Les Grands Dossiers de Diplomatie
Vénézuéla : une crise internationale en trompe-l’oeil ?
Par Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine (Fondation Jean Jaurès).
Le Vénézuéla a occupé une place majeure, dans les agendas prioritaires de la « Communauté internationale » et les manchettes de la « grande » presse, pendant quelques mois. Au même titre que l’Afghanistan, la Syrie, le Yémen, il a figuré dans la liste réduite des crises affectant — ou de nature à perturber — la paix et les équilibres internationaux et régionaux. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, alors que l’Afghanistan, la Syrie, le Yémen, ont gardé cette position, rejoints par le Chili, l’Équateur et l’Irak. Quel est donc le sens de cet effacement ? Et quel était par voie de conséquence celui de la présence du Vénézuéla dans le panier des pays à haut risque, il y a encore quelques mois ?
Une mobilisation diplomatique de crise
La Communauté internationale s’est en effet saisie de façon régulière et pressante de la « question » vénézuélienne : G7, OEA, (Organisation des États américains), ONU, UE, (Union européenne), ont eu à un moment ou à un autre, pendant des mois, la question vénézuélienne à leur ordre du jour. Elle a pu, comme toutes les crises majeures, générer des instruments diplomatiques particuliers : • Donald Trump, peu de temps après son entrée en fonction, a nommé un ambassadeur spécial chargé du Vénézuéla, Elliott Abrams.
• Le Groupe de Lima, rassemblant initialement onze pays latino-américains (1) et le Canada, a été spécialement mis en place le 8 août 2017 pour traiter de cette crise et définir une stratégie de pressions et sanctions afin de forcer le président Nicolas Maduro à quitter le pouvoir.
• Deux réunions consacrées au Vénézuéla se sont spécialement tenues à Montevideo, capitale de l’Uruguay, les 7 et 8 février 2019.
• Un Groupe de contact international a été mis en place avec la Bolivie, le Costa-Rica, l’Équateur, l’Uruguay, le Panama (depuis juillet), l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et l’Union européenne, pour créer les conditions d’une alternance à Caracas.
• Un Mécanisme dit « de Montevideo » a privilégié la création d’un dialogue entre parties à l’initiative du Mexique, de l’Uruguay et des pays du Caricom. • Le Vénézuéla a reçu le soutien de 105 pays membres de l’ONU, qui l’ont élu au Conseil des droits de l’homme le 17 octobre 2019, ainsi que celui du Mouvement des non alignés, de la Chine, de la Russie, de la Turquie, et en Amérique latine de la Bolivie, de Cuba et du Nicaragua. Il a bénéficié des bons offices du Secrétaire général de l’ONU, du Mexique, de l’Uruguay, de la République dominicaine et de la Norvège. En parallèle, le Vénézuéla a été la cible de nombreuses sanctions :
• Le 5 août 2017, le pays est suspendu du Mercosur (Marché commun du Sud).
• Le 23 mai 2018, le G7 d’Ottawa a condamné comme « non justes et démocratiques » les élections présidentielles vénézuéliennes du 20 mai. • Plusieurs pays ont rappelé leurs ambassadeurs en poste à Caracas quand d’autres ont suspendu leurs relations diplomatiques. Au total, 56 États ont reconnu comme seule légitimité nationale, au Vénézuéla, celle du président de l’Assemblée nationale, Juan Guaido, qui s’est proclamé chef de l’État le 23 janvier 2019. Il s’agit des pays membres du Groupe de Lima, des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, du Royaume-Uni. Le 10 avril 2019, l’OEA accordait la représentation permanente du Vénézuéla au délégué de Juan Guaido.
• Le 30 avril 2019, onze pays membres du Groupe de Lima ont appelé les forces armées vénézuéliennes « à cesser de servir d’instrument à un régime illégitime ».
• Le 28 mai 2019, à Genève, les États-Unis et sept pays latino-américains (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Panama, Paraguay et Pérou) ont abandonné la Conférence de l’ONU sur le désarmement, en raison du fait que la présidence rotative était occupée pour un mois par le Vénézuéla (2).
