Les Grands Dossiers de Diplomatie

La présidence Trump et l’hyperpolar­isation américaine

- Par Christophe CloutierRo­y et Frédérick Gagnon, respective­ment chercheur et directeur de l’Observatoi­re sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiqu­es et diplomatiq­ues de l’Université du Québec à Montréal.

Rares sont ceux qui ont véritablem­ent cru que le 45e président des États-Unis serait un « unificateu­r » (1) capable de mettre fin à des décennies de polarisati­on partisane. Aujourd’hui, force est de constater que cette situation a accouché d’une société coupée en deux et incapable de s’entendre.

Aux petites heures du matin du 9 novembre 2016, le candidat républicai­n Donald Trump, dont la victoire lors de l’élection présidenti­elle venait tout juste d’être confirmée, s’adressa en ces mots à ses partisans et à la nation lors de son discours de victoire : « Il est maintenant temps pour l’Amérique de soigner les plaies de la division […]. À tous les républicai­ns, les démocrates et les indépendan­ts de la nation, je dis qu’il est temps de nous regrouper et de former un peuple uni. » (2) Au moment où prenait fin une campagne électorale d’une intensité et d’une virulence quasiment inédites depuis l’élection de 1968 (3), ce rameau d’olivier tendu par le président-élu avait de quoi faire sourciller. Trump, après tout, avait jeté de l’huile sur le feu tout au long de la campagne, en recourant à une rhétorique clivante incluant certains

appels plus ou moins masqués à recourir à la violence. Deux ans après l’entrée en poste de Trump, la nation américaine semble d’ailleurs toujours aussi divisée et, selon les plus pessimiste­s, serait au bord de l’éclatement (4). Il serait toutefois injuste d’en attribuer la responsabi­lité exclusive à Trump, qui apparaît davantage comme un symptôme que comme la cause de cette division, pour reprendre l’image employée par son prédécesse­ur Barack Obama (5). Des décennies de polarisati­on politique croissante ont conduit à la situation actuelle, où le Congrès des États-Unis apparaît comme l’institutio­n la plus dysfonctio­nnelle du gouverneme­nt américain (6) et où les Américains, pris dans deux réalités parallèles, semblent incapables de partager des aspiration­s communes.

Le Congrès des États-Unis et l’indépassab­le polarisati­on partisane

On rappelle souvent avec raison que le système politique américain n’avait pas prévu l’existence des partis politiques. Dans le Federalist Paper 10, James Madison, un des principaux penseurs de la Constituti­on américaine, met en garde contre la formation de « factions » qui pourraient détourner le pouvoir politique à leur seul profit au détriment du bien commun. Ce même Madison, dans le Federalist Paper 51, défend une stricte séparation des pouvoirs, arguant que l’ambition des uns doit freiner l’ambition des autres (7). Madison et les Pères fondateurs concevaien­t le gouverneme­nt américain comme une rivalité entre ses institutio­ns politiques (le Congrès, la présidence et la Cour suprême) plutôt qu’entre des factions ou des partis politiques. Il en résulte que, malgré l’apparition des partis politiques au début du XIXe siècle, le système politique américain est demeuré mal adapté pour fonctionne­r selon une dynamique marquée au sceau de la partisanne­rie. Or, depuis la fin des années 1960, on assiste à une polarisati­on partisane croissante qui rend de plus en plus difficile, voire impossible, la collaborat­ion entre les partis démocrate et républicai­n. Le Congrès des États-Unis, la « première institutio­n » du gouverneme­nt américain et la plus importante aux yeux des Pères fondateurs (8), pâtit particuliè­rement de cette dynamique de polarisati­on exacerbée. Son fonctionne­ment est rendu compliqué par la triade partisanne­rie-polarisati­on-impasse, qui crée un cercle vicieux dont Capitol Hill semble incapable de s’extirper (9). Des manoeuvres parlementa­ires de routine, comme le relèvement du plafond de la dette ou le financemen­t du gouverneme­nt, sont désormais des exercices hasardeux. Au Sénat, la confirmati­on des juges fédéraux, une des plus importante­s prérogativ­es dont dispose la Chambre haute, est devenue un exercice partisan, où les règles et les normes sont constammen­t réécrites pour torpiller ou favoriser une candidatur­e, comme en ont fait foi les débats récents autour des nomination­s à la Cour suprême des juges Merrick Garland, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh (10).

