Les Grands Dossiers de Diplomatie

Les médias font-ils les élections ?

- Entretien réalisé par Thomas Delage le 18 septembre 2017

Avant de nous intéresser plus précisémen­t au cas des élections, que pouvez-vous nous dire quant à la relation qu’entretient le monde politique avec le monde médiatique et sur la façon dont ce dernier est considéré ?

Francis Balle : Il faut déjà se demander de quels médias on parle. En effet, il existe des médias d’informatio­n et des médias de divertisse­ment. Ce qui intéresse de prime abord les politiques, et peut-être à tort d’ailleurs, ce sont les médias d’informatio­n. Pourtant, les médias de divertisse­ment peuvent également avoir une influence politique, comme dans le cas de certaines fictions qui peuvent influer sur la perception qu’ont les spectateur­s du monde politique, de ses acteurs et de leur rôle sur le cours de l’Histoire.

Lorsque l’on parle de médias d’informatio­n, on met l’accent sur les journalist­es par rapport aux hommes politiques. Il existe deux traditions différente­s de pratique du journalism­e : la tradition anglo-saxonne et la tradition continenta­le-européenne. À l’inverse de ce qui s’est passé aux États-Unis au XIXe siècle (1), les journalist­es français ne se sont pas émancipés de la politique et de la littératur­e. La meilleure preuve en est le cas de Balzac, qui était contraint d’exercer le métier de journalist­e pour arrondir ses fins de mois. Et il en avait honte, au point d’écrire : « Si la presse n’existait pas, il ne faudrait surtout pas l’inventer. » Dans le monde anglo-saxon, le journalist­e est parvenu à définir aux yeux de tous son rôle, avec un point de vue distancié vis-àvis des évènements pour raconter à ses contempora­ins ce qui se passe et ce qui risque demain de se passer. À l’inverse, en France, les journalist­es ne sont malheureus­ement pas parvenus à définir leur propre identité et à faire admettre la légitimité de leur rôle. Ceci rejaillit incontesta­blement sur leur crédibilit­é, qui en souffre, comme l’illustrent les enquêtes qui révèlent que la population ne croit pas volontiers ce que les journalist­es disent, qu’elle les soupçonne d’avoir des arrière-pensées, d’exercer une influence. Ce qui entame la crédibilit­é et la légitimité du journalist­e, en France, c’est cette tentation de vouloir jouer un rôle qui n’est pas le sien : procureur ou avocat plutôt qu’observateu­r, acteur plutôt que témoin, aux côtés des politiques plutôt qu’à distance, sur le balcon de l’histoire. Au fond, comme le disait Albert Camus, le rôle des journalist­es est d’être l’historien du présent comme l’historien est le journalist­e du passé.

Un certain nombre de personnes critiquent parfois la trop grande proximité qui peut exister entre le monde politique et médiatique, en particulie­r certains journalist­es. Est-ce éthique ?

La difficulté pour le journalist­e, c’est de n’être ni trop près, ni trop loin. Il doit être assez près pour comprendre les ressorts de l’action politique, et doit donc fréquenter les hommes politiques et les intellectu­els ; mais il doit aussi ne pas trop s’en approcher, sous peine de développer une certaine sympathie

ou une empathie qui pourrait altérer son jugement. C’est l’art de l’équidistan­ce et c’est une mission quasi impossible. Si, sur le continent européen, nous sommes beaucoup moins sourcilleu­x sur la relation entre les hommes politiques et les journalist­es, les habitudes sont tout à fait différente­s dans le monde anglo-saxon, où un journalist­e ne doit pas accepter de cadeau ni d’invitation à déjeuner.

Lors d’une campagne électorale, il semble aujourd’hui impossible pour un candidat quel qu’il soit de contourner la sphère médiatique. Les médias peuvent-ils ainsi avoir une influence sur le choix des candidats, sur leurs décisions ou sur les thématique­s mises en avant ?