• Cinq pays sud-américains (l’Argentine, le Chili, la Colombie, le Paraguay et le Pérou) ont saisi la Cour pénale internationale le 25 septembre 2018 avec le soutien de la France.
• Le 4 juillet 2019, c’est le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui demandait publiquement au Vénézuéla de mettre un terme « aux graves violations des droits de l’homme » (3).
• Enfin, diverses sanctions ont été adoptées, visant des personnalités du régime, et l’accès du régime et de son économie au crédit international. Les biens de l’État vénézuélien aux États-Unis, en particulier ceux de la société pétrolière PdVSA, ont été saisis.
Une gesticulation armée
Cette mobilisation diplomatique vise-t-elle à empêcher un conflit régional en Amérique du Sud susceptible d’entraîner en domino l’intervention de puissances extérieures ? Y a-t-il un risque d’affrontement majeur entre le Vénézuéla et les pays de son voisinage ?
Le recours aux armes a été évoqué à de nombreuses reprises, comme un scénario possible. Candidat aux présidentielles, Donald Trump « n’avait écarté aucune option », concernant le Vénézuéla.
Avertissement réitéré le 26 septembre 2018, devant l’Assemblée générale de l’ONU. Eduardo Bolsonaro, fils de Jair, alors candidat aux présidentielles brésiliennes, avait annoncé le 30 septembre 2018 « une opération de paix au Vénézuéla (...) pour donner une leçon à son narcodictateur ». Le 15 septembre 2018, le Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, déclarait à son tour qu’il ne fallait pas écarter « l’intervention militaire (..) pour renverser Nicolas Maduro ». Enfin, le 11 septembre 2019, c’est le Conseil permanent de l’OEA qui demandé l’activation du TIAR (traité interaméricain d’assistance réciproque) concernant le Vénézuéla.
Des bruits de botte ont validé l’éventualité d’incidents armés à plusieurs reprises sur la frontière entre le Vénézuéla et la Colombie. Des manoeuvres y ont ainsi été organisées périodiquement par le Vénézuéla, notamment en août 2017 et en septembre 2019. Des avertissements verbaux, plus ou moins agressifs, ont également été constatés [voir p. 32]. Une présence militaire étrangère au Vénézuéla a enfin été dénoncée. Ce fut notamment le cas du déploiement des services militaires cubains d’information au Vénézuéla, de la présence d’une mission militaire chinoise à Caracas, mais surtout de la présence d’une mission russe — signalée en avril 2019 et épinglée à plusieurs reprises par les États-Unis — qui serait composée d’une centaine de militaires.
Trois des pays les plus concernés par une hypothèse de conflit — le Brésil, la Colombie et le Vénézuéla — disposent de forces militaires non négligeables. Deux d’entre eux, le Brésil et la Colombie, ont une expérience militaire acquise sur des terrains extérieurs. Enfin, le Brésil et le Vénézuéla seuls ont, sur le papier, une panoplie d’armements leur permettant de mener une guerre classique contre un ennemi extérieur.
En effet, l’armée vénézuélienne, les FANB (Forces armées nationales bolivariennes), compte 123 000 soldats. Elle dispose d’un parc de chars d’assaut notable avec près de 200 blindés russes T-72, 80 AMX-30 et 120 AMX-13. Son aviation est équipée d’appareils russes — 22 Su30 — et de quelques F-16. Le gros de ses moyens relève d’hypothèses de conflit interne : armes légères, véhicules de combat sur roue, hélicoptères et aviation de contre-guérilla. De son côté, le Brésil est en Amérique latine la seule puissance militaire apparaissant dans la statistique mondiale, avec 327 000 soldats et une gamme assez large de moyens : une cinquantaine d’avions de chasse F-5 en cours de substitution par des Saab Gripen et 53 avions d’attaque AMX A-1 ; 469 chars de combat M-60 Patton et Léopard ; un porte-hélicoptères, plusieurs frégates, quatre sous-marins Scorpène en cours de livraison. Le pays dispose également d’armes destinées à d’éventuels conflits intérieurs : véhicules de combat et de transport de troupes sur roue, hélicoptères Sikorsky, Cougar, Panther et Écureuil, aviation légère de contre-guérilla.
