Les Grands Dossiers de Diplomatie
ANALYSE Chine et Asie du Nord-Est : vers un nouvel ordre géostratégique ?
Si le jeu stratégique en Asie du Nord-Est est longtemps resté relativement stable et compris, pour un voyageur se réveillant en mai 2018, la surprise est de taille ! En l’espace de quelques courtes semaines, toutes les cartes semblent avoir été rebattues. Quid de ce bouleversement en cours de l’échiquier asiatique ?
Depuis 30 ans, la montée en puissance spectaculaire de la Chine a graduellement changé la donne. Cette dernière n’a cessé de transformer sa nouvelle puissance économique en investissements militaires grandissants, posant ses pions sur ces fameux îlots de la mer de Chine du Sud. Mais il était clair que les États-Unis conservaient leur avantage militaire massif pour au moins trente ans et que leur réseau d’alliances avec le Japon, la Corée, mais aussi Singapour, les Philippines, et même – implicitement – avec Taïwan restaient la carte maîtresse du jeu géopolitique en Asie.
L’élaboration de l’accord commercial transpacifique (TPP) en 2012-2016 sous le président Obama entre les États-Unis et la plupart de leurs alliés en Asie formait une contre-dynamique puissante face à la Chine. Le dragon pouvait s’étirer et se faufiler dans les détroits, mais il restait fortement contraint par un équilibre de forces dynamique. Dans ce contexte, les relations Chine-Japon et Chine-Corée du Sud étaient nécessairement froides à la frontière de cette compétition géostratégique. Quant à la Corée du Nord, elle restait dangereuse mais également contenue dans une confrontation de guerre froide. L’été et automne 2017 ont vu une accélération sans précédent de tests de missiles intercontinentaux et d’une bombe thermonucléaire de la part de la Corée du Nord, lesquels semblaient gravement accélérer la confrontation sans pour autant rompre l’équilibre de terreur.
Depuis 2018, toutes les relations sont en mouvement, y compris celles qui paraissaient totalement paralysées par des forces implacables. Soudain, le 27 avril, un sommet a lieu entre le président de Corée du Sud, Moon Jae-in, et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un. Main dans la main, oui, main dans la main,
ces deux frères ennemis passent et repassent la frontière militarisée qui sépare les deux Corées et plantent ensemble un arbre de la paix avec terre et eau des deux pays. Du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale ! Un mois avant ce sommet, à la fin mars, Kim Jong-un effectuait sa première visite internationale en Chine depuis sa prise de pouvoir en décembre 2011. Surprenant tous les observateurs, il débarque d’un train à Pékin pour un sommet d’État avec Xi Jinping, le dirigeant chinois, après six ans de relations glaciales emplies de suspicions et de tensions entre les deux hommes. Rebelote le 8 mai : Kim Jong-un est de nouveau en Chine, à Dalian, pour un second sommet avec Xi Jinping, prenant tout le monde de court. Pendant ce temps, le premier sommet trilatéral en trois ans se termine à Tokyo entre Chine, Japon, et Corée du Sud, concluant sur un programme important de coopération économique et de consultation sur le dossier de la Corée du Nord, ainsi que par
Il est clair que nous sommes entrés dans une période historique de transition de pouvoir et de bataille stratégique pour le nouvel ordre mondial entre États-Unis et Chine.
un rapprochement Chine-Japon qui comprend enfin une ligne de téléphone directe entre marines des deux pays pour éviter toute escalade autour des zones contestées. L’on peut aussi noter une série de visites à Washington, y compris du Premier ministre japonais Abe et du président coréen Moon, les unes après les autres, et de nombreux coups de téléphone entre Chine et États-Unis. Bien sûr, cet étonnant ballet diplomatique ne forme que l’apéritif avant le méga-sommet prévu le 12 juin à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un, un sommet qui marquera la première visite hors de Corée ou de Chine pour le dirigeant de Corée du Nord. Et là, tout est possible.
