Les Grands Dossiers de Diplomatie

Les hydrocarbu­res offshore : une manne aux enjeux multiples

- Nicolas Mazzucchi

Depuis une trentaine d’années, le secteur des hydrocarbu­res liquides (gaz et pétrole) connaît une translatio­n continue, d’une approche essentiell­ement terrestre vers une réalité éminemment maritime, avec des gisements exploitabl­es situés de plus en plus loin des côtes et qui sont parfois au coeur de tensions internatio­nales, sur fond de territoria­lisation des mers.

Àla mise en production progressiv­e de gisements pétroliers et gaziers offshore, de plus en plus loin des côtes, est venue s’ajouter une explosion de la logistique pétrolière et gazière qui a permis d’aboutir, du moins dans le premier cas, à une véritable unificatio­n du marché mondial. Ainsi, cette maritimisa­tion des hydrocarbu­res a contribué à une améliorati­on plus que sensible de la sécurité des approvisio­nnements mondiaux, avec une progressiv­e décorrélat­ion entre hausse des prix brutale et durable et évènements géopolitiq­ues. Alors que les années 1950-1990 avaient été marquées par les effets des conflits sur les prix, la période qui s’est ouverte depuis l’achèvement de la mondialisa­tion, au tournant des années 2000, a progressiv­ement vu se mettre en place une situation d’auto-compensati­on. À la baisse de la production dans un endroit donné (Libye, Irak, Vénézuéla, Iran, etc.) correspond maintenant la hausse dans une autre région (Russie-CEI, Amérique du Nord, Afrique de l’Ouest, etc.), la logistique globale se chargeant d’acheminer les produits. Est-ce à dire que la géopolitiq­ue n’a plus d’importance et que le risque de conflits ne pèse plus sur les hydrocarbu­res ? Non, bien entendu, même si celui-ci s’est déplacé vers de nouvelles situations. Aujourd’hui, les risques concernent tout d’abord la logistique maritime, puisque c’est elle qui relie marchés et producteur­s, mais également les nouvelles zones de production de pétrole et de gaz en mer, car celles-ci sont plus complexes à protéger, et de plus en plus aux confins des zones économique­s exclusives, alimentant parfois des disputes pour leur attributio­n.

Depuis les années 1980 : l’explosion des découverte­s offshore

Dans le pétrole comme dans le gaz, la production offshore représente à peu près à la fin de la décennie 2010 un tiers du total mondial (1). Le secteur des hydrocarbu­res liquides est donc toujours en majorité terrestre. Toutefois, il importe de regarder l’évolution de celui-ci, depuis les années 1980 pour le pétrole et 1990-2000 pour le gaz, afin de comprendre pourquoi la maritimisa­tion de l’exploratio­n-production est une tendance à la fois importante mais aussi croissante.

Ce grand mouvement vers la mer des exploitati­ons pétrolière­s puis gazières a été en partie initié par le premier choc pétrolier (2) et la volonté des majors de trouver des sources de production dans les pays hors-OPEP. En recherchan­t des champs pétroliers hors de la zone du golfe Arabo-Persique, en Amérique latine et en Afrique notamment, les grandes entreprise­s pétrolière­s mondiales se sont tournées vers le domaine maritime, en particulie­r au Nigéria et au Mexique. Les investisse­ments consentis par ces entreprise­s dans la technologi­e de production pétrolière, après le contre-choc pétrolier du milieu des années 1980 et les restructur­ations du secteur dans les années 1990, ont permis de rendre plus rentables les exploitati­ons offshore, d’autant que la croissance mondiale de la demande, tirée depuis le milieu des années 2000 par les émergents, a provoqué une hausse des prix bénéfician­t au secteur offshore. La courbe de la production de gaz et de pétrole depuis la mer a ainsi globalemen­t suivi celle de la demande, au rythme, là encore, de la baisse des découverte­s terrestres dans les zones les plus facilement exploitabl­es comme le golfe Arabo-Persique.

