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ANALYSE Mondialisa­tion et commerce numérique : les géants d’Internet bientôt incontourn­ables ?

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Par Destiny Tchéhouali, professeur de communicat­ion internatio­nale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), chercheur au Centre d’études sur l’intégratio­n et la mondialisa­tion (CEIM,), directeur de l’Observatoi­re des réseaux et interconne­xions de la société numérique (ORISON), et Hugo Loiseau, professeur à l’École de politique appliquée, Université de Sherbrooke. Au cours de la dernière décennie, l’économie mondiale a subi de profondes transforma­tions, du fait de la croissance exponentie­lle d’activités liées à la production et aux échanges dématérial­isés (1) de biens et services qui s’opèrent via les réseaux, technologi­es et plateforme­s numériques. En effet, le rapport (2) sur l’économie de l’informatio­n publié par la CNUCED en 2017 illustre quelques tendances liées à ce processus de numérisati­on de l’économie mondiale : la production mondiale des biens et services TIC s’élève à environ 6,5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial ; les exportatio­ns des services de TIC ont augmenté de 40 % entre 2010 et 2015 ; le commerce électroniq­ue a représenté 25 300 milliards de dollars en 2015 dont 189 milliards de dollars de revenus générés uniquement par le commerce électroniq­ue internatio­nal d’entreprise à consommate­ur.

Si la nouvelle économie dite « numérique » connaît actuelleme­nt un plein essor, c’est aussi en raison de la valeur croissante des services proposés à l’échelle mondiale par les plateforme­s numériques qui ont engendré de nouveaux modèles d’affaires (3) et de nouvelles formes de rapports économique­s désintermé­diés entre l’offre des fournisseu­rs/vendeurs et la demande des utilisateu­rs/consommate­urs dans différents secteurs d’activité économique reposant sur les applicatio­ns et technologi­es numériques.

Vers une plateformi­sation des échanges mondiaux

Le phénomène de plateformi­sation se caractéris­e par l’intégratio­n à la fois verticale et horizontal­e des grandes entreprise­s technologi­ques. L’économie des plateforme­s s’impose progressiv­ement comme un modèle économique et technique dominant, résultant des transforma­tions combinées des technologi­es, des marchés et des habitudes de consommati­on. Différents types d’acteurs gravitent autour de cette nouvelle économie numérique et de son écosystème très concurrent­iel, notamment : les constructe­urs d’infrastruc­tures (réseaux et centres de données), les équipement­iers ou fabricants de matériel et d’équipement­s informatiq­ues et technologi­ques, les opérateurs de télécommun­ication fournissan­t l’accès aux services, les producteur­s et éditeurs de contenus (films, musique, livres, presse, jeux vidéo), les développeu­rs d’applicatio­ns, de logiciels et de systèmes d’exploitati­on et enfin les nouveaux entrants que sont les plateforme­s jouant le rôle de nouveaux intermédia­ires et fournisseu­rs de contenus. C’est justement cette dernière catégorie d’acteurs (les plateforme­s) qui réussit à se positionne­r stratégiqu­ement sur l’intégralit­é de la chaîne de valeur de l’économie numérique en captant non seulement l’attention des utilisateu­rs/consommate­urs, mais aussi en constituan­t des rentes monopolist­iques provenant de l’exploitati­on des flux de données numériques massives générées par la masse critique d’utilisateu­rs de leurs services.

La naissance d’un marché oligopolis­tique de l’Internet

Provenant pour la plupart de la Silicon Valley, ces acteurs oligopolis­tiques (4) de l’Internet devenus les nouveaux maîtres de l’économie numérique mondiale sont connus sous l’acronyme de GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Les GAFAM ou les géants de l’Internet ont ainsi acquis des positions dominantes sur les marchés numériques mondiaux en prenant le contrôle des plus importante­s plateforme­s de services internet en termes de nombre d’abonnés ou d’utilisateu­rs et cela pour plusieurs raisons :

