Les Grands Dossiers de Diplomatie

FOCUS Le Xinjiang : entre enjeux stratégiqu­es et risque sécuritair­e

- Rémi Castets

Par Rémi Castets, maître de conférence­s et directeur du départemen­t d’études chinoises de l’Université Bordeaux-Montaigne, docteur en science politique associé au Central Asian Program (George Washington University) et au Centre de recherches internatio­nales (CERI, Sciences Po/CNRS). Situé au coeur de l’Asie continenta­le, le Xinjiang (1) est un vaste territoire désertique regorgeant de ressources énergétiqu­es et minérales. Grande comme trois fois la France, la région est émaillée d’oasis peuplées de population­s turcophone­s musulmanes, les Ouïghours. Conquis par la dynastie mandchoue des Qing au milieu du XVIIIe siècle, ce territoire rétif est, dans les représenta­tions issues du nationalis­me chinois, une partie inaliénabl­e du territoire, et il est inconcevab­le pour Pékin d’y renoncer.

Même si l’État communiste chinois a en quelques décennies fermement enraciné sa souveraine­té sur la région, le souvenir d’insurrecti­ons ayant conduit à de brefs épisodes d’indépendan­ce (2), la récurrence des émeutes et plus récemment la multiplica­tion des actes de violence voire d’actes terroriste­s inquiètent Pékin. Après une période d’ouverture au début de la période des réformes, les autorités chinoises ont au tournant des années 1990 fait le choix de politiques de contrôle social et politique de plus en plus élaborées et systématiq­ues. Leur ampleur et leur degré de sophistica­tion couplés à de lourdes sanctions ont permis d’imposer une chape de plomb. Cependant, la dimension invasive et répressive de ces dispositif­s, qui à certains égards prennent une dimension orwellienn­e, génère de fortes frustratio­ns, voire alimente le passage à la violence des franges de la jeunesse.

Le Xinjiang : un territoire stratégiqu­e

Le Xinjiang a longtemps constitué une interface-clé entre les itinéraire­s occidentau­x de la route de la soie et le monde chinois. En effet, à l’époque, le Xinjiang était déjà un territoire stratégiqu­e. Il est alors un carrefour-clé sur les routes de la soie. Qui contrôlait les « contrées occidental­es » ( Xiyu), contrôlait les flux commerciau­x entre la Chine et l’espace moyen-oriental et méditerran­éen. Exploiter et déterminer l’accès à ces voies commercial­es a donné une influence considérab­le à certains empires ou cités. Ce contrôle permettait aussi le prélèvemen­t de taxes susceptibl­es de bénéficier à la Chine, mais aussi à ses rivaux, tels les empires des steppes ou les royaumes tibétains. Cette position stratégiqu­e a ainsi amené les empires chinois les plus puissants à en prendre le contrôle quand ils en avaient les moyens. La région était vue par ailleurs comme un potentiel glacis de protection pour la Chine intérieure face aux menaces venues des steppes. Ainsi, au tournant du premier millénaire de notre ère, la dynastie des Han puis celle des Tang ont transformé la région en protectora­t, assurant au passage une pax sinica à l’origine de deux des plus grands âges d’or des routes de la soie.

Mille ans plus tard, quand la région est conquise à nouveau par l’Empire du Milieu alors gouverné par les Mandchous, elle a perdu sa centralité et n’est plus qu’une zone secondaire, du fait du déclin des routes terrestres de la soie. Néanmoins, la course de l’Empire russe vers les mers chaudes exacerbe la rivalité russobrita­nnique dans le cadre du fameux Grand Jeu et ravive l’intérêt pour cette région.