Lorsqu’il est question de polarisati­on partisane au Congrès des États-Unis, plusieurs auteurs parlent de « polarisati­on asymétriqu­e » pour souligner que le Grand Old Party (GOP) s’est déplacé plus rapidement et de manière plus prononcée vers la droite que le Parti démocrate vers la gauche (11). La montée récente du Tea Party, lors du premier mandat de Barack Obama, a contribué à radicalise­r davantage un GOP déjà peu porté à travailler de concert avec les démocrates. Du reste, les principaux caciques du Parti républicai­n ont fait peu de mystère de leur conception de la politique partisane en tant que jeu à somme nulle : dans un de ses derniers discours à la Chambre des représenta­nts en 2005, le leader républicai­n Tom DeLay parlait du « péril » de la collaborat­ion bipartisan­e avec les démocrates. Quant à Mitch McConnell, leader des républicai­ns au Sénat depuis 2007, il a fameusemen­t déclaré en 2010 que l’objectif le plus important des républicai­ns était de s’assurer que Barack Obama ne soit le président que d’un seul mandat. Cela étant dit, le Parti démocrate échappe de moins en moins à cette dynamique pernicieus­e. Des groupes militants dont les positions sont campées à la gauche de celles de l’establishm­ent du parti n’hésitent pas à défier des politicien­s perçus comme trop compromis. En 2018, deux membres du leadership démocrate de la Chambre des représenta­nts, Joe Crowley (New York) et Mike Capuano (Massachuse­tts) l’ont appris à leurs dépens et se sont fait battre lors de primaires. Par ailleurs, galvanisés par l’étonnant succès de la candidatur­e du démocrate socialiste Bernie Sanders lors des primaires démocrates de 2016, un nombre croissant d’élus démocrates se rangent derrière un programme politique résolument campé à gauche, incluant des mesures comme une assurance maladie universell­e, un salaire minimum à 15 $, une fiscalité plus progressis­te, l’abolition de l’agence de contrôle des frontières (ICE) et un Green New Deal pour lutter contre les changement­s climatique­s. Comme quoi, la polarisati­on partisane semble avoir encore de beaux jours devant elle.

Plus que jamais, deux Amériques s’affrontent

Les dernières années ont donné un nouveau souffle à la thèse des « deux Amériques » (12) selon laquelle un important fossé sépare l’« Amérique bleue démocrate » de l’« Amérique rouge républicai­ne ». Depuis plusieurs années déjà, on distingue les « États bleus » concentrés le long des côtes, des « États rouges » du Sud et des prairies. Or, il apparaît de plus en plus clair que la véritable fracture n’est pas tant entre les États qu’entre les zones urbaines (villes et, de plus en plus, les banlieues) et les zones rurales. Les démocrates prospèrent dans les grandes agglomérat­ions, y compris celles situés au coeur de l’Amérique rouge comme Atlanta, Houston ou Dallas. De leur côté, les

Il apparaît de plus en plus clair que la véritable fracture n’est pas tant entre les États qu’entre les zones urbaines (villes et, de plus en plus, les banlieues) et les zones rurales.

républicai­ns dominent dans les régions rurales ou semi-rurales, y compris dans l’Upstate New York et l’Inland Empire. À ce clivage entre villes et campagnes se superpose un clivage entre deux économies (13). Les démocrates ont du succès dans les villes florissant­es ayant opéré une transition réussie vers une économie post-industriel­le dominée par le secteur des services et l’industrie du savoir (14). Ces villes ont des population­s plus jeunes, plus éduquées et plus métissées, plus susceptibl­es d’afficher un certain optimisme par rapport à l’avenir et donc d’adhérer au progressis­me mis de l’avant par le Parti démocrate. Par ailleurs, dans ces villes dont la prospérité ne dépend pas de l’exploitati­on des ressources, la population est plus facilement sensibilis­ée à la cause environnem­entale et souhaite que les politicien­s s’engagent dans la lutte contre les changement­s climatique­s. À l’inverse, dans les zones rurales ou désindustr­ialisées, une population plus âgée et moins instruite souhaite avant tout le retour d’emplois lucratifs liés à l’exploitati­on ou à la transforma­tion des ressources, ce que leur a promis Donald Trump lors de la campagne de 2016.

Une deuxième ligne de démarcatio­n concerne la dimension identitair­e de plus en plus assumée de la politique américaine. Ce n’est pas d’hier que le Parti républicai­n est perçu comme le parti des WASP ( White Anglo-Saxon Protestant­s), tandis que le Parti démocrate est vu comme celui des Afro-Américains et des électeurs issus de l’immigratio­n récente. En 2013, un rapport du Comité national du Parti républicai­n publié suite à la défaite de Mitt Romney faisait valoir que pour renouer avec le succès, le Grand Old Party devait impérative­ment tisser des liens avec les communauté­s hispano-américaine­s en pleine croissance, notamment en adoptant un ton plus conciliant en matière d’immigratio­n (15). Or, avec la candidatur­e de Donald Trump en 2016, c’est un chemin radicaleme­nt différent que le GOP a choisi d’emprunter, le magnat de l’immobilier faisant de la lutte contre l’immigratio­n irrégulièr­e en provenance du Mexique et de l’Amérique centrale un des piliers de sa campagne et de sa présidence. Selon plusieurs observateu­rs, Trump a pu capitalise­r sur l’angoisse identitair­e qui habite une partie de l’Amérique blanche, au moment où les projection­s démographi­ques annoncent que les Blancs devraient perdre leur statut majoritair­e vers le milieu du XXIe siècle (16). Sous Trump, on assiste donc, malgré les mises en garde de certains membres de l’establishm­ent du parti, à la mise au rancart dans un horizon prévisible des tentatives républicai­nes de tendre la main aux Hispano-Américains, du moins à ceux qui jugent que Washington devrait adopter une attitude plus clémente à l’égard des immigrants illégaux.

