Les Grands Dossiers de Diplomatie
Quel avenir pour le traité transatlantique ?
Le partenariat transatlantique (TTIP/ TAFTA) a été annoncé comme « mort et enterré » par certains. Pourtant, cet été, il semble avoir été remis au goût du jour à la suite de la rencontre entre le président américain Donald Trump et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Un accord commercial – qui n’a pas été possible hier avec Barack Obama – est-il envisageable aujourd’hui entre l’UE et l’administration Trump ?
J.-B. Velut : Je suis très sceptique sur les perspectives d’un accord transatlantique. Il a en effet été « ressuscité » cet été, de manière assez fortuite, dans un contexte de fortes tensions commerciales entre les États-Unis et l’Europe. Étant donné les difficultés qu’ont eues l’Union européenne et les États-Unis depuis les années 1990 à mener des négociations aussi complexes, il me paraît difficile d’espérer voir aboutir un accord sous l’administration Trump.
Concrètement, où en est ce projet d’accord transatlantique aujourd’hui ?
Le dialogue a été relancé cet été, comme vous l’avez dit, et il y a eu une rencontre lundi 10 septembre entre le Représentant au Commerce Robert Lighthizer et la Commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström. Mais il y a déjà des dissensions sur le contenu des négociations, sur le mandat, sur l’échéance du mandat de négociation, etc.
Les États-Unis tiennent à inclure le volet agricole au sein de ces négociations, mais c’est un véritable tabou en Europe, notamment en raison de toutes les questions phytosanitaires qui ont déjà entravé les négociations du TTIP (OGM, boeufs aux hormones, poulets au chlore…).
Il y a aussi d’autres questions qui n’ont pas été résolues la dernière fois, par exemple celle des marchés publics. En effet, face à un président qui se fait le porte-drapeau de l’« America First », et qui met en avant le « Buy American », il est difficile d’imaginer qu’il puisse ouvrir les marchés publics américains à l’Europe. En d’autres termes, si accord il devait y avoir, ce ne serait pas avant longtemps… On voit d’ailleurs que le traité négocié entre les Européens et le Canada (le CETA) n’a pour le moment été validé que par 9 des 27 pays de l’UE.
Même s’il y a un début de dialogue, encore une fois, il me paraît très complexe de parvenir à un accord avec une administration américaine qui n’arrive pas à définir ses propres priorités, comme on peut le voir sur l’ALÉNA. Ce traité était au centre de la campagne électorale de Donald Trump, qui voulait absolument renégocier ou abandonner ce qu’il définissait comme « le pire accord jamais conclu ». Mais on peut observer aujourd’hui que cela a pris beaucoup de temps de définir une ligne de négociation, qu’il y a eu beaucoup de revirements, et que les négociations sont en train d’accoucher d’un accord qui n’est pas fondamentalement différent du précédent. Ce nouveau traité – qui pour le moment n’a que l’accord du Mexique – est loin de résoudre les promesses tenues par Donald Trump vis-à-vis de la classe ouvrière américaine.
Personnellement, je pense que le successeur de Donald Trump, que ce soit dans 2 ans ou dans 6 ans – s’il n’y a pas de destitution d’ici là –, fera tout pour se distancier de son prédécesseur en renouant avec les Occidentaux et avec le système multilatéral.
Entretien réalisé par Thomas Delage le 7 septembre 2018
Photo ci-dessous : Manifestation organisée devant la Commission européenne à Bruxelles pour protester contre le projet d’accord commercial transatlantique, entre l’Union européenne et les États-Unis. Également appelé TTIP ou TAFTA, cet accord, dont les négociations ont démarré en 2013, a suscité une vague de protestations grandissante dans l’opinion publique européenne en raison notamment du manque de transparence des négociations et du fait que ce traité était jugé trop déséquilibré en faveur des intérêts américains. (© Jess Hurd/NoTTIP)