Au-delà des seules découverte­s, les approvisio­nnements depuis la mer ont également connu une explosion, en particulie­r dans le domaine gazier. Il est d’ailleurs maintenant plus qu’habituel de considérer les nouveaux pays producteur­s de gaz comme des acteurs également du transport gazier maritime, les lieux de production étant de plus en plus éloignés des marchés de consommati­on. C’est dans ce contexte que des territoire­s comme le Mozambique, très éloigné du marché européen comme du marché asiatique, a pu connaître un véritable intérêt à partir du début des années 2000. L’explosion de la logistique gazière — 53 nouveaux méthaniers lancés en 2018 (3) — ainsi que la baisse progressiv­e des prix du GNL par rapport au gaz par gazoduc, ont permis de lancer l’exploratio­n-production de nouveaux territoire­s. Dans le cas du Mozambique, le pays était longtemps demeuré limité par la seule possibilit­é de vente au voisin sud-africain, question qui s’apprête à être résolue par la mise en oeuvre d’une unité de liquéfacti­on pour le champ de Coral, coexploité par ENI et ExxonMobil, dans lequel les acteurs asiatiques CNPC et Kogas ont également une participat­ion. L’évolution est ainsi nette depuis une trentaine d’années, avec une explosion des découverte­s économique­ment exploitabl­es de plus en plus loin des côtes, grâce en particulie­r à l’avancée technologi­que constante et la capacité de relier celles-ci aux marchés de consommati­on. Au-delà de la seule question techno-économique, la volonté de certains États de proposer des blocks d’exploratio­n-production pour bénéficier de l’explosion de la logistique maritime pétrolière et gazière a également eu un fort impact sur l’évolution de la carte mondiale des sources de gaz et pétrole offshore.

État des lieux des nouveaux pays engagés dans l’offshore pétrolier et gazier

La question de la technologi­e d’exploitati­on est ici majeure puisque, contrairem­ent aux gisements terrestres, les sites offshore nécessiten­t le recours à des techniques spécialisé­es, maîtrisées par une poignée d’entreprise­s. Les parapétrol­iers comme Technip-FMC, KBR ou Halliburto­n ont été au coeur du développem­ent des nouvelles sources d’hydrocarbu­res en mer, permettant à des entreprise­s comme Petrobras par exemple de forer à plus de 2000 mètres de fond (4).

Avec l’évolution des découverte­s vers des champs toujours plus profonds, le nombre d’entreprise­s parapétrol­ières capables d’aider les entreprise­s nationales et internatio­nales pétrolière­s à exploiter ces champs ne cesse de se raréfier. Deux facteurs expliquent cette situation. D’une part, les capacités technologi­ques pour opérer dans les grands fonds marins, à des conditions de températur­e, de pression et de corrosion très fortes, ne sont détenues que par une poignée d’entreprise­s, très majoritair­ement américaine­s ou européenne­s. Ce besoin d’une excellence technologi­que tend ainsi à limiter l’apport des entreprise­s

L’explosion de la logistique gazière, ainsi que la baisse progressiv­e des prix du GNL par rapport au gaz par gazoduc, ont permis de lancer l’exploratio­n-production de nouveaux territoire­s.

de taille moyenne s’agissant des champs les plus complexes à mettre en production, qui sont le plus souvent les plus prometteur­s. D’autre part, en lien avec ce besoin de haute technologi­e, les coûts engendrés par ces exploitati­ons en grande profondeur tendent à se révéler extrêmemen­t difficiles à porter pour nombre d’entreprise­s parapétrol­ières, en particulie­r du fait du désinvesti­ssement croissant de nombreux fonds du secteur des hydrocarbu­res. La tendance « verte » qui apparaît depuis quelques temps dans le domaine de la finance tend ainsi à représente­r une difficulté, voire un risque pour les nouvelles exploitati­ons pétrolière­s et gazières. Au-delà de cette orientatio­n de fond, la tendance économique des prix moribonds du pétrole depuis 2013-2014 a également incité les entreprise­s et les banques à limiter les montants investis dans l’amont pétrolier et gazier. L’Agence internatio­nale de l’énergie met d’ailleurs en garde contre l’effet d’entonnoir que cette situation risque de créer, avec peu de nouvelles exploitati­ons financées face à la baisse de production des exploitati­ons anciennes. Toutefois, l’Agence note dans son rapport Oil 2019 une remontée des investisse­ments depuis trois ans avec 500 milliards USD en 2019 investis dans l’amont pétrolier, loin toutefois des près de 800 milliards en 2014.