En parallèle, le président américain s’est lancé dans une agressive guerre commerciale avec la Chine, avec notamment la visite de ses sept mousquetaires (ministres et conseillers principaux) à Pékin le 4 mai, pendant laquelle les Américains ont déposé une liste d’exigences et d’oukazes sans précédent dans l’histoire de l’économie mondiale depuis 1945 avant de reprendre leur avion pour Washington sans même prendre le temps de dîner avec les ministres chinois. Ajoutons l’annonce de Donald Trump du 9 mai 2018 concernant son retrait de l’accord nucléaire avec l’Iran, qui a provoqué consternation et dénonciation dans toute l’Asie, Chine, Japon, et Corée en tête, ainsi qu’en Russie et Europe.
Que se passe-t-il donc ? L’équilibre d’après-guerre est-il en train de se rompre ? Est-ce signe de paix prochaine ou bien de marche vers la guerre ?
Il est trop tôt pour savoir où vont mener ces grandes manoeuvres. Toutefois, il est clair que nous sommes entrés dans une période historique de transition de pouvoir et de bataille stratégique pour le nouvel ordre mondial entre États-Unis et Chine, et que cette bataille se joue dans tous les domaines à la fois. L’ensemble des pays de la zone sont forcés de reconsidérer leurs options et leurs stratégies, ce qui rend la situation extrêmement dynamique. La montée en puissance de la Chine et les erreurs de politique budgétaire, économique et sociale aux États-Unis depuis deux décennies ont déstabilisé la position américaine. D’un côté, une Chine confiante et hyper organisée avec une stratégie à 35 ans est en passe de reprendre sa position historiquement centrale sur l’échiquier asiatique et mondial. De l’autre, une Amérique en colère avec un président truculent n’hésite plus à remettre en cause la quasi-totalité de l’ordre mondial qu’elle a bâti depuis 1945 pour conserver son hégémonie et redistribuer les bénéfices de cet ordre mondial à son profit. Elle n’hésite plus non plus à brandir son dernier atout massif : sa prépondérance militaire. Cette confrontation transforme toutes les autres relations en Asie et subsume toutes les autres dimensions bilatérales.
Les facteurs de transformation de l’échiquier asiatique
Trois forces majeures ont changé la donne en Asie du Nord-Est et enclenché un cycle de réalignement stratégique majeur.
• La montée en puissance de la Chine et la consolidation du pouvoir par Xi Jinping ont d’abord un effet systémique sur toute l’Asie et au-delà. L’avancée chinoise est graduelle et sur une longue durée, mais sa persistance et son organisation politique ont un effet de force de gravité sur tous les autres pays et tous les équilibres. En dollars courants, le PIB chinois ne représentait que 1,6 % du PIB mondial total en 1990 (1). Ce ratio est passé à 3,6 % en 2000 et 14,8 % en 2016. Sur le plan stratégique, le ratio clef entre PIB chinois et PIB américain est passé de 6 % en 1990 à 11,8 % en 2000 et 66,2 % en 2017. On est donc entré dans la dernière phase du rattrapage Chinois par rapport aux États-Unis. Dans l’histoire des transitions entre grandes puissances, cette phase finale est la plus dangereuse, car la puissance descendante se met à considérer les moyens de renverser la manoeuvre. Par rapport au Japon, la Chine ne pesait qu’un quart de l’économie japonaise en 2000, dépassait le Japon en 2011 avant de représenter 225 % du Japon en 2016 (et probablement
au-delà de 250 % en 2017). Un bouleversement entre puissances régionales d’une telle implacable rapidité a des conséquences stratégiques et psychologiques immenses. Le rééquilibrage se fait plus rapidement que la capacité de l’esprit humain des dirigeants et des citoyens à s’adapter. Logiquement, la Chine profite de cette croissance économique pour augmenter son investissement militaire, et avancer ses pions.
En parallèle, depuis 2012, la Chine a réussi à consolider son pouvoir sous la houlette d’un Xi Jinping chaque année plus puissant, et à jouer un rôle croissant chaque année dans presque tous les registres de la gouvernance mondiale (nouvelles routes de la soie, financement du développement, commerce, climat, investissement, G20, ONU, etc.). Cette unification du pouvoir chinois et l’affirmation du succès économique et social d’un système de gouvernance distinct de celui des démocraties occidentales tendent à amplifier le sentiment d’une Chine irrésistible et parfois menaçante. Cette réalité historique majeure, malgré les risques internes qui planent sur la Chine, a un impact déterminant sur les calculs de tous les pays de la région, à commencer par Japon, Corée du Nord et Corée du Sud, mais aussi États-Unis.