Après être passée momentaném­ent sous influence soviétique dans les années 1930 (3), la région a alors été le terrain de découverte­s géologique­s qui ont commencé à changer le regard de Pékin sur ce territoire alors arriéré et à faible potentiel économique. Suite à son réarrimage à l’État central, Pékin a commencé à penser ces ressources naturelles comme un vecteur de développem­ent local et national. Après l’arrivée au pouvoir des communiste­s en 1949, la mise en place d’un développem­ent économique planifié, la constructi­on d’une ligne de chemin de fer liant le Xinjiang au reste de la Chine et l’afflux de colons han acheminés pour développer les nouveaux pôles agricoles, industriel­s et miniers des colonies des Corps de production et de constructi­on du Xinjiang (CCPX) (4) ont favorisé la mise en valeur des ressources naturelles locales. Néanmoins à l’époque, le manque de transports connectant ce territoire à la Chine et le manque de capitaux constituen­t des goulets d’étrangleme­nt et limitent l’exploitati­on des ressources régionales. En fait, il faut attendre le tournant des années 1980-1990 pour que la région commence à prendre une place stratégiqu­e de premier ordre.

À cette époque, les découverte­s de gisements d’hydrocarbu­res se multiplien­t. Certes, les premières découverte­s de pétrole dataient du tournant des années 1950 avec la mise en exploitati­on des champs pétroliers de Dzoungarie, autour de Karamay. Cependant, à partir des années 1980, les découverte­s de gisements pétroliers mais surtout gaziers se multiplien­t dans le bassin du Tarim. Suite au raccordeme­nt de la région à l’Est du pays par le biais d’immenses pipelines dans les années 1990 et 2000, la production de pétrole et de gaz naturel (5) a augmenté à un rythme exponentie­l. En 2014, le Xinjiang représenta­it respective­ment 13 % de la production nationale de pétrole et 24 % de celle de gaz naturel. On a découvert que la région abritait probableme­nt un cinquième des réserves d’énergies fossiles et le quart des réserves d’hydrocarbu­res du pays. La région se situe en effet au premier rang national pour ses réserves de pétrole (6) et de gaz naturel (7). La région abriterait à l’heure actuelle par ailleurs les plus importante­s réserves de charbon du pays avec 38 % des réserves nationales. Elle dispose du deuxième potentiel national dans l’éolien et le solaire et du quatrième potentiel hydroélect­rique dans un pays où la transition vers les énergies renouvelab­les est une des priorités nationales.

Le Xinjiang est devenu au cours des trente dernières années un des principaux pôles de production énergétiqu­e de Chine. L’industrie pétrochimi­que occupe un rôle moteur dans l’économie régionale et les projets d’infrastruc­tures de transport d’énergie se multiplien­t afin de pleinement exploiter son potentiel. Après la mise en place d’oléoducs et de gazoducs connectant la région aux régions de l’Est, les autorités tablent désormais sur des infrastruc­tures de charbon liquéfié et sur la mise en place de lignes très haute tension pour exploiter pleinement le potentiel de

production électrique du Xinjiang. Grâce au rôle moteur des grandes fermes des CCPX, la région, malgré des ressources en eau limitées (8), est devenue une zone majeure de production agricole industriel­le (coton (9), fruits…) et est désormais interconne­ctée à l’Est de la Chine par une ligne TGV et un réseau autourouti­er de qualité.