Enfin, la Colombie est le pays d’Amérique latine qui consacre aux forces armées la part la plus importante de sa richesse nationale : 3,1 % de son PIB. Elle dispose ainsi de 267 000 soldats, d’une vingtaine d’avions de chasse Kfir, et de quelques Mirage 5. L’essentiel de son armement est centré sur la guerre de guérilla : avions légers Cessna et Tucanos, hélicoptères de combat et de transport, véhicules légers de transport et de combat, Cascavel et M8 Greyhound.
Pour autant, à aucun moment le Brésil, la Colombie et les autres pays de la région ne se sont sentis menacés par le Vénézuéla au point de décréter la mobilisation générale et de faire appel à la médiation internationale. Seuls quelques incidents frontaliers ont été signalés, en particulier le 22 décembre 2018 entre le Guyana et le Vénézuéla. Le 23 février 2019 également, les Vénézuéliens ont empêché l’entrée en force de véhicules d’aide humanitaire aux frontières brésilienne et colombienne.
Les États-Unis ont tenté de sous-traiter l’option militaire au Brésil, à la Colombie et à l’armée vénézuélienne. Mais cette dernière est restée fidèle au régime, en dépit de quelques tentatives manquées de soulèvements. Les ÉtatsUnis n’ont pas tenté de prendre une initiative militaire unilatérale, en dépit de propos agressifs tenus à l’occasion, mais restés sans effets concrets. En se séparant de son conseiller en charge de la Sécurité nationale, John Bolton, Donald Trump a indiqué le 11 septembre 2019 avoir « été en désaccord avec son attitude concernant le Vénézuéla. Il faisait fausse route », lui reprochant globalement d’avoir été trop loin (4). Le recours à une intervention militaire sous-traitée par Washington aux voisins du Vénézuéla est donc resté sans lendemain. Le 3 septembre 2018, le président colombien Ivan Duque avait d’ailleurs déclaré publiquement « qu’une intervention militaire n’était pas le bon chemin ». Dès le 8 avril 2019, le général Hamilton Mourão, vice-président brésilien, avait lui aussi précisé : « Aucun de nos pays ne va intervenir militairement au Vénézuéla. (…) C’est l’affaire des Vénézuéliens » (5). Enfin, en septembre 2018, le groupe de Lima avait déjà signalé son « refus de toute initiative ou déclaration évoquant une intervention militaire, ou l’usage de la violence, de la menace, ou de la force au Vénézuéla ». Prise de position renouvelée le 25 février 2019.
Quid de la menace réelle du Vénézuéla ?
Comment alors comprendre l’écart entre la mobilisation diplomatique régionale et internationale de haute intensité, et une gesticulation militaire qui est, elle, de faible amplitude ? Sans doute convient-il pour démêler ce défi posé par le réel d’essayer d’isoler enjeux et menaces de cette crise.
Le Vénézuéla menace-t-il ses voisins ? Pour les États-Unis, « le régime Maduro représente une menace pour les ÉtatsUnis », ainsi que l’a déclaré son secrétaire d’État Mike Pompeo, faisant référence à l’implication grandissante dans le pays de la Russie, de l’Iran et de Cuba (6). Les
pays membres du Groupe de Lima ont justifié leur activisme en raison « de la menace sans précédent pour la sécurité, la paix, la liberté et la prospérité de toute la région » (7). La Colombie a mis en particulier en avant « le soutien actif apporté par le Vénézuéla aux groupes terroristes colombiens » (8). Le constat que l’on peut faire est celui d’un Vénézuéla en proie à une grave crise interne [voir p. 23] aux multiples facettes (9) : crise politique, crise économique, crise financière, crise sociale et humanitaire. C’est un pays affaibli par un éventail de problèmes d’une telle amplitude que l’on voit mal comment il pourrait menacer militairement ses voisins. La police, mais aussi l’armée, sont par ailleurs mobilisées pour assurer l’ordre, qu’il s’agisse d’affronter les manifestations massives de l’opposition (10) et la délinquance, ou de traquer les contestations (11). Le Vénézuéla est, avec 81,4 homicides pour 100 000 habitants en 2018, selon l’Observatoire vénézuélien de la violence, une ONG, l’un des pays les plus affectés par la violence délinquante dans le monde. L’intégration des officiers dans la gestion administrative et économique du pays a déprofessionnalisé les forces armées. Les troupes elles-mêmes sont touchées par la dégradation des conditions de vie et plusieurs centaines d’hommes ont déserté. Parmi eux, quelques officiers de rang modeste, mais aussi des généraux (12). D’autres ont également tenté de renverser le régime à plusieurs reprises (13). Chacune de ces crises a été suivie d’arrestations et d’épurations. La menace militaire vénézuélienne dans un tel contexte n’a donc pas ou peu de crédibilité.