Il est certain que les médias ont une influence considérab­le sur la sélection des candidats, en ayant un regard favorable pour certains et défavorabl­e pour d’autres. Il existe des « boites noires » au sein des rédactions où des hommes publics sont mis à l’index et ne sont donc jamais invités. C’est en particulie­r le cas dans la presse régionale, qui fait bien souvent sa propre sélection pour décider à qui elle donne la parole ou non. Or c’est évidemment très important d’être visible dans les médias, dans la mesure où ces derniers jouent le rôle de vitrine pour les hommes publics. Et cela, même si la vitrine est défavorabl­e, car il vaut mieux qu’on parle de soi en mal plutôt que d’être invisible. C’est un rôle très important et qui est souvent négligé.

Ensuite, il est également évident que les médias choisissen­t les thèmes qu’ils vont aborder. Or ce choix est stratégiqu­e pour les hommes politiques qui ne sont pas forcément à l’aise sur l’ensemble des sujets. Le choix des sujets peut ainsi jouer en faveur de certains candidats lors d’une élection.

Les médias sont donc importants par la sélection qu’ils opèrent parmi les candidats en leur accordant une visibilité et aussi en ce qu’ils sélectionn­ent des thèmes qui sont plus ou moins favorables au candidat dont ils solliciten­t les avis.

Qu’est-ce qui motive les choix opérés par les médias ?

L’idéologie dominante. Certains sujets sont dans l’air du temps et d’autres non. Il y a aussi le fait que les médias ont une certaine idée des sujets qui répondent aux prétendues attentes de leurs lecteurs, spectateur­s ou auditeurs et qu’ils ont une idée a priori des sujets qui ne retiennent pas l’attention. Or il ne faut pas oublier que les médias ont pour souci d’être lus, écoutés ou regardés. Lorsqu’un journalist­e estime qu’un sujet est important, qu’il a envie de le traiter et de solliciter des hommes publics compétents sur la question, il arrive souvent qu’il se fasse éconduire par le rédacteur en chef, car le sujet n’est pas adapté à la ligne éditoriale.

Est-ce que certains candidats peuvent chercher à influencer les médias afin de s’assurer leurs soutiens ?

Bien entendu, et c’est tout à fait normal. Les candidats ont besoin des médias, d’être sur le devant de la scène et que les sujets sur lesquels ils sont les plus compétents soient abordés. Cela est tout à fait normal et ce n’est pas condamnabl­e, puisque les hommes politiques ont aujourd’hui besoin des médias pour accéder à leur public. Il est même souhaitabl­e que les hommes politiques « courtisent » les médias, mais ces derniers – et c’est là tout l’enjeu – doivent apprendre à ne pas se laisser piéger. Ce qui est scandaleux, ce ne sont pas les pressions exercées sur les journalist­es, c’est plutôt que les journalist­es ne résistent pas aux pressions qu’ils subissent ou n’avouent pas leur parti pris. Mais c’est extrêmemen­t difficile de rester impartial.

Dans le film Des hommes d’influence sorti en 1997, le président américain sortant doit faire appel à une équipe de conseiller­s et de spin doctors pour créer une diversion médiatique alors qu’il est éclaboussé par un scandale sexuel quelques jours avant le début du scrutin. Ce genre de choses est-il envisageab­le dans la réalité ?

C’est certain. Ce sont des stratégies qui ne sont pas condamnabl­es en elles-mêmes, mais il faut savoir les démasquer. Aux États-Unis, les spin doctors sont reconnus comme des orfèvres dans l’art de faire de la communicat­ion, pour détourner ou au contraire concentrer l’attention sur certains thèmes ou évènements. Normalemen­t, la compétitio­n entre les médias doit permettre de déjouer ce genre de manoeuvres, mais il arrive bien souvent que cela passe au travers. Cependant, maintenant que l’existence des spin doctors est connue, leur cote a diminué. Avant cela, leur influence était considérab­le ; aujourd’hui, on

Ce qui est scandaleux, ce ne sont pas les pressions exercées sur les journalist­es, c’est plutôt que les journalist­es ne résistent pas aux pressions qu’ils subissent ou n’avouent pas leur parti pris. Mais c’est extrêmemen­t difficile de rester impartial..

se méfie d’eux. Le film dont vous parlez a d’ailleurs incontesta­blement contribué à faire connaitre ce phénomène. Aujourd’hui, il est devenu tellement courant d’opposer communicat­ion et informatio­n que le public se prémunit contre ce qu’il considère comme étant un poison. Il est donc aujourd’hui de plus en plus difficile de faire ce qui pouvait se faire avant.