• L’arrivée au pouvoir de Donald Trump en novembre 2016 et la vague populiste colérique qui a permis ce coup de théâtre constituent la seconde force majeure à l’oeuvre en Asie. Donald Trump bouleverse la donne sur tous les dossiers et provoque une incertitude majeure pour tous les pays d’Asie et du monde, et pour le système dans son ensemble. Outre le fait qu’il change d’avis et de conseillers régulièrement et tient ainsi tous les dirigeants mondiaux sur le qui-vive, Donald Trump est le premier dirigeant qui remet en cause toute l’architecture institutionnelle de l’ordre mondial établi sous la direction de son pays depuis 1945. Sur le plan commercial, il remet en cause tous les accords commerciaux avec ses partenaires et paralyse l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Il initie des sanctions commerciales ciblées non seulement contre la Chine (cible majeure), mais aussi contre l’Europe, le Japon, le Canada, le Mexique, la Corée (pour l’instant suspendues), l’Amérique du Sud, la Russie, etc. Il a annulé la participation américaine dans le TPP et menace de dissoudre la zone de libre-échange nord-américaine (ALENA). Les relations sino-américaines sont aujourd’hui prises en otage par l’application probable à la fin mai de sanctions américaines sur une centaine de produits chinois pour un montant de 50 milliards de dollars et à la riposte équivalente chinoise, ce qui devrait mener à une escalade successive. Séparément, les États-Unis viennent de sanctionner massivement le 9e fabricant mondial de téléphones portables (ZTE) en lui coupant l’accès à ses composants critiques pour 7 ans, forçant ZTE à arrêter toute sa chaîne de production. Cette entreprise de 75 000 employés pourrait bientôt être en faillite. De façon remarquable, Trump a aussi sanctionné le Japon sur l’acier après avoir refusé d’écouter le plaidoyer du Premier ministre sur le TPP, faisant ainsi perdre la face à son allié principal dans la région.
Trump est bien sûr également en train d’attaquer ou de bloquer presque toutes les institutions internationales, y compris l’ONU (baisse de la contribution américaine), l’accord de Paris sur le climat, le G20, et l’accord nucléaire multinational sur l’Iran. À force de s’attaquer à toute l’infrastructure de l’économie mondiale et de l’ordre mondial avec un marteau-piqueur, il pourrait bien réussir non seulement à paralyser la capacité
Trump et ses conseillers jouent avec le feu et provoquent la Chine sur ses terrains les plus sensibles : Taïwan et la mer de Chine du Sud.
de coopération entre États mais aussi à provoquer un certain écroulement de l’édifice de gouvernance mondiale, surtout s’il se trouve réélu en 2020.
Son effet sur la zone Asie est massif. Au début, on hésitait à le prendre au sérieux, on pensait que ses conseillers militaires le maintiendraient sous contrôle. Quelle sous-estimation ! En 2018, après les nominations des faucons Mike Pompeo et John Bolton, Trump a accéléré son programme unilatéral et bouleversé tous les calculs des pays en Asie en utilisant tous les leviers de pouvoir américains et en imposant sa réalité par la force.
• La troisième force majeure a été la quête sans vergogne du leader nord-coréen Kim Jong-un vers la consolidation de son pouvoir en poursuivant et accélérant son programme nucléaire et balistique. En 2016 et 2017, la multiplication des tests nucléaires et de missiles de plus en plus puissants (plusieurs survolant le territoire japonais) a provoqué une réaction majeure du monde entier, y compris de l’allié chinois. En 2017, Kim Jong-un s’est ainsi retrouvé dans la ligne de mire directe de Donald Trump et même de la Chine, et l’on semblait s’approcher d’une confrontation militaire. En effet, les évaluations américaines à l’automne 2017 indiquaient que la Corée du Nord devrait pouvoir déployer des missiles intercontinentaux nucléaires d’ici 2019, motivant les États-Unis à considérer une guerre préemptive avant que cette fenêtre ne se referme.