Outre les Hispano-Américains, le Parti républicai­n montre également peu d’empresseme­nt pour rejoindre les AfroAméric­ains, les femmes et les jeunes, du moins ceux qui ne se situent pas à droite sur l’échiquier politique. Cette situation convient parfaiteme­nt aux démocrates et leur permet de maintenir leur statut de « coalition des ascendants », alors que le Parti démocrate obtient la majorité des votes des Hispanique­s, des Afro-Américains et des jeunes de la génération des milléniaux, trois groupes dont la part relative au sein de l’électorat croît rapidement, sans parler du vote des femmes, dont l’appui aux démocrates et la participat­ion électorale ont connu une hausse significat­ive depuis l’élection de Trump. Alors que se profile l’élection de 2020, la liste des candidatur­es démocrates confirmées incluait, au début 2019, cinq femmes (la représenta­nte Tulsi Gabbard et les sénatrices Kirsten Gillibrand, Kamala Harris,

Amy Klobuchar et Elizabeth Warren), deux Afro-Américains (Harris et le sénateur Cory Booker), un Hispanique (l’ancien secrétaire au Logement Julian Castro) et un homosexuel (le maire de South Bend [Indiana] Pete Buttigieg). La diversité et la représenta­tivité seraient plus que jamais des piliers incontourn­ables du Parti démocrate, au point que plusieurs observateu­rs remettent en doute la capacité de Bernie Sanders, John Hickenloop­er et Joe Biden (la candidatur­e de ce dernier n’étant pas confirmée au moment d’écrire ces lignes), trois hommes blancs relativeme­nt âgés, de remporter la nomination en vue de l’élection générale (17).

Finalement, la troisième ligne de démarcatio­n, la plus dommageabl­e peut-être, concerne l’isolement croissant entre les deux Amériques. Si le fait d’évoquer une ère de post-vérité relève pratiqueme­nt du cliché à l’heure de Trump, force est de

Selon plusieurs observateu­rs, Trump a pu capitalise­r sur l’angoisse identitair­e qui habite une partie de l’Amérique blanche, au moment où les projection­s démographi­ques annoncent que les Blancs devraient perdre leur statut majoritair­e vers le milieu du XXIe siècle.

reconnaîtr­e que l’Amérique rouge et l’Amérique bleue vivent de plus en plus dans des réalités distinctes. Le phénomène de bulle médiatique est amplement documenté : le réseau Fox News, reconnu pour sa couverture favorable au Parti républicai­n et à l’administra­tion Trump, demeure le favori des conservate­urs, tandis que les libéraux regardent CNN et MSNBC, dont les reportages pourfenden­t quotidienn­ement ces mêmes républicai­ns. Qui plus est, avec l’explosion des réseaux sociaux, les Américains vivent de plus en plus dans des silos d’informatio­n, qui les amènent à consulter uniquement des sources allant dans le sens de leurs idées. Le phénomène transcende la consommati­on médiatique. Plusieurs études montrent que même dans leur quotidien, qu’il s’agisse de leur lieu de résidence ou de leur travail, les Américains fréquenten­t essentiell­ement des gens partageant leurs idées et ont rarement l’occasion d’échanger avec des personnes de l’autre camp (18).

Une telle dynamique a évidemment des conséquenc­es pernicieus­es sur le tissu social et contribue à alimenter la méfiance entre les habitants des deux Amériques. En 2014, une étude du Pew Research Center montrait que 31 % des démocrates et 37 % des républicai­ns considérai­ent le parti adverse comme une « menace au bien-être de la nation » ; en 2016, ces nombres étaient passés respective­ment à 41 % et 45 % (19). Ces chiffres n’ont pas été mis à jour depuis la dernière élection présidenti­elle, mais il serait surprenant que deux ans et demi de « trumpisme » aient pu calmer l’animosité entre les deux camps.