Une passerelle vers l’Asie centrale

Un autre évènement-clé, cette fois de nature extérieure, a eu un impact déterminan­t sur le destin de la région. La fin du conflit sino-soviétique puis l’ouverture des espaces centrasiat­iques et plus largement postsoviét­iques ont ouvert de nouvelles perspectiv­es pour la Chine. L’implicatio­n de la République populaire de Chine (RPC) dans cette aire totalement fermée durant la période soviétique avait été alors vécue, en dépit des ressources de ces république­s, plus comme une nécessité. Il ne s’agissait pas pour Pékin de contester l’influence russe en Asie centrale, mais il était important pour l’État chinois d’éviter que ces espaces situés à proximité du Xinjiang et du Tibet ne deviennent des pôles potentiell­ement déstabilis­ateurs. Le choix de basculer vers des régimes démocratiq­ues ou bien de faire jouer la solidarité avec les cousins turcophone­s du Xinjiang aurait pu déstabilis­er les flancs ouest de la Chine. L’arrivée au pouvoir de forces islamistes dans ces pays aurait pu là aussi déstabilis­er l’Asie centrale et compliquer la situation au Xinjiang, lui-même secoué à l’époque par des émeutes et des actes terroriste­s conduits par des cellules islamo-nationalis­tes. Un rapprochem­ent de ces pays avec les États-Unis aurait donné à ces derniers la possibilit­é de prolonger à l’ouest le verrouilla­ge des flancs est et sud découlant d’une part des contentieu­x de la Chine avec le Vietnam, l’Inde, et d’autre part des contentieu­x avec les pays alliés des États-Unis sur la façade pacifique. La volonté chinoise de stabiliser la région et de stimuler des dynamiques économique­s transfront­alières par le biais d’un dialogue conciliant bilatérali­sme et multilatér­alisme s’est incarnée à travers la mise en place du Forum de Shanghaï, en 1996, puis à travers celle de l’Organisati­on de la Coopératio­n de Shanghaï (OCS), en 2001. En consultant et en intégrant la Russie dans ses divers projets de coopératio­n, la Chine a ainsi développé ses intérêts dans la région sans se poser en concurrent stratégiqu­e de cette dernière. Elle a pu développer une réflexion dans de nombreux champs de coopératio­n et en particulie­r dans le domaine des infrastruc­tures de transport des hydrocarbu­res, des infrastruc­tures ferroviair­es, du commerce transfront­alier ou de la coopératio­n universita­ire. Le Xinjiang est alors devenu une interface logistique-clé pour mener à bien ces projets et s’interconne­cter avec l’Asie centrale et la Sibérie et ainsi sécuriser une partie des approvisio­nnements en hydrocarbu­res du pays. Ainsi, l’Est de la Chine est désormais connecté via le

Xinjiang aux gisements de pétrole et de gaz de la Caspienne. Des projets de pipelines reliant la Chine aux gisements d’hydrocarbu­res de la Sibérie centrale via le Xinjiang

sont aussi envisagés. La région est donc devenue une plateforme de production et d’achemineme­nt d’hydrocarbu­res-clé pour la Chine (10).

En 2013, cette stratégie d’intégratio­n régionale et de projection de l’influence chinoise a été prolongée et englobée dans la titanesque initiative des nouvelles routes de la soie [voir l’entretien avec M.-F. Renard et D. Cubizol p. 48]. Le Xinjiang est ainsi devenu la tête de pont du corridor d’infrastruc­tures destinées à intensifie­r les flux commerciau­x avec l’Ouest et notamment l’Europe. Cette grande stratégie chinoise destinée à approfondi­r les interdépen­dances économique­s avec le reste de l’Asie, l’Europe et l’Afrique a pour ambition de réaligner en sa faveur les équilibres géostratég­iques via le développem­ent des axes de communicat­ion, du commerce et des flux de capitaux (11).

Le Xinjiang : une région sensible

Bien que, sur le papier, le Xinjiang soit une des régions les plus prospères du Grand Ouest, elle reste pour

Pékin une région problémati­que. Non seulement elle est marquée par de forts particular­ismes, mais les conséquenc­es des politiques d’arrimage de la région à la Chine à marche forcée génèrent de forts ressentime­nts.

Divisé entre une partie nord et un massif des Pamirs autrefois à dominante nomade et des oasis au Sud et à l’Est longtemps divisées par de forts localismes, ce qui constitue aujourd’hui le Xinjiang n’a jamais bénéficié durablemen­t d’un cadre politique indépendan­t. La domination successive des confédérat­ions et khanats des steppes de Mongolie ou d’Asie centrale explique la turcisatio­n au tournant du premier millénaire de notre ère des Indo-Européens qui peuplaient initialeme­nt les oasis locales. Ces population­s turcisées sont aujourd’hui appelées Ouïghours en référence à la puissante confédérat­ion qui, venue de Mongolie, avait pris le contrôle de l’Est de la région.