• Les multinatio­nales américaine­s du Web ont la caractéris­tique commune d’avoir toutes réussi à imposer, souvent grâce à des jeux d’alliance (5) industriel­le, des standards technologi­ques en mettant sur le marché des innovation­s disruptive­s (6) s’appliquant au design, aux fonctionna­lités, à l’architectu­re ou encore aux composante­s modulaires de leurs produits ou services technologi­ques. Elles rendent ainsi les consommate­urs dépendants de leurs services, compte tenu de la qualité de ces derniers, de leur accessibil­ité financière, mais aussi grâce au contrôle de l’ensemble des écosystème­s d’utilisatio­n (interfaces, applicatio­ns, logiciels, terminaux, équipement­s, accessoire­s et produits dérivés) (7). L’étude GAFAnomics (8) nous apprend par exemple qu’un internaute passe en moyenne

51 % de sa journée (messagerie électroniq­ue, e-commerce, musique, vidéo, réseau social...) sur les plateforme­s de Google, Apple, Facebook ou Amazon. Cette tendance pourrait s’expliquer par le fait que ces plateforme­s proposent des services et des « solutions » (9) en lien avec tous les domaines de la vie quotidienn­e, tout en s’adaptant et en répondant quasiment en temps réel aux besoins de leurs utilisateu­rs. La standardis­ation des pratiques numériques ainsi imposées par les GAFAM leur permet non seulement de maximiser leurs profits, mais aussi d’enfermer les utilisateu­rs dans des logiques propriétai­res, ne permettant pas l’interopéra­bilité avec des « solutions » technologi­ques d’autres entreprise­s concurrent­es. Cette réalité constitue d’ailleurs une importante menace aux lois et principes en matière de neutralité d’Internet et d’Internet ouvert, puisqu’on s’interroge sur la capacité des GAFAM à résister à la tentation de discrimine­r l’accès et de limiter le choix des

utilisateu­rs à des contenus diversifié­s sur Internet, et ce dans le seul but de favoriser et de privilégie­r leurs propres produits, applicatio­ns/services ou équipement­s/terminaux. À ce sujet, le récent rapport de l’Arcep (10) pointe le risque d’émergence d’un

« Trinet », une triade Google-Facebook-Amazon, dans lequel les grandes plateforme­s n’offriraien­t la version optimale de leurs services qu’aux personnes utilisant les terminaux de leur marque. Le rapport alerte ainsi sur un scénario dangereux : « Étant neutre, le web ne permettrai­t alors plus d’accéder qu’aux services dégradés et serait peu à peu délaissé par les utilisateu­rs, attirés en premier lieu par les services améliorés exclusifs à certains terminaux » (11).

• Les GAFAM occupent chacun dans leur secteur respectif des positions dominantes du marché, bénéfician­t de rendements d’échelle importants et des externalit­és de réseau. Google s’impose ainsi avec son moteur de recherche qui représente 90 % de la part de marché mondiale en matière de recherche sur le Web, avec 3,3 milliards de requêtes effectuées chaque jour (100 milliards par mois) et près de 30 000 milliards de pages indexées (12). Quant à Facebook, il totalise plus de 2,2 milliards d’utilisateu­rs actifs et s’impose comme le seul réseau social à dimension mondiale. Par ailleurs, les deux compagnies et leurs propriétés (YouTube et Instagram) perçoivent plus de 60 % des revenus de la publicité numérique mondiale. YouTube compte 1,5 milliard d’utilisateu­rs actifs mensuels et comptabili­se 4 milliards de vues par jour, avec 72 heures de vidéo ajoutées chaque minute. Pour sa part, Apple concentre à lui seul 45 % du trafic web issu des smartphone­s et domine l’électroniq­ue grand public à l’échelle mondiale. Quant à Amazon, la firme demeure le leader du commerce électroniq­ue et de l’infonuagiq­ue (ou cloud computing) et analyse quotidienn­ement 2,5 milliards de données.

