Amstel Gold Race, 3ème du Dauphiné et du Tour des Flandres, l’ambition est d’en gagner une un jour. Peut-être pas pour 2024 car ce sera une année de transition, mais un Cosnefroy est capable de remporter un Monument, LiègeBasto­gne-Liège est dans ses cordes. Ben O’Connor a aussi beaucoup du talent, il a été malade, faisons lui confiance en 2024.”

Emmanuel Hubert (Arkéa B&B Hotels) LE RECRUTEMEN­T “Pour exister davantage sur les Flandrienn­es”

“Même s’il est arrivé cette année, je considère Arnaud Démare comme une recrue effective pour 2024 qui entre dans le cadre de notre volonté d’apporter toujours quelque chose en plus à l’équipe, quand ce n’est pas un changement de leader, c’est pour mieux accompagne­r un sprinteur ou un grimpeur. Dans notre quête de points, essentiell­e pour se maintenir en World Tour, nous avons recruté pour être présent sur tous les fronts sans avoir les moyens budgétaire­s des plus grosses écuries. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de travailler sur les détails et tirer la quintessen­ce de tout le monde. L’expérience d’Albanese, Venturini et Sénéchal sera précieuse pour compenser les départs de Barguil, Bouhanni et Hofstetter notamment. C’est le cycle d’une équipe, le turn over naturel qui n’empêchera peut-être pas Warren (Barguil) de revenir un jour, comme il est revenu dans son équipe de formation cette saison. Sans bouleverse­r notre identité, ces changement­s vont peut-être, je l’espère, nous permettre d’exister davantage sur les Flandrienn­es.”

LES AMBITIONS “Surfer sur la belle dynamique Démare”

“Nous n’avons aucune priorité, ou plutôt toutes les courses sont prioritair­es dans le sens où elles peuvent nous rapporter des points. Nous n’avons pas le choix et pas beaucoup de marge. Dès qu’un leader fait défaut, nous l’avons vu la saison passée où on a dû faire avec un Bouhanni de retour de blessure, sans Capiot, ni Vauquelin d’avril à août, avec un

Hofstetter moins performant que d’habitude et donc, tout de suite, moins de points qui rentrent. On va aborder la saison sur la belle dynamique apportée par Démare en fin d’année, avec la déterminat­ion de répondre présent dès les premières courses. Souvent, quand on manque janvier et février, il est ensuite difficile de revenir dans le rythme. A nous d’être performant­s le plus vite possible. On comptera forcément sur Vauquelin, la satisfacti­on principale de la saison passée. Même s’il a encore beaucoup à apprendre, on sent qu’il a la fibre pour devenir un très bon coureur. A voir aussi s’il peut devenir un grand leader. Physiqueme­nt, en tout cas, il en a le potentiel. Aux côtés de Démare, c’est prometteur pour le Tour de France où les sprinteurs auront de nombreuses occasions de briller. Si en plus, un Clément Champoussi­n, qui a déjà réalisé de belles choses, alors qu’il n’avait pas encore tous les codes du coureur cycliste de très haut niveau, a retenu la leçon - en tout cas il a été averti ! -, on devrait être performant dès la reprise. Avant de partir en stage, tous les voyants étaient au vert.”

Jean-René Bernaudeau (TotalEnerg­ies) LE RECRUTEMEN­T “Burgaudeau nous a donné envie de revenir à notre adn”

“Nous avons déjà une longue histoire, depuis Thomas Voeckler ou Sylvain Chavanel, jusqu’à Mathieu Burgaudeau aujourd’hui, et notre volonté est de reprendre le fil de cette belle histoire-là. Pour ça, pour bien connaitre les hommes derrière les sportifs, je ne vois pas de meilleure manière que de les prendre jeunes et de les former, les accompagne­r. Les performanc­es, et au-delà l’état d’esprit affiché par Burgaudeau en 2023 nous ont donné envie de revenir à notre adn, cette identité de formation dans un cyclisme qui me plait de moins en moins. Nous aurons donc une équipe presque exclusivem­ent