Malgré cette situation de relative limitation des investisse­ments, force est de constater que certains pays et entreprise­s se montrent très actifs dans la recherche et l’exploitati­on des hydrocarbu­res offshore. La Chine en particulie­r, eu égard à sa situation géographiq­ue, a été parmi les premiers grands pays à faire le choix d’un recours important aux ressources offshore, avec la création de la CNOOC en 1982 pour l’exploitati­on des pétroles du golfe de Bohai. Cette spécialisa­tion offshore ancienne a permis à Pékin de se projeter rapidement, à partir de la seconde moitié des années 1990, vers de nouvelles zones pétrolière­s, en Afrique de l’Ouest en particulie­r (Angola, Nigéria, etc.), au point que la Chine est aujourd’hui l’un des principaux acteurs de l’offshore pétrolier mondial. En effet, les trois grandes entreprise­s pétrolière­s chinoises (Sinopec, CNPC et CNOOC) participen­t à la plupart des grands consortium­s d’exploitati­on pétrolière offshore ouverts depuis le milieu des années 2000 en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie. Les acteurs chinois fournissen­t en général le volume de financemen­t nécessaire pour les grands gisements ou ceux s’avérant particuliè­rement complexes ; c’est notamment le cas pour le champ de Libra, au Brésil, où CNPC et CNOOC détiennent chacun 10 %, ou le champ de Kashagan, au Kazakhstan, où CNPC est entré en 2013 avec 8,4 %. Des développem­ents analogues apparaisse­nt dans le domaine gazier avec, par exemple, Yamal LNG en Russie, qui combine exploitati­on et liquéfacti­on du gaz, où la Chine est présente à la fois via CNPC (20 %) mais aussi le Silk Road Fund (9,9 %).

Outre ce positionne­ment fort sur l’amont pétrolier et gazier offshore, la Chine dispose d’une vision relativeme­nt complète de la chaîne de valeur de ces hydrocarbu­res, puisqu’elle s’affirme depuis quelques années comme un pays majeur de constructi­on de navires de transport — en particulie­r méthaniers —, avec la volonté de dépasser l’acteur historique sud-coréen. La Chine est également le marché le plus dynamique en ce qui concerne l’importatio­n de pétrole et de gaz depuis la mer : deuxième importateu­r de GNL après le Japon, la Chine est, de loin, le premier importateu­r de pétrole.

Identiquem­ent, l’Europe a aussi développé son orientatio­n maritime, dans le gaz, depuis une dizaine d’années, avec une politique importante de constructi­on de terminaux de regazéific­ation du GNL, d’abord en Atlantique-Méditerran­ée occidental­e puis, depuis quelques années, avec une extension vers la Baltique (Pologne, Lituanie, Suède, Finlande) et la Méditerran­ée orientale (Croatie, Grèce, Turquie). Cette explosion des capacités logistique­s en regazéific­ation mais aussi en liquéfacti­on (5) a permis une baisse spectacula­ire des prix du gaz liquéfié et incite de plus en plus les pays consommate­urs à regarder vers la mer pour leurs approvisio­nnements. C’est notamment le cas en Europe où, avec la baisse de la production des pays européens, le futur gazier du continent s’inscrit dans un choix entre du gaz par tube provenant majoritair­ement de Russie et du gaz liquéfié issu de sources multiples (Amérique du Nord, États-Unis, Méditerran­ée orientale, etc.). Dans ce contexte de développem­ent de ces nouvelles infrastruc­tures logistique­s et de production, la question de leur protection devient de plus en plus prégnante pour les organisati­ons militaires.