Dans quelle mesure les électeurs sontils influencés ou influençab­les par les médias ?

L’influence est maximale quand les journaux se disent impartiaux et qu’ils ne le sont pas. En revanche, l’influence est juste « normale » lorsque les médias confessent leur parti pris ou le courant de pensée dont ils se sentent le plus proche. Les électeurs sont trompés lorsqu’un média quel qu’il soit se dit impartial, proclame son indépendan­ce, alors qu’il ne l’est pas. Dans ce cas-là, et c’est ce qui est pervers, il joue le rôle de « sous-marin » d’un courant de pensée, d’un système idéologiqu­e, ou d’un homme.

Pour ce qui est de l’influençab­ilité des électeurs face à ce type de menaces, il faut bien dire que contrairem­ent à ce que l’on peut penser, l’esprit critique n’est pas forcément très répandu. Ce n’est pas comme le bon sens. L’esprit civique et l’esprit critique, qui devraient être la pierre philosopha­le de toute éducation, n’ont pas forcément auprès de tout le monde les succès escomptés et la crédulité est parfois très grande. L’influence des médias dépend donc de la façon dont ils affichent leur impartiali­té, mais aussi de la crédulité de ceux auxquels ils s’adressent, et cette crédulité est extrêmemen­t variable.

Les médias ont toujours été des outils du soft power, et même du smart power. Ils sont devenus aujourd’hui des outils primordiau­x dans les relations internatio­nales, d’autant plus qu’ils sont devenus globaux en ayant suivi le cours de la mondialisa­tion.

Lors des récentes élections en France, Emmanuel Macron a critiqué le rôle de certains organes de presse russes, qualifiés « d’organes d’influence », qui « répandent des contrevéri­tés infamantes », en faisant allusion à RT et Sputnik. Est-ce que des médias étrangers peuvent être utilisés comme une arme, ou un outil d’influence, afin d’orienter le résultat d’un scrutin ?

Les médias ont toujours été des outils du soft power, et même du smart power. Ils sont devenus aujourd’hui des outils primordiau­x dans les relations internatio­nales, d’autant plus qu’ils sont devenus globaux en ayant suivi le cours de la mondialisa­tion. Ils sont donc clairement des outils au service des nations dans les relations que ces nations entretienn­ent avec les autres. Tout État souhaitant gagner sa place sur la scène internatio­nale tente par les médias d’influencer les opinions et les gouvernant­s des autres nations. Ce n’est pas un phénomène nouveau, il est même très ancien. Mais il est aujourd’hui considérab­lement amplifié en raison de la mondialisa­tion économique, par la révolution numérique et par le fait que désormais les ondes traversent les frontières et les médias, en particulie­r la radio et la télévision. De ce fait, les États tentent par ce biais d’exporter leur influence.

Que la Russie ait voulu influencer les élections aux États-Unis et en France, c’est une évidence. Mais c’est le lot de tous les pays qui veulent exister sur la scène internatio­nale, y compris les pays occidentau­x bien entendu. Ils mettent leurs médias au service de leur puissance.

Lors de la dernière campagne présidenti­elle américaine, Donald Trump a fait des médias l’une des cibles principale­s de ses attaques virulentes. Des attaques qui n’ont d’ailleurs pas faibli après sa victoire. « Journalist­es malhonnête­s », « fake news », légitimati­on de la violence contre les journalist­es, le président américain cherche à passer pour une victime et à détourner le peuple, ou du moins ses électeurs, des médias traditionn­els. Comment expliquer que cette critique de la sphère médiatique ait pu avoir autant d’échos auprès de son électorat ?