La question migratoire
La gestion humaine des conséquences de la faillite de l’État vénézuélien affecte la quasi-totalité des pays latino-américains. Faute de conditions de vie satisfaisantes, des centaines de milliers de ressortissants vénézuéliens ont quitté leur pays. Les chiffres restent approximatifs. Les flux en effet se poursuivaient en novembre 2019 au rythme de 5000 par jour. D’autre part, des milliers de binationaux, essentiellement des Vénézuéliens d’origine colombienne, échappent à la statistique. Les estimations de l’OIM (Office international des migrations) se situent autour de 4 millions d’individus, soit plus de 10 % de la population. Cet afflux affecte des pays dépassés par l’événement (14). Un tel mouvement de population n’avait jusqu’ici jamais affecté l’Amérique du Sud. Cette crise migratoire est majeure. Mais en aucun cas elle n’appelle, afin d’y porter remède, des solutions militaires de la part des différents pays affectés. Logiquement, les gouvernements récepteurs de migrants se sont concertés et ont sollicité l’aide internationale. Initiative faisant appel à des instruments diplomatiques de résolution de crise. Les conférences régionales se sont multipliées, avec à leur ordre du jour la question migratoire. Une conférence internationale spécifique a été organisée à Bruxelles les 28 et 29 octobre 2019 par la Commission européenne, l’ONU et le HCR. On notera, enfin, que malgré la forte déstabilisation régionale induite par l’exode des Vénézuéliens, les pays voisins n’en ont pas, pour autant, fait une priorité dans leur agenda politique.La question migratoire figure par exemple en point 10 de la Déclaration du Groupe de Lima du 4 janvier 2019.
Quels enjeux autour de la crise vénézuélienne ?
Mais alors pourquoi ces moments de fièvre répétés aux tonalités agressives laissant entendre que l’option militaire restait envisagée, sans pour autant la mettre à exécution, ni même procéder à des mouvements de troupes préparatoires ? Et pourquoi les conférences régionales traitant du Vénézuéla avaient-elles bien d’autres points à leur ordre du jour que celui des migrants, visant pour l’essentiel à organiser une transition du pouvoir vénézuélien en place vers d’autres autorités ? Cette diversité d’approche, et les contradictions constatées, témoignent de l’impact minimal de la crise vénézuélienne pour la paix de la région — et bien entendu du monde. Cette crise a sans aucun doute des conséquences socialement destructrices pour les Vénézuéliens. Elle exige un effort de solidarité humanitaire élevé de la part des pays latinoaméricains et plus particulièrement des voisins andins du Vénézuéla : Colombie, Équateur, Pérou et Chili. Mais cette crise humanitaire, locale (vénézuélienne), aux incidences migratoires exigeantes pour la région sud-américaine, ne menace pas la paix dans cette région du monde. Pourquoi alors une telle mobilisation exceptionnelle des diplomaties régionales, et bien au-delà ?