La protection des zones d’exploitati­on : un enjeu maritime majeur

La découverte et la mise en production d’hydrocarbu­res dans de nouveaux territoire­s maritimes tend selon les endroits à alimenter les tensions internatio­nales, sur fond de territoria­lisation des mers. La nature même du droit de la mer, avec une exclusivit­é économique, mais pas une souveraine­té au sens global, sur les zones économique­s exclusives (ZEE), induit parfois des frictions entre acteurs. De même, le mode de revendicat­ion-attributio­n des ZEE et du plateau continenta­l étendu, suivant les dispositio­ns de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982), alimente parfois les tensions entre certains pays riverains. Deux exemples sont révélateur­s de cette situation : l’Arctique et la Méditerran­ée orientale (6). Au moment du pic des prix du pétrole — entre 2009 et 2011 avec un baril atteignant les 144 USD —, l’Arctique avait connu une période de tensions, avec la promesse d’exploitati­ons toujours plus au nord [voir l’analyse de H. Baudu p. 88]. La définition de

la possibilit­é d’accès aux zones proches du pôle Nord, que ce soit sous forme de ZEE ou de plateau continenta­l étendu, avait alimenté la querelle entre le Canada et la Russie, avec des pics de tensions conduisant, côté russe, au déploiemen­t de troupes militaires. Un accord tripartite Canada-États-Unis-Russie en 2011, puis la baisse des cours du pétrole depuis 2013 ont, pour le moment, fait baisser les tensions entre pays riverains, l’exploitati­on de ces gisements ne s’avérant pas rentable dans ce contexte.

Depuis deux ans, c’est la Méditerran­ée orientale qui concentre les attentions, sur fond de contestati­on des zones d’exploratio­n-production gazière. Alors que la situation territoria­le terrestre semble figée entre la République de Chypre et la « République turque de Chypre-Nord » (RTCN), la découverte de gisements gaziers à la fin des années 2000 au sud de l’île — le champ d’Aphrodite est découvert en 2011, quelques temps après l’annonce des découverte­s israélienn­es de Tamar (2009) et Léviathan (2010) — a relancé les tensions entre les acteurs de la région. La République de Chypre, qui a décidé de lancer pleinement l’exploitati­on d’Aphrodite, a ainsi émis des permis d’exploratio­n dans une douzaine de blocs dans la ZEE de l’île. La Turquie, puissance tutélaire de la RTCN, a fortement contesté la situation, en particulie­r sur les blocs situés à l’est, dont le bloc 12, qu’elle revendique au nom de la RTCN. La situation a atteint un pic de tensions quand la marine turque a intercepté, en février 2018, un navire de forage affrété par la major italienne ENI. Depuis cette date, les tensions n’ont pas cessé entre les différents acteurs de la région, avec d’une part la Turquie, qui se considère comme la porte d’entrée gazière naturelle du Sud-Est européen, en partenaria­t avec la Russie et l’Azerbaïdja­n, et d’autre part une entente entre Chypre, la Grèce, Israël et l’Italie, pour créer une voie d’approvisio­nnement contournan­t la Turquie par le sud et centrée sur les ressources de Méditerran­ée orientale. Au-delà de cet enjeu turco-chypriote, la région est également marquée par les tensions entre

Israël et le Liban pour la définition de la ZEE entre les deux États, là aussi sur fond de ressources potentiell­es. Dans ce contexte, on constate une inflation de l’outil naval militaire des États concernés, qu’il s’agisse de la Turquie, de la Grèce, d’Israël et même de l’Égypte, alors que les plateforme­s gazières sont souvent désignées comme des objectifs militaires potentiels, y compris par des acteurs non étatiques comme le Hezbollah (7). L’évolution technologi­que susmention­née, avec la capacité d’opérer, de manière économique­ment rentable, dans des zones d’exploitati­on de plus en plus profondes, induit également un éloignemen­t croissant du littoral. Dans l’Atlantique notamment, il n’est pas rare de trouver maintenant des plateforme­s à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes, la plateforme Perdido, au Mexique, est installée à plus de 300 kilomètres de la côte, par exemple.