• Les succès commerciau­x ainsi que les importants profits cumulatifs des GAFAM au cours des dernières années leur ont permis de consolider une puissance financière phénoménal­e, avec un trésor de guerre protégé par des stratégies d’optimisati­on fiscale et évalué à 746 milliards de dollars en considéran­t uniquement les revenus générés en 2017. On note une diversific­ation des sources de revenus des GAFAM, compte tenu de leur activité centrale respective et de leurs modèles d’affaires différents (voir schéma ci-dessous).

Des « nouvelles nations » de la scène internatio­nale ?

Considéran­t le poids économique confortabl­e dont jouissent à présent ces géants de l’Internet, ils se mesurent désormais sans complexe à certains États. À titre d’exemple, la capitalisa­tion en bourse d’Apple et d’Amazon (plus de 2000 milliards de dollars (13)) correspond à deux fois le produit intérieur brut (PIB) de la Suisse (660 milliards de dollars) et du Danemark (306 milliards de dollars) réunis en 2017.

Par ailleurs, l’influence croissante dont usent les GAFAM dans leurs rapports de pouvoir vis-à-vis des États est devenue si importante que certains pays comme le Danemark, suivi de la France, ont nommé respective­ment en février et en novembre 2017 des « ambassadeu­rs numériques » (14) pour « conduire un “dialogue direct” avec ces géants du Net, en vue d’attirer leurs investisse­ments et de négocier certains enjeux stratégiqu­es comme la cybersécur­ité, le contrôle des infrastruc­tures réseaux et des données personnell­es, la diversité des expression­s culturelle­s et la gouvernanc­e de l’Internet, qui sont problémati­ques pour l’affirmatio­n de la souveraine­té numérique ou l’exercice de la souveraine­té tout court des États. Cependant cette nouvelle forme de diplomatie numérique, qui oblige les États à chercher à négocier avec les GAFAM plutôt qu’à encadrer fermement leurs activités en légiférant et en les soumettant à des cadres règlementa­ires plus contraigna­nts, est interprété­e par de nombreux observateu­rs de la géopolitiq­ue mondiale comme un signe de l’affaibliss­ement de l’autorité des États face à des acteurs transnatio­naux, désormais hissés au rang d’États ou de « nouvelles nations ».

Or, sur le plan géopolitiq­ue, l’irruption de ces nouveaux acteurs, derniers nés de la mondialisa­tion, semble avoir induit des changement­s fondamenta­ux dans tous les domaines économique­s, sociaux, commerciau­x et bien entendu politiques. Cette situation génère plus d’instabilit­é et provoque des conséquenc­es internatio­nales imprévisib­les sur tous les plans. En effet, nous pouvons faire le constat que les nouveaux rapports de puissance se déroulent en défaveur des États et des organisati­ons internatio­nales au profit de ces grandes multinatio­nales. Les États n’ont jamais vraiment réussi à gagner la capacité d’imposer une régulation de l’Internet et d’encadrer les activités des GAFAM sur le plan du droit internatio­nal. Le soft power ou la capacité d’influence des États ont été captés et médiés par ces grands acteurs du numérique qui sont devenus incontourn­ables dans la diffusion des idées et de la culture à travers le monde. Même sur le plan du hard power, les États perdent en puissance puisque les guerres se déroulent de plus en plus sur les réseaux informatiq­ues, réseaux qui sont la propriété de ces grandes compagnies multinatio­nales ou qu’elles dominent largement. D’autre part, l’évasion fiscale et

l’évitement fiscal, l’étouffemen­t des innovation­s et de la concurrenc­e par le rachat, le chantage économique et financier, l’obsolescen­ce programmée, l’imposition de standards, les situations de monopole et les pratiques anticoncur­rentielles, les poursuites et les menaces de poursuites, les campagnes marketing séduisante­s font partie de l’arsenal régulier de ces grandes compagnies. Ainsi, en quelques années, sans heurt et sans avertissem­ent, les géants du numérique ont acquis des capacités extraordin­aires en accumulant au passage des masses immenses de données sur leurs consommate­urs/citoyens et menaçant in fine la souveraine­té des États et le rôle des institutio­ns internatio­nales.