Une hypothèse, vérifiable par la convergence de données permettant de la certifier, permet d’apporter une première réponse. Les gouvernants du Vénézuéla sont aujourd’hui isolés dans une Amérique latine qui est, en dépit d’alternances récentes, nettement plus libérale et conservatrice qu’il y a quelques années. Ces années où, sous l’impulsion de Hugo Chavez, le Vénézuéla a tenté de mobiliser les gouvernements amis et les peuples des pays pro-occidentaux afin de construire une Amérique latine libre d’influences étrangères, « bolivarienne ». Les partis et forces ciblées et dénoncées alors par le Vénézuéla ont depuis successivement conquis le pouvoir en Argentine, au Brésil, au Chili, en Équateur et au Pérou. Ils retournent en « boomerang » l’activisme critique dont ils étaient la cible hier.
Réactualisant la dialectique diabolisante de la guerre froide, ils ont mobilisé leurs instruments diplomatiques afin de forcer un changement de régime à Caracas. Effort qui, en dépit d’un habillage juridique, pose en principe intangible la nécessité d’écarter un régime présenté comme dangereux pour la sécurité régionale, anti-démocratique, totalitaire et communiste. Avec le soutien actif du président des États-Unis, Donald Trump, ils ont « fabriqué un ennemi » (15) de nature à « cimenter la collectivité » des tenants du conservatisme libéral. La visite du président brésilien, Jair Bolsonaro, à Washington en mars 2019 a permis de constater cette convergence idéologique, reposant sur la dénonciation de la « menace socialiste », et celle d’en libérer le Vénézuéla (16). Démarche, on l’a vu, relevant du coitus interruptus, combinant rodomontades verbales accompagnant des ini
tiatives agressives mais sans effet létal. Confirmant le propos tenu par Friedrich Nietzsche, dans Humain,
trop humain : « Qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le laisser en vie » (17).
La démarche présente par ailleurs — deuxième hypothèse explicative complémentaire de la première — l’avantage de faciliter la diffusion d’un argumentaire de morale politique simple et immédiatement utilisable dans les campagnes électorales des mouvements et partis politiques de droite, en Amérique latine, comme aux États-Unis et en Europe. Par exemple aux élections présidentielles chiliennes de 2017, Alejandro Guillier, radical, candidat de centre gauche, a été accusé par Sébastien Piñera, candidat de la coalition des droites, de vouloir créer un « Chilezuela ». Cette stigmatisation diabolisante a visé de la même manière plusieurs candidats progressistes aux présidentielles d’Amérique latine, notamment au Mexique et en Colombie. Aux législatives américaines de mi-mandat en 2018, Donald Trump avait quant à lui attaqué les candidats démocrates, « si à gauche qu’ils veulent transformer les États-Unis en Vénézuéla » (18). Le Vénézuéla est-il en crise ? Certainement. Une crise comme signalé supra d’une gravité intérieure extrême et à plusieurs volets. Cette crise affecte-elle la région sud-américaine ? Oui, on l’a dit, par ses conséquences migratoires qui bousculent les capacités d’accueil des pays voisins. Menace-t-elle la paix du monde, ou a minima celle de la région ? Non. Les États-Unis, et les gouvernements d’Amérique latine, on l’a vu, n’ont à aucun moment envisagé sérieusement le recours à une action militaire. Ce qui a conduit à proposer une hypothèse explicative à une situation à première vue contradictoire. Celle d’une mobilisation diplomatique exceptionnelle, assortie de gesticulations militaires, restant de bout en bout en état de dissuasion contrôlée. Celle d’une crise localisée exacerbée à dessein pour assurer des cohésions idéologiques et de pouvoir. Reste donc, à défaut d’hypothèse guerrière, le recours au dialogue pour résoudre la crise vénézuélienne. Les instruments existent. Ils supposent un préalable non réalisé à ce jour, celui de dépasser les préjugés idéologiques, un problème récurrent dans les relations entre Caracas et Bogota. Abordé, sans succès, mais de façon constructive, dans un ouvrage publié sous le parrainage du ministère des Relations extérieures vénézuélien en 2000 : « Comment négocier entre pays voisins ? » ; « la pérennisation du conflictuel [entre Colombie et Vénézuéla] a fabriqué une culture d’orientation [agressive] fondamentaliste » (19).