Ces trois forces majeures, dans un contexte de mondialisation et d’accélération technologique générant des inégalités croissantes, transforment toutes les relations bilatérales régionales. L’impensable commence à être pensé et toute la région est ébranlée.
Le jeu coréen en pleine ébullition
La péninsule Coréenne s’est retrouvée au coeur de l’échiquier d’Asie-Pacifique, avec deux phases distinctes. En 2017, les tests et provocations sans précédent de la Corée du Nord ont généré un raidissement complet des relations dans la région. Pour les États-Unis, la menace des missiles intercontinentaux à horizon 2019 devenait intolérable. Le Japon était plus divisé mais tendait à se rallier à la position américaine, faisant le calcul que les missiles intermédiaires nord-coréens n’étaient pas encore opérationnels et qu’ils constitueraient une menace après 2019. En revanche, la Corée du Sud a vu ses intérêts diverger fortement avec ses deux alliés. En particulier après l’élection du président conciliateur Moon Jae-in en mai 2017, qui a estimé qu’une guerre se ferait dans ses villes et était donc un pire résultat que les missiles de Kim Jong-un. De son côté, Pékin se montrait de plus en plus frustré par son allié nord-coréen, qui attirait les foudres de Trump vers la Chine. En effet, ce dernier tenait la Chine comme responsable des frasques nord-coréennes et n’hésitait pas à la menacer de sanctions. C’est alors qu’une deuxième phase est initiée par une annonce surprise lors de la déclaration du Nouvel An du dirigeant nord-coréen : Kim Jong-un propose de participer aux Jeux olympiques en Corée du Sud en février et promet de geler ses tests de missiles et de bombes nucléaires. Toute la dynamique régionale se retrouve à faire machine arrière, alors même que le Pentagone préparait sérieusement des frappes militaires. Tout le ballet diplomatique que l’on connaît depuis découle de cette ouverture : participation de 22 athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques de Pyeongchang – avec une équipe de hockey commune pour les deux Corées – auxquels s’est rendue la soeur de Kim Jong-un ; gel des manoeuvres conjointes américano-coréennes ; et visite des conseillers du président Moon à Pyongyang. C’est à ce moment que Kim Jong-un a proposé un sommet avec Trump, lequel a surpris tous ses conseillers en acceptant immédiatement. Tout s’est accéléré après cela : sommet entre les deux Corées, double visite de Kim en Chine, double visite du Secrétaire d’État américain Mike Pompeo à Pyongyang et annonce du sommet de Singapour le 12 juin. Il reste une question clef à élucider : quel calcul fait donc Kim Jong-un en initiant ce cycle diplomatique après plusieurs années de consolidation et provocation militaires implacables ? L’on peut avancer trois interprétations :
• Kim est en train de bluffer et de gagner du temps pour terminer le déploiement de ses missiles nucléaires. Cela pourrait être risqué puisque le sommet prévu en juin avec Trump pourrait alors échouer et mener à des frappes militaires avant que Kim n’ait complété son objectif.
• Kim a souffert des sanctions accrues menées par les États-Unis (et la Chine) et a compris qu’il était coincé. Kim essaie aussi de sortir de la zone de contrôle chinois et est prêt à pivoter. Trump a gagné et méritera le prix Nobel de la paix.
• Kim a complété ses tests nucléaires et se prépare à une phase de marchandage pour utiliser cette carte et obtenir des concessions diplomatiques majeures tout en pivotant vers le développement économique. Il est le grand gagnant et exploite les tensions entre Corée du Sud, États-Unis, Japon, et Chine. Les négociations seront longues et pourraient voir les États-Unis réduire leur présence militaire en Corée.
Donald Trump bouleverse la donne sur tous les dossiers et provoque une incertitude majeure pour tous les pays d’Asie et du monde, et pour le système dans son ensemble.
En tous cas, on peut dire que nous entrons dans une phase totalement incertaine. Étant donné la rigidité des positions américaines refusant toute concession, l’ouverture Trump-Kim pourrait échouer et la phase suivante pourrait être très dangereuse. Dans le contexte de guerre commerciale initiée entre Washington et Pékin [voir l’entretien avec C. Deblock p. 30] et suite au retrait américain de l’accord iranien, la Chine s’est rapprochée de la Corée du Nord en mai. Toute confrontation Trump-Kim après un échec du sommet deviendrait alors une confrontation Chine-États-Unis, ce qui constituerait un fait nouveau.