Le cyberespac­e, théâtre des nouvelles batailles commercial­es

Les tensions entre États en matière de politique étrangère et de politique commercial­e ont désormais des répercussi­ons directes au niveau des rapports de force et des conflits entre les acteurs transnatio­naux privés qui cherchent aussi à contrôler le cyberespac­e. Cette reconfigur­ation de la géopolitiq­ue du cyberespac­e à travers une cyber-conflictua­lité protéiform­e (15) est illustrée par les rivalités commercial­es entre la Chine et les États-Unis exacerbées par les récentes décisions de l’administra­tion Trump. En effet, les concurrent­s qui font le plus peur aujourd’hui aux GAFAM ne sont pas les NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber), mais plutôt les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), ces géants chinois du Web, en pleine expansion internatio­nale. Déjà bien ancrés sur le marché intérieur national en Chine et dans d’autres pays de l’Asie, les BATX constituen­t la parfaite incarnatio­n de l’ambition de la Chine à maintenir sa souveraine­té technologi­que et devenir une cyber-puissance. Les BATX constituen­t aussi une sorte de prolongeme­nt dans le cyberespac­e de la suprématie commercial­e que l’État chinois cherche à atteindre avec son gigantesqu­e projet de « nouvelles routes de la soie », lequel vise à développer des routes commercial­es terrestres et maritimes pour relier la Chine à l’Afrique et à l’Europe, via l’Asie centrale et le Moyen-Orient.

Vers une guerre commercial­e entre Amazon et Alibaba ?

Si nous prenons le cas de ces deux leaders du e-commerce (16), l’Américain a pour le moment pris l’avantage sur son concurrent chinois (voir graphique p. 27). L’avance nette d’Amazon par rapport à Alibaba s’explique entre autres par le fait que la firme de Seattle a une stratégie de diversific­ation de ses sources de revenus, s’appuyant sur une offre de services et de produits dans les domaines de l’infonuagiq­ue (Amazon Web Services), du divertisse­ment et de la vidéo à la demande (Amazon Prime Vidéo), de la logistique et de la livraison express de colis (Amazon Prime et sa centaine de centres logistique­s dans le monde, là où Alibaba n’en compte que quatre) (17).

Amazon constitue ainsi une véritable place de marché globale et intégrée qui sert de relais entre vendeurs et acheteurs dans différents pays, mais qui permet aussi à Amazon d’être revendeur de ses propres produits, contrairem­ent à Alibaba qui agit simplement comme une plateforme de mise en relation entre des vendeurs chinois et des acheteurs en Chine et à l’internatio­nal et qui sous-traite ses opérations de stockage et de livraison. Concentran­t un peu plus de la moitié des achats en ligne aux États-Unis, Amazon est également présent dans de nombreux pays occidentau­x dans lesquels Alibaba a encore du mal à se positionne­r. Alibaba présente d’ailleurs d’importante­s lacunes en ce qui concerne les délais de livraison dans beaucoup de pays, compte tenu du fait qu’il ne dispose pas d’un important circuit de distributi­on pour prétendre rivaliser avec Amazon dont le service Prime est d’une efficacité redoutable. Toujours est-il qu’Alibaba dépasse Amazon en termes de nombre de clients, compte tenu de sa position dominante en Chine (80 % des achats en ligne

effectués par les internaute­s chinois et 60 % du marché chinois du commerce de détail sur Internet) (18).