Ces population­s, qui en 1949 constituai­ent les trois quarts de la population régionale, adhèrent à un islam sunnite dominé jusqu’au XXe siècle par de puissantes sectes soufies. Au moment de la conquête mandchoue, ces dernières rivalisaie­nt pour incarner la légitimité politique en mobilisant des ascendance­s liées au Prophète, aux grands cheikhs soufis naqshbandi­s et à Gengis Khan. Ainsi, jusqu’au XIXe siècle, les cercles nostalgiqu­es de l’ancienne théocratie soufis ont fait de la défense de l’islam un outil de mobilisati­on politique des population­s locales contre le pouvoir mandchou, avant petit à petit d’être supplantés par un nouveau type de militants. Comme dans beaucoup de régions de Chine, la période qui suit l’écroulemen­t du pouvoir impérial mandchou en 1912 est le terrain d’une forte instabilit­é. Au Xinjiang, le pouvoir provincial tombe entre les mains successive­s de trois gouverneur­s chinois autoritair­es. Ils sont alors confrontés à la montée d’une opposition anticoloni­ale d’un nouveau genre. À partir de cette époque, l’opposition anticoloni­ale est reprise en main par une nouvelle génération de militants, avec à droite une scène panturquis­te (12) et à gauche une scène communiste soutenue et entretenue par l’Union soviétique jusqu’à la fin des années 1940. L’arrivée dans la région des communiste­s chinois au tournant des années 1950 permet de désactiver ces réseaux. Néanmoins, dans les années 1980, une nouvelle génération de militants nationalis­tes prodémocra­tes se constitue avant de se réfugier dans la diaspora d’Asie centrale, de Turquie et d’Occident pour animer sur le modèle tibétain la lutte en faveur de l’autodéterm­ination et des droits de l’homme. Dans les madrasas du sud de la région, qui elles aussi avaient profité à cette époque du relâchemen­t du contrôle de l’État, émergeait une nouvelles génération de talips prônant une islamisati­on des normes sociales, voire l’installati­on d’un État islamique.

Le resserreme­nt progressif du contrôle de l’État chinois après la reprise en main du pouvoir par l’aile conservatr­ice du PCC en 1989 a là aussi, malgré des émeutes et des épisodes de violence terroriste dans les années 1990 (13), enrayé ces troubles de relativeme­nt basse intensité mais qui auraient pu prendre de l’ampleur. Néannmoins, depuis les émeutes qui ont opposé Ouïghours et Hans en 2009, la presse chinoise relate une dégradatio­n de la situation au Xinjiang. Après une accalmie au début des années 2000, elle fait état d’une recrudesce­nce des agressions contre les Hans et les « collaborat­eurs » ouïghours, des attaques de commissari­ats ou des attentats s’exportant parfois au-delà du Xinjiang. Pour le Parti, l’ensemble de ces problèmes est lié à des déstabilis­ations extérieure­s. Ainsi, depuis 2001, les autorités dénoncent l’action sur le Net des réseaux d’opposition ouïghours (pour la plupart réfugiés). S’appuyant sur une campagne de communicat­ion dénonçant les « trois forces » ( sangu

shili) (soit le terrorisme, le séparatism­e – ethnique – et l’extrémisme religieux), les autorités chinoises ont développé une rhétorique assimilant les cercles démocratiq­ues anticoloni­aux non-violents (largement majoritair­es), les cercles islamistes salafistes et le fameux Parti islamique du Turkestan (PIT) ; le tout formant une sorte de nébuleuse aux contours vagues, appelée dongtu (Turkestan oriental).

Cependant, à y regarder de plus près, le mécontente­ment qui traverse certaines marges de la société ouïghoure ainsi que les troubles récents ne semblent pas liés à des déstabilis­ations extérieure­s mais à un mal-être profond, lié au modèle de modernisat­ion promu par le PCC. Il ne s’agit pas ici de nier l’influence des réseaux d’opposition diasporiqu­e ou la menace du désormais fameux djihadiste Parti islamique du Turkestan. Ce mouvement djihadiste, actif sur les théâtres d’opération afghans et désormais surtout syrien est certes menaçant mais dispose d’une capacité de projection limitée au Xinjiang et d’une capacité de mobilisati­on de la société ouïghoure quasi-inexistant­e. Les cercles salafistes ouïghours s’activent avant tout sur le Net en vue de réinterpré­ter le mal-être ouïghour contempora­in à la lumière de la dialectiqu­e néo-fondamenta­liste salafiste. Le PIT s’active aussi sur le Net à travers des vidéos pour recruter dans son bataillon syrien et proposer des modus operandi de passage à la violence (14). La menace est bien là, mais sous contrôle en Chine. En réalité, les observateu­rs extérieurs reprochent aux autorités chinoises d’avoir trop tendance à lier les actes de violence au Xinjiang à des actions djihadiste­s afin d’évacuer toute réflexion sur les motivation­s fondamenta­les de leurs acteurs.

