Artem Manon au pays des singes orphelins
Artiste-peintre de 28 ans installée à René, Artem Manon a passé le mois de mars dans la forêt congolaise pour peindre de jeunes singes orphelins à l’invitation d’une association française qui les recueille et en prend soin.
Ses yeux brillent lorsqu’elle évoque son récent séjour dans le centre de réhabilitation des primates de l’association PWAC, basée dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo. Trois jours de voyage depuis la descente d’avion à Kinshasa, soit deux en taxis de brousse et encore un à moto, sont nécessaires pour arriver à destination.
Les dix premiers jours, elle les passe avec la fondatrice, « une personne extraordinaire » , mais sans voir les primates. Pas question de risquer de transmettre une maladie humaine à l’un des bébés, singes recueillis ici par Amandine Renaud, primatologue d’origine lyonnaise.
Avec le soutien des autorités, l’association prend soin des chimpanzés et des cercopithèques (à gauche sur la photo de la fresque), dont les parents ont été tués par des braconniers pour leur viande ou par la déforestation. Ils vivent dans leur milieu naturel à l’intérieur de parcelles encloses de plusieurs hectares achetés par l’association. A 8 500 km de René.
Originaire de Souligné-sousBallon, Artem Manon, de son vrai nom Manon Hardouin, a quitté son travail dans une pension animalière en 2022 pour se consacrer entièrement à sa passion, la peinture, apprise en autodidacte. Installée dans l’atelier de la peintre équestre Véronique Lesage, près des halles de René, Manon peint, toujours en noir, des taureaux, des tigres, des aigles et, déjà, principalement des chimpanzés, à l’aquarelle sur papier ou à l’acrylique sur feuille de zinc. Elle a reçu le prix du public aux Automnales de Bonnétable, l’an dernier. Ses peintures, visibles sur les réseaux sociaux, ont attiré l’oeil d’Amandine Renaud.
Les deux femmes se sont rencontrées la première fois à Paris, l’an dernier, à l’occasion d’une exposition artistique au bénéfice de P-WAC, qui fêtait là ses dix ans. Manon a vendu deux peintures à un Américain et a reversé le montant à l’association. L’idée a germé alors d’une collaboration plus poussée : Manon séjournerait au centre, observerait, peindrait, ferait des croquis, filmerait et reverserait une partie des fonds générés ultérieurement par ses oeuvres à l’association.
Son premier voyage à l’étranger
« J’ai beaucoup hésité et failli renoncer plusieurs fois, se souvient-elle. Il y a des risques à un tel voyage, mon premier à l’étranger. Une grande aventure ! » L’envie d’observer les singes dans leur élément naturel, de soutenir la cause animale et l’aventure d’Amandine ont été les plus fortes. « Les conditions de vie sur place sont précaires, se rappelle-t-elle. L’électricité est d’origine solaire, l’eau provient d’une source et doit être bouillie et filtrée. Les légumes sont acheminés depuis la ville la plus proche à moto jusqu’à l’entrée distante de 4 km, où il faut aller les chercher là aussi à moto. L’activité s’arrête dès que la nuit tombe. La forêt devient alors incroyablement bruyante. C’est nous qui sommes chez elle. »
Pénétrer dans l’enceinte du centre et en partager la vie spartiate relève du privilège. Il est fermé aux visiteurs, de même qu’à d’éventuels bénévoles. Seuls ont le droit d’entrer médecins, vétérinaires, parfois une équipe de TV et la vingtaine d’employés vivant là à l’année. Les bébés-singes orphelins sont amenés par des particuliers ou des écogardes, militaires dédiés à la protection de la faune et de la flore de la forêt congolaise. Au début, ils y vivent avec des villageois des environs, formés à devenir parents humains de substitution, puis avec des singes adultes, de manière à recréer une famille de primates. C’est la condition pour retourner à la vie sauvage, but ultime, au bout de dix à quinze ans.
Une expérience inestimable
La jeune artiste a tout de même pu les approcher exceptionnellement en étant filmée par une autre personne avec son propre téléphone. Scène émouvante de tendresse entre espèces cousines où les petits singes s’agrippent à elle pour échanger des câlins.
« J’ai pu les observer pendant plusieurs jours, peindre et dessiner, de quoi alimenter beaucoup de travail à venir, raconte-t-elle. Cela a aussi changé ma vision artistique. La peinture pour la peinture, c’est fini pour moi. Je veux faire passer un message pour défendre la cause animale. Maintenant, quand je me lève le matin, je suis joyeuse, je sais pourquoi je travaille ! »
■ Manon a filmé pendant son voyage avec son téléphone et a besoin de l’aide bénévole pour monter 45 minutes qui seront projetées lors de réunions publiques. Ses toiles seront disponibles à partir de juillet pour être exposées dans les lieux qui voudront les accueillir. Contact : manonhrd@outlook.fr