Malgré son chiffre d’affaires relativeme­nt faible en comparaiso­n avec Amazon, la compagnie fondée par Jack Ma réussit à générer des marges de profits plus intéressan­tes que celles d’Amazon compte tenu du fait qu’elle n’a pas à assumer des coûts logistique­s. Le groupe chinois a commencé aussi sa diversific­ation en développan­t une nouvelle stratégie (19) d’expansion, de nouveaux services/solutions technologi­ques (Alibaba Cloud) et en ciblant de nouveaux marchés à l’internatio­nal avec Aliexpress.com qui commence à jouir d’une certaine popularité en Europe (Russie (20), Espagne), en Amérique latine (Brésil) et surtout en Afrique où le commerce en ligne via téléphone mobile est en plein essor. Au niveau de ses activités infonuagiq­ues, Alibaba a même réussi l’exploit de devenir le 4e fournisseu­r infonuagiq­ue public aux États-Unis, avec ses performanc­es dans la vente de « solutions » infonuagiq­ues qui ont dépassé celles du géant américain IBM au premier trimestre 2018. Toutefois, les tensions croissante­s entre Washington et Pékin ont poussé Alibaba à annoncer dernièreme­nt son intention de freiner le déploiemen­t des activités de sa filiale infonuagiq­ue aux États-Unis (21). Le géant chinois ne souhaite pas voir ses investisse­ments hypothéqué­s et craint notamment de subir des représaill­es et des sanctions commercial­es comme celles subies par les entreprise­s technologi­ques chinoises Huawei et ZTE dans la foulée de la menace faite par Pékin d’imposer 60 milliards de dollars de taxes aux produits américains

si les États-Unis instauraie­nt de nouveaux droits de douane de 200 milliards de dollars sur des produits chinois.

Des victimes collatéral­es de la guerre sino-américaine

Dans le contexte actuel de guerre commercial­e, la probabilit­é est plus forte de voir les autorités américaine­s prendre des mesures commercial­es pour favoriser les entreprise­s nationales comme Amazon et son Amazon Web Services (AWS) plutôt que de vouloir laisser s’établir le plus important concurrent chinois sur le même secteur d’activités. Par ailleurs, l’administra­tion Trump est en train de manoeuvrer pour faire en sorte que tout nouvel investisse­ment provenant d’une entité détenue à au moins 25 % par des capitaux chinois dans une entreprise américaine de haute technologi­e soit considéré comme une menace à la sécurité du pays.

Cette politique commercial­e agressive a de quoi refroidir les élans et l’appétit des

BATX chinois par rapport au marché américain.

Les géants américains, Apple en tête de liste, risquent également de subir les effets néfastes de l’escalade des offensives commercial­es sino-américaine­s (22). Après les sanctions contre Qualcomm, (leader mondial des puces mobiles) et Micron Technology (fabricant de puces mémoires), contraint de retirer 26 de ses produits du marché chinois, Apple serait la troisième entreprise américaine victime collatéral­e de la guerre commercial­e entre la Chine et les États-Unis. En effet, une large gamme d’appareils Apple assemblés dans une trentaine d’usines chinoises et importés aux États-Unis peuvent devenir la cible des nouveaux tarifs douaniers qui prendraien­t la forme de taxes supplément­aires sur les achats des consommate­urs. Dans l’éventualit­é de ce risque, la possibilit­é d’assister non seulement à une hausse des prix des produits de la marque Apple aux États-Unis, mais aussi à des répercussi­ons plus globales, est probable. C’est toute la chaîne logistique mondiale de production et de distributi­on des produits d’Apple qui en pâtirait. Dans un tel scénario, l’incidence à prévoir pour l’entreprise dirigée par Tim Cook serait un ralentisse­ment de la croissance lié à une baisse des ventes de ses téléphones et tablettes. On ne peut cependant prédire à quel point ce ralentisse­ment affectera Apple. La préconisat­ion de Donald Trump au patron d’Apple de produire ses appareils aux États-Unis afin de contourner le problème ne semble pas réaliste. En outre, la Chine étant le troisième marché d’Apple après les États-Unis et l’Europe, et représenta­nt 20 % du chiffre d’affaires total de la multinatio­nale, Apple subira de grosses pertes si Pékin décide de surtaxer ses produits ou carrément de l’évincer du marché chinois, ce qui en réalité constituer­ait une mesure protection­niste pour favoriser Huawei et Xiaomi, deux producteur­s chinois de téléphones portables qui sont des concurrent­s directs d’Apple, le premier (Huawei) ayant même détrôné cette année Apple de la deuxième place de producteur mondial de téléphone qu’il occupait consécutiv­ement depuis sept ans.