française en dehors de Steff Cras et Dries Van Gestel qui vont nous permettre d’être présents sur les Flandrienn­es et aux avantposte­s dans le peloton des grands Tours. Pour le reste, nous nous attacheron­s à chercher de jeunes talents à travers notre structure, Vendée U, notre sports-études, à valoriser cette année les Vadic, les Boniface, les Bonnet, etc. en attendant que les politiques se penchent sur l’avenir du cyclisme pour ne pas qu’il prenne le chemin des dérives du football où l’argent a depuis longtemps pris le pas sur les valeurs. Dans le sens des départs, je veux saluer tout ce que nous ont apporté Boasson-Hagen, en termes d’expérience et d’expertise, de crédibilit­é pour tous les jeunes qui ont eu la chance de courir à ses côtés, mais aussi Peter Sagan évidemment. Même s’il n’a pas gagné aussi souvent qu’il l’aurait souhaité, il a donné beaucoup de fierté à l’équipe en restant fidèle à sa vision d’un vélo anticonfor­miste qui me plait beaucoup. Je suis heureux de l’avoir connu et je peux sans problème dire que je me suis fait un ami pour la vie.”

LES AMBITIONS “Si demain nous voulions gagner le Tour...”

“Nous n’avons clairement pas l’effectif pour prétendre faire partie des 18 meilleures équipes mondiales à l’horizon 2025. Mais nous sommes quand même dans l’allure face au modèle économique bien fragile de certaines formations. A nous d’être incontourn­able et pas seulement dépendant de la quête de points. Car ce ne sont pas eux qui font les réputation­s même si les grosses équipes veulent nous le faire croire et militent en ce moment pour que les classement­s soient effectués non plus sur les 10 meilleurs coureurs, mais sur les 20. On ne veut pas envisager notre avenir en bâtissant cette stratégie cynique, mais en offrant une chance à des jeunes, en défendant des valeurs fortes pour lutter contre le racisme, en privilégia­nt le plaisir qu’on se doit de donner aux spectateur­s. Notre ambition est toute simple qui passe aussi par le pouvoir croissant d’un capitaine d’équipe qui doit être capable, sans oreillette­s, de prendre ses responsabi­lités, de les assumer en course. Dans cette logique, on demandera moins à nos coureurs des résultats que du courage et un engagement maximum en toute honnêteté. L’an passé, avec Mathieu Burgaudeau et Pierre Latour, nous ne sommes pas passés loin de gagner sur le Tour. Avec un Anthony Turgis qui n’était pas à son niveau en 2023, nous avons du potentiel et beaucoup d’espoirs pour 2024. Je n’oublie pas que notre meilleure année a été 2011, alors qu’on disait l’équipe diminuée. Il ne suffit pas d’additionne­r les individual­ités pour avoir des résultats, il faut aussi savoir créer une synergie, une dynamique collective. Avec notre sponsor, si demain nous voulions gagner le Tour, il nous suffirait de sortir le carnet de chèques mais, franchemen­t, je n’en vois pas l’intérêt quand je vois que la meilleure équipe du monde a du mal à trouver un sponsor. C’est bien qu’il y a un problème d’attractivi­té, de crédibilit­é et d’image dégagée. Si on ne crée pas des émotions, où est l’intérêt ? Plus que le chiffre d’affaires, je m’intéresse à celui des audiences. Et dans ce registre-là, nous avons un rôle à jouer.”

 ?? ?? La lourde succession de David Gaudu.
La lourde succession de David Gaudu.
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ?? Benoît Cosnefroy espère avoir mangé son pain noir.
Benoît Cosnefroy espère avoir mangé son pain noir.
 ?? ?? Ion Izagirre qui lève les bras sur le Tour, Cofidis en redemande !
Ion Izagirre qui lève les bras sur le Tour, Cofidis en redemande !
 ?? ??
 ?? ?? “A voir si Kévin Vauquelin peut devenir un grand leader.”
“A voir si Kévin Vauquelin peut devenir un grand leader.”
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ?? Mathieu Burgaudeau, tout un symbole.
Mathieu Burgaudeau, tout un symbole.

Newspapers in French

Newspapers from France