Quant à la Corée du Sud, elle a joué pour l’instant un sansfaute et a accéléré le jeu diplomatique de façon surprenante, y compris dans sa réconciliation avec la Chine. Mais Séoul ne contrôle pas les pièces maîtresses du jeu en cours. Le Japon se retrouve lui plutôt sur la touche, malgré le sommet trilatéral de Tokyo. Nous vivons une période étonnante et fluide où tout est possible.
Tokyo et Pékin tiraillés entre tensions stratégiques et pragmatisme
La relation Japon-Chine devrait être l’axe principal en Asie de l’Est, de par leur statut de grande puissance régionale. Pourtant, cette relation reste au cinquième plan, fortement influencée par les relations Chine-États-Unis, États-Unis-Corée du Nord, Chine-Corée du Nord, et Japon-États-Unis.
Au cours des six dernières années, la relation Chine-Japon s’est trouvée coincée entre des forces économiques d’interdépendance (25 % des exportations japonaises vont en Chine, contre 15 % vers les États-Unis) et une compétition stratégique et militaire grandissante. Le Japon se trouvait de plus en plus menacé par son plus gros client, position schizophrène par excellence. Bien sûr, les tensions historiques autour des îles disputées Diaoyu-Senkaku envenimaient la situation et menaient à de dangereuses confrontations de flottes armées autour de ces îles. Les incursions militaires chinoises en zone limitrophe japonaise augmentent chaque année. Le résultat a donc été une paralysie des relations pendant presque six ans.
Mais en 2018, la situation bouge de nouveau. Du côté japonais, la déstabilisation de la relation sino-japonaise par Trump, malgré les efforts japonais, pousse à une certaine conciliation avec la Chine. Même chose du côté chinois, avec un besoin plus grand de coopération technologique avec le Japon dans un contexte sino-américain très difficile. Le sommet trilatéral du 8 mai comprenant la Corée et les déclarations bilatérales marquent d’une part le plus fort signal de dégel entre ces trois pays depuis plusieurs années, et d’autre part l’initiation d’une nouvelle dynamique possible, si Pékin et Tokyo réussissent à prendre des mesures concrètes qui peuvent rassurer leur voisin. Parallèlement, ces derniers partagent la crainte commune d’être mis sur la touche par le sommet Kim-Trump.
Quelles perspectives ?
Prises entre une Chine montante et une Amérique rebelle, toutes les relations diplomatiques en Asie sont en pleine période de transformation. Les deux axes principaux sont le jeu entre Corée du Nord et États-Unis et Chine et États-Unis. D’un côté, l’espoir ouvert par le sommet Trump-Kim de Singapour reste ténu et l’alternative terrifiante en cas d’échec. Toute la sécurité régionale est en suspens autour de cette question. De l’autre, la guerre commerciale ouverte en mai entre Chine et États-Unis peut soit être contenue par de robustes négociations et concessions chinoises, soit mener à l’escalade. Une telle escalade serait une vraie conflagration au coeur de l’économie mondiale et tout le système de production mondialisé se trouverait mis en question. États-Unis et Chine ont également entamé un jeu stratégique très dangereux sur les dossiers de Taïwan et de la mer de Chine du Sud, deux dossiers sur lesquels Trump et ses conseillers jouent avec le feu et provoquent la Chine sur ses terrains les plus sensibles. Nous sommes donc en plein brouillard, peut-être au bord d’une nouvelle stabilisation plus saine de l’ordre mondial, ou bien peut-être au bord du gouffre. Le futur du monde entier dépend largement du dénouement de cet immense jeu de poker qui se joue en Asie-Pacifique dans les quelques mois prochains.
La Corée du Sud a joué pour l’instant un sans-faute et a accéléré le jeu diplomatique de façon surprenante, y compris dans sa réconciliation avec la Chine. Mais Séoul ne contrôle pas les pièces maîtresses du jeu en cours.