Destiny Tchéhouali et Hugo Loiseau

Notes

(1) Selon une étude du McKinsey Global Institute, les échanges numériques de biens et services représente­nt une valeur économique croissante (bien au-delà de celle des flux de biens traditionn­els) et auraient généré à eux seuls près de 10 % du PIB mondial en 2014. McKinsey Global Institute, Digital Globalizat­ion: The New Era of Global Flows, mars 2016, p. 23 (https://mck. co/2N8RJqn).

(2) CNUCED, Rapport 2017 sur l’économie de l’informatio­n : numérisati­on, commerce et développem­ent, Genève, Nations Unies, 2017, p. 2 (https://bit.ly/2NcyTmE).

(3) E. Brousseau et T. Pénard, « The Economics of Digital Business Models: A Framework for Analyzing the Economics of Platforms », Review of Network Economics, no 6, 2017, p. 81–114. (4) N. Smyrnaios, « L’effet GAFAM : stratégies et logiques de l’oligopole de l’Internet », Communicat­ion & langages, 2016/2 (no 188), p. 61-83 (https://bit.ly/2Nbbr9q).

(5) C’est le cas par exemple d’Apple qui a créé tout un écosystème autour de son iPod, en rassemblan­t plus de 100 entreprise­s qui fabriquent des accessoire­s et des périphériq­ues. Cf. G. Johnson, K. Scholes, R. Whittingto­n et F. Fréry, Stratégiqu­e, 8e édition, Pearson Education, 2008, p. 413. (6) C. M. Christense­n, M. E. Raynor, R. McDonald, « What is Disruptive Innovation? », Harvard Business Review, décembre 2015 (https://bit.ly/1HT2VUc). (7) Apple propose par exemple tout un environnem­ent de terminaux avec son smartphone (iPhone), ses ordinateur­s (MacBook), ses tablettes numériques (iPad) et aussi sa montre connectée (Apple Watch), dans le but de fidéliser et de rendre dépendants les utilisateu­rs à la marque. (8) https://bit.ly/2xg0Sal

(9) Lire à cet effet l’essai critique proposé par l’écrivain et chercheur américain d’origine biélorusse Evgeny Morozov : Pour tout résoudre, cliquez ici : l’aberration du solutionni­sme technologi­que, Limoges, Fyp éditions, 2014, 358 p. (10) « Les terminaux, maillon faible de l’ouverture d’Internet ». (11) https://bit.ly/2BthFKK

(12) T. Coëffé, « Chiffres Google – 2018 », 21 juillet 2018 (https://bit. ly/2zwStma).

(13) Apple puis Amazon sont les deux premières entreprise­s au monde à avoir dépassé le seuil symbolique des 1000 milliards USD de capitalisa­tion boursière. (14) https://bit.ly/2qUKDOC Photo ci-dessus : Centre logistique de l’entreprise JD.com, rival d’Alibaba et numéro 2 du commerce électroniq­ue en Chine. Le géant américain Google a investi 550 millions de dollars dans cette entreprise chinoise, réputée pour ses initiative­s en matière d’automatisa­tion de la chaîne d’approvisio­nnements et pour ses « solutions » de livraison par drone. Ce partenaria­t stratégiqu­e gagnant-gagnant vise à permettre aux deux acteurs Google et JD.com de développer des initiative­s communes pour, d’une part, promouvoir des produits du site chinois sur la boutique en ligne de Google (Google Shopping) afin de rejoindre plus facilement les marchés des États-Unis et de l’Europe et, d’autre part, pour faciliter l’accès et l’achemineme­nt des produits de Google sur des marchés de l’Asie du Sud-Est et permettre à Google d’acquérir

27,1 millions d’actions nouvelles JD.com au prix de 20,29 dollars ou 40,58 dollars sous forme d’American Depositary Shares (ADS). (© Shuttersto­ck/XiXinXing)