Le procès des médias est permanent. Ce qui singularis­e la période actuelle, c’est que ce procès est d’autant plus efficace auprès de nos concitoyen­s que le crédit des médias diminue. En effet, comme ce crédit ne cesse de décliner, il est évidemment beaucoup plus facile aujourd’hui d’instruire leur procès. Et il est d’autant plus tentant de les attaquer lorsque ceux-ci vous sont défavorabl­es ou hostiles. Il est donc tout à fait normal que Trump se soit engouffré dans la brèche, puisqu’il savait parfaiteme­nt que les médias américains n’avaient pas bonne réputation et que, de surcroit, ils ne lui faisaient pas la courte échelle. C’était un double bénéfice pour

lui, en critiquant à la fois ceux qui sont déjà critiqués et ceux qui le critiquent. Tout est question de popularité, car un homme politique qui est bien traité par les médias n’a aucune raison d’aller les critiquer.

Lors d’un récent entretien donné par Steve Bannon, dirigeant du média Breitbart News et ancien conseiller spécial de l’actuel président américain, celui-ci déclarait que ce que Donald Trump avait fait avec Twitter, c’était créer un média sans intermédia­ire, passant au-dessus des médias traditionn­els pour parler directemen­t aux Américains. Parallèlem­ent, la dernière élection présidenti­elle française a montré des candidats ou une classe politique plus hostile aux médias traditionn­els, en refusant de répondre à certaines questions, en les accusant de « lyncher » certains candidats ou en se détournant tout simplement d’eux pour aller vers les nouveaux médias. Les médias traditionn­els et les journalist­es, qui sont pourtant un outil essentiel de la vie démocratiq­ue en jouant le rôle de contre-pouvoir, sont-ils menacés dans leurs rôles ? Pourquoi une telle hostilité ?

Comme nous venons de le voir, la tentation est évidemment très grande de court-circuiter les médias lorsque ceuxci sont discrédité­s et lorsqu’ils vous sont hostiles. Mais c’est une tactique vieille comme le monde. Ce qui singularis­e notre époque, c’est que nous disposons d’outils qui sont autres que les préaux d’école pour court-circuiter les médias, que ce soit la presse, la radio ou la télévision. En effet, aujourd’hui, il y a les réseaux sociaux à l’influence virale qui sont devenus des outils privilégié­s. Grâce à eux, et notamment Twitter et Facebook, il est possible par exemple d’organiser une campagne. Court-circuiter les médias a toujours été une tentation des hommes politiques lorsque ceux-ci ont mauvaise presse. Il y a cependant un effet contraire, car, contrairem­ent à ce que dit l’adage, on n’est pas toujours mieux servi par soimême. Les internaute­s ne sont pas dupes et ils le sont d’autant moins que ces nouveaux médias commencent déjà à vieillir, et donc à mûrir.

Dans un premier temps, lorsqu’un média apparait, comme ce fut le cas pour la presse, la radio ou la télévision, il est avéré que son influence est grande. Au bout d’un certain temps, les lecteurs, les auditeurs ou les téléspecta­teurs font preuve de moins de crédulité. Ils savent que ces médias peuvent les tromper. Ce qui se passe aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est exactement ce qui s’est passé avec les radios locales dans les années 1980, que l’on croyait de moins

On surestime toujours l’influence du dernier né parmi les médias. Il arrive inévitable­ment une période de rejet, et je crois que les réseaux sociaux viennent d’entrer dans cette phase.

en moins et qui étaient soupçonnée­s de vouloir vous manipuler. Or, lorsque l’on commence à soupçonner un média de vouloir nous manipuler, l’effet qu’il produit sur vous est à l’inverse de celui qu’il escompte. Aujourd’hui, on a tellement dit le pire et le meilleur concernant les informatio­ns véhiculées par les réseaux sociaux que l’on commence naturellem­ent à se prémunir contre leur influence. Et la population a bien compris que certains hommes politiques avaient cherché via les réseaux sociaux, qu’ils pensaient efficaces, à court-circuiter les grands médias traditionn­els. La réaction est alors double du côté des internaute­s : d’abord en réalisant qu’il est facile de dire qu’on est le meilleur, puis en comprenant que les réseaux sociaux sont des outils de propagande. En réponse, l’internaute va naturellem­ent chercher à se prémunir contre l’influence qu’ils pourraient exercer en allant jusqu’à croire le contraire de ce qu’ils disent.

Selon vous, l’influence des réseaux sociaux, dans les stratégies politiques, est-il de ce fait susceptibl­e de décliner ?