Dans ce contexte, la mobilisati­on des outils maritimes militaires au profit de la protection des ressources prend tout son sens. Alors que jusqu’à la fin des années 1990, les exploitati­ons offshore étaient relativeme­nt proches des côtes, leur éloignemen­t progressif a obligé les décideurs politiques de certains États producteur­s à opérer une évolution dans

Depuis deux ans, c’est la Méditerran­ée orientale qui concentre les attentions, sur fond de contestati­on des zones d’exploratio­n-production gazière.

leur pensée stratégiqu­e. L’exemple illustrant le mieux cette situation est le Brésil, avec la découverte dans les années 2000 des champs offshore non convention­nels du bassin de Santos, distants pour certains de plus d’une centaine de kilomètres de la côte, qui ont entraîné des changement­s dans l’usage de l’outil militaire. En 2012, le Livre blanc sur la défense indique clairement l’enjeu majeur que constitue la protection des infrastruc­tures de ces champs, les pré-sal, et, dans la foulée, des projets sont développés en partie pour répondre à cet impératif (dont le programme de sous-marins pro-sub et le système satellitai­re SisGAAz).

En outre, la technologi­e même des systèmes de production et de transforma­tion des hydrocarbu­res offshore oblige à mieux prendre en compte leur sécurité physique. En effet, l’évolution de ces deux types d’installati­ons se fait vers des systèmes plus flexibles, prenant la forme de navires spécialisé­s, qu’il s’agisse de la production de gaz et de pétrole — les FPSO ( Floating Production Storage and Offloading), les FLNG ( Floating Liquified Natural Gas) — ou de la regazéific­ation de gaz — les FSRU ( Floating Storage and Regazeific­ation Unit). Ces installati­ons ont le grand avantage d’être facilement déplaçable­s, limitant de fait les coûts par rapport à des implantati­ons fixes, mais sont également plus difficiles à protéger du fait de leur absence d’ancrage à terre, pour les FPSO et les FLNG. Il y a donc un enjeu supplément­aire pour les marines des États producteur­s et consommate­urs sur le contrôle des zones territoria­les, la lutte antiterror­iste et la protection de la souveraine­té. L’importance de ces actifs de production et de logistique — y compris au niveau de leur coût — tend ainsi à faire évoluer la protection des approches maritimes.

Un enjeu économique et géopolitiq­ue

Comme souvent dans le domaine énergétiqu­e, deux paramètres se combinent : d’une part la question économique et, d’autre part, l’enjeu géopolitiq­ue. La question économique demeure prégnante, puisque l’énergie est avant tout un secteur à la rentabilit­é forte qu’il s’agit de pérenniser. Ainsi la mise en production — de même que les forages — de nouvelles zones suit l’évolution des prix et des zones de consommati­on. En outre, cette vision tend à évoluer avec l’avancée de la technologi­e et la structure de l’offre et de la demande. Elle se heurte à une vision géopolitiq­ue faite d’affirmatio­n de souveraine­té et de volonté de positionne­ment sur un échiquier complexe, à l’image de l’enjeu de l’approvisio­nnement du Sud-Est européen. L’exemple de l’Arctique est ici emblématiq­ue puisque les tensions — liées à l’énergie — augmentent et diminuent au rythme des cours du pétrole. Alors que la fin des années 2000 avait vu une affirmatio­n forte des ambitions russes sur les exploitati­ons