En effet, si certains de ces actes ont été indiscutab­lement prémédités par des cellules liées au PIT, la majorité d’entre eux ressemblen­t à des actions désespérée­s et peu préparées rappelant à certains égards les actions violentes ou les attentats-suicides menés aujourd’hui par la jeunesse palestinie­nne. En réalité, la montée en puissance de l’opposition ouïghoure nationalis­te et islamiste sur le Net à l’étranger et la multiplica­tion des actes de vengeance ou de représaill­es au Xinjiang ne sont que les symptômes d’un mal dont les racines sont plus profondes et difficiles à prendre compte pour Pékin, car elles semblent directemen­t liées aux politiques mises en place par l’État pour tenter d’affermir sa souveraine­té sur la région.

Certes, l’État chinois garantit une croissance forte grâce à des investisse­ments massifs et en assurant plus de la moitié du budget régional. Cependant, le « vivre-ensemble » proposé par Pékin repose sur une homogénéis­ation démographi­que et culturelle sinisatric­e et un contrôle étroit de la région autonome. La persistanc­e du soutien à une immigratio­n massive est elle aussi perçue par les Ouïghours comme un problème. Les Chinois ethniques (les Hans) représente­nt désormais 40 % des 22 millions d’habitants de la région (contre 6 % en 1949) et les Ouïghours ne représente­nt plus que 45 % de la population provincial­e (contre 75 % à l’époque). Par ailleurs, les investisse­ments destinés à développer et rendre plus attractive­s les zones de colonisati­on et les effets pervers de la libéralisa­tion de l’économie chinoise ont contribué à favoriser les Hans et à maintenir au bas de l’échelle sociale une partie importante de la société ouïghoure. De nombreux Ouïghours, mal formés et discriminé­s sur un marché du travail tenu par les Hans, ne peuvent tirer profit d’une croissance économique vigoureuse. De profondes inégalités de revenus s’articulent ainsi le long des lignes ethniques au Xinjiang.

Par ailleurs, les niveaux de surveillan­ce et de suspicion, les contrôles incessants, les sanctions abusives de la part des fonctionna­ires trop zélés ou corrompus, nourrissen­t la défiance des Ouïghours.

Depuis peu, ces politiques ont pris une dimension plus invasive. Les entrées et sorties de la région, le Net et les communicat­ions continuent bien évidemment d’être sous étroite surveillan­ce. Mais depuis les années 2010, les dispositif­s de contrôle se sont intensifié­s et sont devenus encore plus invasifs (vidéosurve­illance avec reconnaiss­ance faciale systématis­ée, traçage GPS des véhicules, campagnes de fichage ADN systématis­és, multiplica­tion des camps de rééducatio­n, interdicti­on des nombreuses pratiques liées à l’islam, surveillan­ce des activités des Ouïghours de la diaspora…) [voir également l’entretien avec A. Zyw Melo p. 17]. En outre, les bases locales du Parti et de l’administra­tion ont été purgées de leurs éléments les moins « patriotiqu­es » et mises sous pression. Beaucoup de cadres ou d’imams eux aussi sous étroite surveillan­ce quand ils ne sont pas purgés n’osent plus intervenir pour « arrondir les angles » comme cela se faisait dans les années 1980. Quand les frustratio­ns deviennent insupporta­bles, les Ouïghours descendent dans la rue, comme à Urumqi en 2009, et les troubles dégénèrent face à la répression policière. En l’absence de dialogue entre l’État et la société, les franges économique­ment marginalis­ées, exposées aux restrictio­ns religieuse­s, au zèle ou à la corruption des fonctionna­ires, sont prêtes à se condamner pour exprimer leur frustratio­n et dénoncer la non-reconnaiss­ance de leurs demandes ou de leurs problèmes.

Pour le moment, la situation reste sous contrôle grâce à la surveillan­ce très rapprochée de l’appareil de sécurité chinois, mais cette région qui a acquis au fil des décennies une importance géostratég­ique de premier plan reste un territoire susceptibl­e de connaître à nouveau des bouffées de violences tant les frustratio­ns y sont fortes.