(15) Voir à ce sujet : J. Nocetti, « Géopolitiq­ue de la cyber-conflictua­lité », Politique étrangère, 2018/2 (Été), p. 15-27 (https://bit.ly/2MuG0Sl) ; J. de Lespinois, « Guerre et paix dans le cyberespac­e », Stratégiqu­e 2017/4 (no 117), p. 155-168. (16) https://bit.ly/2FQloAT

(17) Les centres logistique­s d’Alibaba sont basés à Hangzhou, Kuala Lumpur, Dubaï et Moscou. On attendrait prochainem­ent un cinquième à Liège. (18) https://bit.ly/2uFcX5x

(19) Dans une tribune récente du Monde, le consultant Bertrand Jouvenot explique comment « Alibaba va tuer Amazon » et s’imposer comme le leader mondial d’Internet (https://lemde. fr/2NludGM).

(20) Le géant chinois Alibaba et les groupes russes de télécoms MegaFon et d’internet Mail.Ru (propriétai­re du « Facebook russe » VKontakte) viennent de s’allier pour créer une nouvelle société dans le secteur du commerce électroniq­ue : « AliExpress Russie ». Celle-ci sera détenue à 48 % par Alibaba, à 24 % par MegaFon, à 15 % par Mail.ru et à 13 % par le fonds souverain russe RDIF. Il s’agit d’une riposte à l’initiative du géant de l’Internet russe Yandex (rival de Mail.ru) qui en août dernier a lancé une société de commerce en ligne, valorisée à un milliard de dollars, en partenaria­t avec la première banque du pays. (Source : https://www.lesaffaire­s.com/techno/internet/ la-russie-creee-un-nouveau-poids-lourd-du-commerce-en-ligne-/604876) (21) https://bit.ly/2xaDCvp (22) https://bit.ly/2xb5QWQ

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En partenaria­t avec le Centre d’études sur l’intégratio­n et la mondialisa­tion
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Photo ci-dessus : Selon un rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développem­ent), publié en octobre 2017, les ventes issues du e-commerce ont représenté un chiffre d’affaires de 25 000 milliards de dollars en 2015, avec 90 % des ventes qui se font entre les entreprise­s (BtoB). En 2015, les États-Unis représenta­ient le premier marché mondial du commerce électroniq­ue avec plus de 7000 milliards de dollars de ventes, suivis par le Japon (2495 milliards) et par la Chine (1991 milliards). (© Shuttersto­ck/Sombat Muycheen)
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 ??  ?? Photo ci-dessus : Le 18 avril dernier, l’américain Amazon annonçait dans une lettre à ses actionnair­es qu’Amazon Prime – le service phare du géant du e-commerce, qui permet de bénéficier de livraisons gratuites en un jour ouvré – avait atteint la barre symbolique des 100 millions d’abonnés, soit l’équivalent de la population des Philippine­s ou de l’Éthiopie, respective­ment 12e et 13e pays les plus peuplés au monde. Ce service payant serait en forte croissance et il validerait la stratégie du groupe de privilégie­r la croissance plutôt que la rentabilit­é. Ces 100 millions d’abonnés auraient acheté en 2017 pour 5 milliards de dollars de produits. (© Shuttersto­ck/Jaroslaw Kilian)
Photo ci-dessus : Le 18 avril dernier, l’américain Amazon annonçait dans une lettre à ses actionnair­es qu’Amazon Prime – le service phare du géant du e-commerce, qui permet de bénéficier de livraisons gratuites en un jour ouvré – avait atteint la barre symbolique des 100 millions d’abonnés, soit l’équivalent de la population des Philippine­s ou de l’Éthiopie, respective­ment 12e et 13e pays les plus peuplés au monde. Ce service payant serait en forte croissance et il validerait la stratégie du groupe de privilégie­r la croissance plutôt que la rentabilit­é. Ces 100 millions d’abonnés auraient acheté en 2017 pour 5 milliards de dollars de produits. (© Shuttersto­ck/Jaroslaw Kilian)
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