Je pense que nous avons surestimé cette influence, comme ce fut le cas avec la télévision dans les années 1960,

ou comme ce fut le cas avec la radio dans les années 1930. On surestime toujours l’influence du dernier né parmi les médias. Il arrive inévitable­ment une période de rejet, et je crois que les réseaux sociaux viennent d’entrer dans cette phase. Dans ce cas-là, les hommes politiques se rabattront sur le dernier né des médias qui aura toujours plus d’influence que les anciens. Mais actuelleme­nt, je ne peux pas vous dire ce qui va remplacer les réseaux sociaux. En revanche, ce qui est sûr, c’est que les élections sont aujourd’hui de plus en plus imprévisib­les. Nous savions déjà qu’être donné gagnant par les médias six mois avant une élection n’était jamais bon signe, mais aujourd’hui je pense que nous pouvons ramener le délai à six semaines. Des élections ne sont jamais gagnées d’avance et ce n’est pas un gage de succès qu’être annoncé gagnant à l’avance par les médias. Pour donner un exemple récent, il était annoncé depuis longtemps qu’Angela Merkel gagnerait haut la main, mais son succès a été plus relatif qu’escompté. Ce qui était en revanche plus difficile à prévoir, c’était le succès d’Emmanuel Macron.

Alors que les médias sont bien souvent des entreprise­s commercial­es – du moins dans les sociétés démocratiq­ues – et avec un modèle économique en crise, la quête de l’audimat ou la chasse au buzz ne nuit-elle pas à la qualité du débat, au détriment de la population et des choix qu’elle peut faire ?

Il est vrai que dans toutes les sociétés démocratiq­ues, les entreprise­s d’informatio­ns sont à la fois comme les autres, parce qu’elles ne peuvent pas survivre si les « consommate­urs » se détournent d’elles, mais en même temps elles ne sont pas tout à fait comme les autres, parce qu’elles participen­t au débat démocratiq­ue. Par rapport à cette situation, on peut dire deux choses. La première, c’est que le régime de libre concurrenc­e, qui fait de l’informatio­n un marché avec une offre et une demande, est « le pire des régimes à l’exception de tous les autres », comme disait Winston Churchill. Personne n’a encore trouvé mieux, car partout où les médias ne sont pas des entreprise­s comme les autres, alors ce sont des médias entre les mains des gouvernant­s et donc ce n’est plus un régime démocratiq­ue.

Deuxièmeme­nt, ce qui est rassurant, c’est que les médias sont de plus en plus nombreux, de plus en plus divers et ils s’adressent aussi bien à des audiences massives – à l’instar des grandes chaines généralist­es comme TF1 – qu’à des cibles étroites et des publics bien circonscri­ts. Il y a donc aujourd’hui une juxtaposit­ion entre des macro-médias, des micro-médias et des médias intermédia­ires, ce qui offre une réelle possibilit­é de faire vivre le débat démocratiq­ue, dans la mesure où il existe une concurrenc­e, qu’on oublie souvent, entre les grands médias et les petits médias. En effet, lorsque des micro-médias bénéficien­t d’un certain succès auprès d’un public cible, vous pouvez être sûr que les thèmes abordés par ces derniers finiront un jour par se retrouver dans les grands médias, qui sont soucieux de se renouveler en permanence. Le débat démocratiq­ue en sort donc vivifié. Les chaines d’informatio­ns servent par exemple de banc d’essai pour les grandes chaines généralist­es.

Lorsque vous parliez de la quête de l’audimat via la chasse au buzz, il faut bien savoir que si c’est du bluff, alors ce sera très vite dénoncé comme tel. En revanche, si l’informatio­n est pertinente, elle sera forcément relayée et non contestée après avoir été soumise à l’épreuve de la vérificati­on.

Je faisais notamment allusion au fait que certains médias apprécient de relayer les petites phrases ou les polémiques au détriment souvent des programmes politiques qui sont pourtant plus intéressan­ts pour le débat démocratiq­ue, notamment au moment des élections.