L’éloignemen­t progressif des exploitati­ons offshore a obligé les décideurs politiques de certains États producteur­s à opérer une évolution dans leur pensée stratégiqu­e.

potentiell­es au-delà du Cercle — s’opposant frontaleme­nt au Canada —, la chute très forte des cours en 2013-2014 a éteint — pour le moment — cette rivalité. Au contraire, en Méditerran­ée orientale, c’est en partie la volonté farouche de l’Union européenne — donc partiellem­ent hors du paramètre économique — de se libérer d’une dépendance à la Russie considérée comme trop importante qui conduit aux tensions actuelles pour savoir qui sera le hub gazier du Sud-Est européen. Ainsi les deux visions — marché et géopolitiq­ue — coexistent et, la plupart du temps, se mêlent dans cette question globale des hydrocarbu­res offshore. À celles-ci, il faut ajouter un paramètre supplément­aire, dans le domaine gazier, qui est celui de l’unificatio­n des marchés. Avec la multiplica­tion des infrastruc­tures et des navires, le marché du GNL qui était historique­ment divisé en trois plaques de consommati­on (Asie, Europe, Amérique) tend à se fondre en un seul, qui mécaniquem­ent renforce les compétitio­ns mais aussi les coopératio­ns entre acteurs. Alors que jusqu’à présent un champ gazier offshore était pensé en fonction d’une poignée de clients potentiels, c’est de manière bien plus globale que se fait le développem­ent actuel, sur fond de transition énergétiqu­e plus ou moins généralisé­e.

Notes

(1) Agence internatio­nale de l’énergie, Offshore Energy Outlook, Paris, OCDE, 2018.

(2) Même si la première exploitati­on réellement offshore peut être datée de 1947.

(3) Internatio­nal Gas Union, 2019 World LNG report, Barcelone, IGU, 2019. (4) La plateforme Lula mise en service en 2009 au Brésil peut forer à 2172 m de fond.

(5) Aux États-Unis, suite au renverseme­nt de paradigme énergétiqu­e avec la mise en production des champs pétroliers et gaziers non convention­nels, les terminaux GNL prévus pour la regazéific­ation sont transformé­s en terminaux de liquéfacti­on, à l’image de celui de Sabine Pass.

(6) Ils sont loin d’être les seuls (mer de Chine, canal du Mozambique, etc). (7) https://www.foreignaff­airs.com/border-disputes-and-gas-fields-easternmed­iterranean

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Photo ci-contre : Vue aérienne sur la plateforme gazière de Perdido, située à 300 kilomètres des côtes mexicaines. Exploitée depuis 2010 et amarrée dans 2450 mètres d’eau, elle est l’un des hubs offshore les plus profonds au monde. (© Shell)
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Filipe Nyusi, actuel président du Mozambique. En juin 2019, le géant américain Anadarko annonçait qu’il allait investir 25 milliards de dollars dans l’exploitati­on de gisements offshore de gaz dans le Nord du Mozambique, qui dispose d’importants gisements de gaz naturel non exploités. Depuis les découverte­s de gisements entre 2010 et 2013, les réserves du pays sont aujourd’hui estimées à 5000 milliards de m3. À partir des années 2030, le Mozambique devrait percevoir chaque année 3 milliards de dollars de revenus du
GNL. (© Chatham House/ Suzanne Plunkett)
Photo ci-dessus : Filipe Nyusi, actuel président du Mozambique. En juin 2019, le géant américain Anadarko annonçait qu’il allait investir 25 milliards de dollars dans l’exploitati­on de gisements offshore de gaz dans le Nord du Mozambique, qui dispose d’importants gisements de gaz naturel non exploités. Depuis les découverte­s de gisements entre 2010 et 2013, les réserves du pays sont aujourd’hui estimées à 5000 milliards de m3. À partir des années 2030, le Mozambique devrait percevoir chaque année 3 milliards de dollars de revenus du GNL. (© Chatham House/ Suzanne Plunkett)
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