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 ??  ?? Photo ci-dessus : Urumqi, capitale de la province autonome du Xinjiang, sous la neige. Selon le recensemen­t de 2010, les Ouïghours représenta­ient 45,8 % de la province contre 40,4 % pour les Han. À noter que le recensemen­t ne prend pas en compte les militaires présents dans la région. (© Shuttersto­ck/smiling_z)
Photo ci-dessus : Urumqi, capitale de la province autonome du Xinjiang, sous la neige. Selon le recensemen­t de 2010, les Ouïghours représenta­ient 45,8 % de la province contre 40,4 % pour les Han. À noter que le recensemen­t ne prend pas en compte les militaires présents dans la région. (© Shuttersto­ck/smiling_z)
 ??  ?? Photo ci-contre : Le 24 mai 2018, l’armée chinoise effectue des exercices dans le Nord-Ouest du Xinjiang. Alors que certains observateu­rs annoncent que la Chine négocierai­t avec l’Afghanista­n pour la constructi­on d’une base militaire près de leur frontière commune afin de contrer d’éventuelle­s incursions islamistes sur son sol, Xi Jinping a appelé le 10 mars dernier à élaborer des stratégies sur le long terme pour parvenir à une stabilité durable au Xinjiang. Cette région occupe en effet une position stratégiqu­e et constitue une importante « barrière de sécurité » dans le Nord-Ouest de la Chine. Le président chinois a également appelé à la constructi­on d’une « grande muraille de fer » pour « protéger le Xinjiang ». (© Xinhua/Zhang Yongjin)
Photo ci-contre : Le 24 mai 2018, l’armée chinoise effectue des exercices dans le Nord-Ouest du Xinjiang. Alors que certains observateu­rs annoncent que la Chine négocierai­t avec l’Afghanista­n pour la constructi­on d’une base militaire près de leur frontière commune afin de contrer d’éventuelle­s incursions islamistes sur son sol, Xi Jinping a appelé le 10 mars dernier à élaborer des stratégies sur le long terme pour parvenir à une stabilité durable au Xinjiang. Cette région occupe en effet une position stratégiqu­e et constitue une importante « barrière de sécurité » dans le Nord-Ouest de la Chine. Le président chinois a également appelé à la constructi­on d’une « grande muraille de fer » pour « protéger le Xinjiang ». (© Xinhua/Zhang Yongjin)
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Photo ci-dessous : Rassemblem­ent militaire contre le terrorisme dans les rues de la capitale du Xinjiang, le 27 février 2017. Le même jour, des militants ouïghours chinois de l’État islamique ont diffusé une vidéo dans laquelle ils jurent de « faire couler des rivières de sang » à leur retour au pays. (© AFP/STR)
 ??  ?? Photo ci-contre : Préparatio­n à la prière devant la mosquée Id Kah à Kashgar, dans la province du Xinjiang. Les autorités chinoises justifient la répression contre les Ouïghours qui pratiquent leur foi musulmane par les « trois maux » que sont « le séparatism­e ethnique, l’extrémisme religieux et le terrorisme violent ». En mars 2017, Chen Guoping, commissair­e d’État au contre-terrorisme et à la sécurité du Parti communiste chinois, déclarait, en incriminan­t directemen­t le Parti Islamique du Turkestan (PIT), que le séparatism­e islamiste constituai­t le défi « le plus important » pour la stabilité de la Chine. (© Shuttersto­ck/Pete Niesen)
Photo ci-contre : Préparatio­n à la prière devant la mosquée Id Kah à Kashgar, dans la province du Xinjiang. Les autorités chinoises justifient la répression contre les Ouïghours qui pratiquent leur foi musulmane par les « trois maux » que sont « le séparatism­e ethnique, l’extrémisme religieux et le terrorisme violent ». En mars 2017, Chen Guoping, commissair­e d’État au contre-terrorisme et à la sécurité du Parti communiste chinois, déclarait, en incriminan­t directemen­t le Parti Islamique du Turkestan (PIT), que le séparatism­e islamiste constituai­t le défi « le plus important » pour la stabilité de la Chine. (© Shuttersto­ck/Pete Niesen)

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