Les Grands Dossiers de Diplomatie
Mesurer le commerce illicite des armes légères : une tâche complexe
Les méthodes utilisées pour estimer l’ampleur du trafic d’armes légères sont multiples, mais les experts ne s’accordent pas sur leur validité.
Généralement, on estime la taille du marché illégal à partir de celle du marché légal, en se basant sur la proportion des armes illégales saisies (armes volées, détenues sans permis, provenant de pays voisins, etc.). Cette approche pose toutefois problème : les armes saisies ne sont pas représentatives des stocks d’armes illicites, et la proportion ainsi calculée n’est qu’une approximation. De plus, il n’existe pas d’approche systématique de l’évaluation de la proportion des armes illicites saisies. Selon les modèles les plus fiables, le rapport armes illicites/armes licites serait compris dans une fourchette allant de 1 à 8 %. Sachant que la valeur des transferts légaux d’armes légères est estimée à 5,7 milliards de dollars US par an (1), celle du marché illicite des armes oscillerait entre 57 et 456 millions de dollars US. Les méthodes d’estimation fondées sur ce principe général ne prennent pas en compte certains des aspects les plus importants du trafic d’armes légères : la nature des armes, l’évolution qualitative du matériel en circulation ou encore la provenance et la destination des flux illicites.
En adoptant des approches plus qualitatives — études de terrain, entretiens avec des informateurs confidentiels, etc. —, il est possible de mieux appréhender ce phénomène ainsi que les dynamiques propres à un moment ou à un lieu spécifique. Ces méthodes ne visent pas à la production d’estimations spectaculaires, mais à celle d’analyses détaillées des dynamiques complexes qui soustendent le trafic et des liens que ses acteurs entretiennent avec la criminalité organisée et les groupes armés non étatiques. M. N. (1) Paul Holtom et Irene Pavesi, « Trade Update 2018: Sub-Saharan Africa in Focus », décembre 2018.