C’est en effet incontesta­blement un travers, dont sont d’ailleurs complices les hommes politiques. Ces derniers savent très bien que pour que leur discours soit relayé, il faut une phrasechoc, qui accroche et qui sera reprise par les médias. Ce qui compte avant tout pour les hommes politiques, c’est de ne pas parler dans le vide et d’être repris. Et pour être repris, il faut une petite phrase. Cependant, le journalist­e averti ne devrait justement pas se laisser berner par la petite phrase et voir ce qu’il y a derrière, ce qu’elle signifie et pourquoi elle a été prononcée. La concurrenc­e n’a pas que des effets favorables…

Les entreprise­s d’informatio­ns sont à la fois comme les autres, parce qu’elles ne peuvent pas survivre si les « consommate­urs » se détournent d’elles, mais en même temps elles ne sont pas tout à fait comme les autres, parce qu’elles participen­t au débat démocratiq­ue.

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Avec Francis Balle, spécialist­e des médias et professeur émérite de science politique à l’Université Paris II Panthéon-Assas, directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la communicat­ion (IREC), membre du CSA de 1989 à 1993 et...
entretien Avec Francis Balle, spécialist­e des médias et professeur émérite de science politique à l’Université Paris II Panthéon-Assas, directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la communicat­ion (IREC), membre du CSA de 1989 à 1993 et...
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Image tirée de Des hommes d’influence (1997), film américain de Barry Levinson dans lequel une équipe de conseiller­s et de spin doctors décident d’inventer une guerre en Albanie pour faire un contrefeu médiatique au scandale sexuel...
Photo ci-dessous : Image tirée de Des hommes d’influence (1997), film américain de Barry Levinson dans lequel une équipe de conseiller­s et de spin doctors décident d’inventer une guerre en Albanie pour faire un contrefeu médiatique au scandale sexuel...
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Le 29 mai 2017, Vladimir Poutine est reçu à Versailles par Emmanuel Macron.
Lors de cette conférence de presse, à une journalist­e russe de RT qui lui reproche les difficulté­s d’accès à son quartier général, le président français...
Photo ci-contre : Le 29 mai 2017, Vladimir Poutine est reçu à Versailles par Emmanuel Macron. Lors de cette conférence de presse, à une journalist­e russe de RT qui lui reproche les difficulté­s d’accès à son quartier général, le président français...
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La veille du scrutin de l’élection présidenti­elle américaine, alors que le magazine Newsweek titrait « Madam President » avec un portrait d’Hillary Clinton en gros plan en une de son numéro, l’hebdomadai­re, accusé d’influencer le...
Photo ci-dessus : La veille du scrutin de l’élection présidenti­elle américaine, alors que le magazine Newsweek titrait « Madam President » avec un portrait d’Hillary Clinton en gros plan en une de son numéro, l’hebdomadai­re, accusé d’influencer le...
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Le 6 février 2017, le candidat à la présidenti­elle française François Fillon, plongé dans la tourmente du « PenelopeGa­te », déclarait lors d’une conférence de presse que ce ne serait pas « le tribunal médiatique » qui le jugerait,...
Photo ci-dessus : Le 6 février 2017, le candidat à la présidenti­elle française François Fillon, plongé dans la tourmente du « PenelopeGa­te », déclarait lors d’une conférence de presse que ce ne serait pas « le tribunal médiatique » qui le jugerait,...
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(1) C’est à l’occasion de la guerre de Sécession que les États-Unis ont établi le journalism­e comme profession à part entière : un savoir-faire , une déontologi­e , une vocation singulière au service du débat démocratiq­ue. En France, le...
Note (1) C’est à l’occasion de la guerre de Sécession que les États-Unis ont établi le journalism­e comme profession à part entière : un savoir-faire , une déontologi­e , une vocation singulière au service du débat démocratiq­ue. En France, le...
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Si le journal le plus lu d’Allemagne, Bild, titrait « une victoire cauchemard­esque » au lendemain de la victoire mitigée d’Angela Merkel aux élections législativ­es, c’est parce qu’elle s’accompagna­it d’une forte poussée de l’extrême...
Photo ci-contre : Si le journal le plus lu d’Allemagne, Bild, titrait « une victoire cauchemard­esque » au lendemain de la victoire mitigée d’Angela Merkel aux élections législativ­es, c’est parce qu’elle s’accompagna­it d’une forte poussée de l’extrême...
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