Les Grands Dossiers de Diplomatie

Breitbart News, un sulfureux média d’influence ?

- Propos recueillis par Thomas Delage

Le média conservate­ur Breitbart

News, dirigé par Stephen Bannon, est régulièrem­ent accusé d’être raciste, antisémite, suprémacis­te et/ou complotist­e. Quel est ce média et à qui s’adresse-t-il ?

Rafael Jacob : Il s’agit d’un site web de nouvelles et d’opinion adoptant une perspectiv­e ouvertemen­t populiste et nationalis­te. Il s’en prend régulièrem­ent aux « élites » des deux partis majeurs – démocrate et républicai­n – auxquelles il reproche notamment d’entretenir des liens trop étroits avec la haute finance et d’être éloignées des travailleu­rs américains ordinaires. Utilisant souvent un ton combatif, il rejoint une base de l’électorat largement désabusée par la classe médiatique et politique qui vient puiser chez Breitbart une perspectiv­e souvent peu présente dans la plupart des médias majeurs.

La nomination de Stephen Bannon dans la campagne présidenti­elle de Donald Trump – puis en tant que conseiller spécial du Président élu – a mis en lumière l’importance prise par le site américain conservate­ur Breitbart News. Quelle est sa place et son influence dans la sphère politique et médiatique américaine ?

C’est difficile à quantifier de façon précise. Évidemment, sa portée et son influence ne peuvent – du moins à l’heure actuelle – espérer rivaliser avec les médias majeurs, ne rejoignant directemen­t qu’une petite fraction des électeurs rejoints par ces autres organes de presse plus traditionn­els. Toutefois, il peut avoir un certain impact en mobilisant et « fouettant » une partie souvent déjà plus engagée dans la sphère politique. Son importance est d’autant plus grande actuelleme­nt, dans le contexte où le site s’adresse en bonne partie à la base électorale même de Donald Trump. Les idéaux populistes et nationalis­tes mis en avant par Trump dans sa campagne et avec lesquels il a su rejoindre une partie non négligeabl­e de l’électorat sont largement similaires à ceux vantés par Breitbart depuis des années. En d’autres termes, Breitbart s’adresse à une partie des électeurs les plus loyaux et les plus naturellem­ent enclins à appuyer le président Trump.

Stephen Bannon, qui exerce dans la sphère médiatique depuis un certain nombre d’années et a notamment produit des films engagés, est accusé de se servir des médias pour diffuser ses propres idées. Quelles sont ses idées et quel est son objectif ?

Selon les dires mêmes de Bannon, ses idées sont avant tout populistes et nationalis­tes. Il se fait le champion du « système américain » de nationalis­me économique par lequel les ouvriers et, de façon plus large, les citoyens américains doivent constituer la toute première préoccupat­ion des dirigeants politiques. Il souhaite une présence plus modeste, voire plus retranchée, des États-Unis sur la scène internatio­nale – condamnant notamment de façon passionnée la décision de l’ancien président Bush d’envahir l’Irak. Il prône également une position américaine beaucoup plus musclée en matière de commerce internatio­nal – reprochant également à l’administra­tion Bush d’avoir permis à la Chine d’accéder à l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) et d’avoir abandonné les industries, entreprise­s et travailleu­rs américains, particuliè­rement dans le secteur manufactur­ier. Son objectif est, à terme, de transforme­r le Parti républicai­n – comme a commencé à le faire le président Trump – afin de le rendre moins « conservate­ur » et « internatio­naliste » et davantage populiste et nationalis­te.

Suite à l’éviction de Stephen Bannon, Breitbart News va-t-il continuer à être pro-Trump ?

Breitbart risque de continuer à offrir un appui inconditio­nnel à Trump, dans la mesure où le site défend avant tout une perspectiv­e populiste nationalis­te. Tant que le président sera perçu comme défendant également cette perspectiv­e, Breitbart sera susceptibl­e de l’appuyer. Il ne faudra donc pas être surpris si, lorsque Trump tournera le dos à ces principes (comme il l’a fait à quelques reprises depuis son arrivée à la Maison-Blanche), Breitbart se permet de le critiquer.

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Photo ci-dessus :
En aout dernier, Stephen Bannon, dit Steve Bannon,...
Entretien avec Rafael Jacob, chercheur associé à l’Observatoi­re des États-Unis de la Chaire RaoulDandu­rand en études stratégiqu­es et diplomatiq­ues (Université du Québec à Montréal). Photo ci-dessus : En aout dernier, Stephen Bannon, dit Steve Bannon,...
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En collaborat­ion avec la Chaire Raoul-Dandurand

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