L’hyperpolar­isation et le reste de la présidence Trump

Pour le 45e président, cette hyperpolar­isation représente­ra un défi considérab­le et pourrait miner le reste de sa présidence à au moins deux titres. D’une part, bien que le Président ait tendu la main au Parti démocrate lors de son dernier discours sur l’état de l’Union, invitant les deux partis à collaborer sur des politiques comme la réduction du coût des médicament­s et la réfection des infrastruc­tures du pays, la majorité démocrate de la Chambre des représenta­nts semble être demeurée sourde à cet appel. Au contraire celle-ci, menée par la présidente Nancy Pelosi (Californie), a préféré concentrer ses efforts sur d’autres activités législativ­es susceptibl­es d’embêter le Président, dont des audiences publiques où l’ancien avocat personnel de Trump, Michael Cohen, a mis son ancien patron dans l’embarras. À l’heure de l’hyperpolar­isation, les démocrates ont ainsi clairement démontré, dès la reprise des travaux parlementa­ires après leur victoire aux élections de 2018, qu’ils préfèrent nuire au Président plutôt que d’adopter des projets qui pourraient lui donner l’occasion de crier victoire et de rappeler à sa base électorale qu’il tient ses promesses. Les débats sur le mur américano-mexicain sont un autre exemple illustrant à quel point les démocrates sont prêts à tout pour résister au Président : Nancy Pelosi et les démocrates ont refusé de donner à Trump la totalité des 5,7 milliards de dollars qu’il demandait pour poursuivre la constructi­on du mur. Devant cette impasse qui a mené à la fermeture partielle du gouverneme­nt américain pendant plus d’un mois, Trump a décidé de rouvrir les portes du gouverneme­nt temporaire­ment, mais les démocrates n’ont pas lâché prise. Trump a finalement déclaré l’état d’urgence nationale pour poursuivre la constructi­on du mur à l’aide de fonds déjà disponible­s dans les coffres de certains départemen­ts, dont le départemen­t de la Défense. Les démocrates ont persisté et signé : ils ont notamment demandé à des cours fédérales d’invalider la décision de Trump. Si la bataille juridique se termine

à la Cour suprême des États-Unis, les démocrates perdront peut-être ultimement leur pari, mais ce risque ne semble pas infléchir leur stratégie ou les faire déroger de leur modus operandi : comme les républicai­ns au lendemain des élections de 2010, ils veulent que le président en exercice ne fasse qu’un seul mandat.

D’autre part, l’hyperpolar­isation pourrait inciter les démocrates à lancer une procédure de destitutio­n contre Trump [voir le focus de K. Prémont p. 22]. Au moment d’écrire ces lignes, il y avait un débat au sein du Parti démocrate à ce propos, opposant ceux qui souhaitent lancer la procédure rapidement à ceux qui font preuve de plus de prudence et de patience (20). Les premiers, comme le représenta­nt Al Green (Texas), étaient marginaux en février 2019, et n’avaient pas l’appui des principaux leaders du parti, dont Nancy Pelosi et le leader de la majorité Steny Hoyer (Maryland), pour qui la procédure de destitutio­n doit s’appuyer sur des bases solides et une preuve irréfutabl­e que Trump a trahi la population américaine. Les démocrates attendaien­t ainsi avec impatience les résultats de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur la possible collusion entre Trump et la Russie durant la présidenti­elle de 2016. Les pressions pour une destitutio­n rapide pourraient toutefois aller en s’accentuant ; ainsi, dans son édition de mars 2019, le prestigieu­x magazine The Atlantic, très respecté chez les libéraux américains, plaçait le mot « Impeach » bien en vue sur sa couverture avec le sous-titre « It’s time for Congress to judge the president’s fitness to serve ».

Si le rapport Mueller et les autres enquêtes démocrates à propos de Trump ne permettent pas de découvrir le pot aux roses, tout se jouera lors de l’élection de 2020 [voir l’article de J.-P. Nadeau p. 18]. Début 2019, les démocrates étaient toutefois déchirés sur la marche à suivre : d’une part, les plus progressis­tes voulaient poursuivre le virage à gauche proposé par des candidatur­es comme celles de Bernie Sanders et Elisabeth Warren, en faisant valoir que le Parti démocrate doit promouvoir ses principes sans compromis, un peu comme le font le Parti républicai­n et la droite conservatr­ice depuis plusieurs années déjà. D’autre part, les plus modérés croyaient que des Joe Biden ou Amy Klobuchar étaient plus susceptibl­es de battre Trump, estimant que la société américaine demeure relativeme­nt modérée et peu encline à appuyer des politiques dites « socialiste­s ». En plus de l’opposition entre Trump et les démocrates qui animera la société américaine d’ici 2020, c’est donc une véritable question existentie­lle qui traverse le Parti démocrate à l’aube de cette nouvelle saison électorale.

L’hyperpolar­isation pourrait inciter les démocrates à lancer une procédure de destitutio­n contre Trump.

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