Les Grands Dossiers de Diplomatie
Trous noirs et prédateurs de l’information
Et prédateurs de l’information
Depuis 26 ans, l’Érythrée est une dictature où l’information n’a pas droit de cité.
À ce jour, au moins onze journalistes sont détenus en dehors de toute procédure judiciaire. La presse, comme toute la société érythréenne, est soumise à l’arbitraire absolu du président Issaias Afeworki, prédateur de la presse et responsable de « crimes contre l’humanité », selon un rapport de l’ONU de juin 2016. Le dictateur n’envisage aucune ouverture. « Ceux qui pensent qu’il y aura la démocratie dans ce pays peuvent le penser dans un autre monde », déclarait-il en 2014.
En 2017, la Corée du Nord se trouve en toute dernière position du classement mondial de la liberté de la presse. Sous Kim Jong-un, au pouvoir depuis 2012, le régime totalitaire nord-coréen continue de maintenir la population dans l’ignorance. Le simple fait d’écouter une radio basée à l’étranger peut valoir un séjour en camp de concentration. L’agence centrale de presse KCNA est la seule habilitée à fournir l’information officielle aux autres médias de la presse écrite ou radiophonique. Officiellement, les autorités nordcoréennes font preuve d’une plus grande flexibilité vis-à-vis de la presse étrangère, autorisant un nombre accru de reporters à couvrir des événements officiels. En septembre 2016, l’agence de presse AFP a même inauguré un bureau, en partenariat avec KCNA, comme l’avait fait Associated Press en 2012. En réalité, le contrôle méticuleux de l’information accessible à la presse étrangère demeure la règle, comme en témoigne l’expulsion en mai du journaliste Rupert Wingfield-Hayes.
Au Turkménistan, l’ensemble des médias est contrôlé par l’État et les rares internautes n’ont accès qu’à une version ultra-censurée du Web. Mais cela ne suffit pas au président Gourbangouly Berdymoukhamedov, alias « Père protecteur », « réélu » en février 2017 avec plus de 98 % des voix : la répression contre les quelques journalistes indépendants travaillant clandestinement pour des médias basés à l’étranger ne cesse de s’intensifier. Saparmamed Nepeskouliev croupit ainsi en prison depuis juillet 2015. Plusieurs de ses collègues ont été arrêtés, torturés ou agressés ces dernières années.
Face à ce harcèlement croissant, plusieurs correspondants de Radio
Free Europe / Radio Liberty ont été contraints de suspendre leurs activités.
Sous prétexte « d’embellir les villes », les autorités poursuivent leur campagne d’éradication des antennes paraboliques, privant la population de l’un des derniers accès à une information non contrôlée.
L’édition 2017 du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières montre une augmentation du nombre de pays où la situation de la liberté de la presse est particulièrement grave. L’indice de référence calculé par RSF n’a ainsi jamais été aussi élevé, ce qui signifie que la liberté de la presse n’a jamais été aussi menacée. En 2017, trois nouveaux pays font leur entrée dans les bas-fonds du classement : le Burundi (160e, -4 places), l’Égypte (161e, -2) et le Bahreïn (164e, -2).
Ils sont désormais 21 pays classés « noirs » c’est-àdire où la situation de la presse est considérée comme « très grave ». Cinquante-et-un pays (contre 49 l’an dernier) sont en « rouge » : la situation de la liberté de l’information y est considérée comme « difficile ». Au total, près des deux tiers (62,2 %) des pays répertoriés ont enregistré une aggravation de leur situation. Nous vous présentons sur cette page les six
États les moins bien classés en 2017 :
Syrie
Alors qu’il n’y avait pas de presse libre en Syrie, le pays est devenu le plus meurtrier du monde pour les reporters. De nouveaux médias syriens ont été créés par des journalistes-citoyens au lendemain des révolutions pour montrer les différents visages de la guerre. Les journalistes, professionnels ou non, sont pris entre deux étaux : les forces du régime et leurs alliés et les différents groupes d’opposition, dont les radicaux tels que le groupe État islamique, et les forces kurdes. Les tentatives d’intimidation, les arrestations, les enlèvements et assassinats sont communs et dressent un tableau médiatique macabre.
Chine
Premier censeur de la planète et prédateur de la liberté de la presse, le président chinois Xi Jinping est l’instigateur d’une politique visant au contrôle hégémonique de l’information et à l’instauration d’un ordre médiatique mondial largement influencé par la Chine. En 2015 et 2016, nombre de journalistes-citoyens, de blogueurs et de militants des droits humains, y compris étrangers, ont été arrêtés par les autorités et contraints de passer aux aveux. En violation du « droit fondamental à un procès équitable », ces aveux sont ensuite diffusés par la chaine d’information d’État CCTV et relayés par l’agence de presse Chine Nouvelle. Plus de 100 journalistes et blogueurs sont actuellement emprisonnés. Parmi eux, la célèbre Gao Yu, ainsi que les reporters et lauréats du prix RSF pour la liberté de la presse Lu Yuyu, Li Tingyu et Huang Qi, fondateur du site d’information 64Tianwang.
Vietnam
Les blogueurs et journalistes-citoyens, seules sources d’informations indépendantes dans un pays où la presse est entièrement aux ordres du Parti communiste, sont la cible permanente d’une répression de plus en plus féroce. Les violences policières, perpétrées par des agents en civil, se multiplient. Le Parti continue plus que jamais de justifier l’emprisonnement des acteurs de l’information en invoquant le code pénal, en particulier ses articles 88, 79 et 258 qui punissent de lourdes peines d’emprisonnement ceux qui seraient reconnus coupables de « propagande anti-étatique », « d’activités visant à renverser l’administration du peuple » et « d’abus des droits à la liberté et à la démocratie pour attenter aux intérêts de l’État ». En 2016, le journaliste-citoyen Nguyen Huu Vinh, créateur du site d’information Anh Ba Sam, ou Side
Walk News Agency, en référence à l’agence de presse officielle Vietnam News Agency, a été condamné à cinq ans d’emprisonnement. De nombreux autres blogueurs
(tels que Tran Thi Nga, Nguyen Van Hoa, et Nguyen Ngoc Nhu Quynh) ont été arrêtés dans les mois qui ont suivi, faisant du Vietnam la seconde prison du monde pour les journalistes-citoyens, après la Chine.