Les Grands Dossiers de Diplomatie
Le Bosphore et les Dardanelles : le verrou turc .
Points de passage obligés entre la mer Noire et la mer Méditerranée, les détroits du Bosphore et des Dardanelles sont sous la souveraineté absolue de la Turquie. En vertu d’un accord de 1936, c’est à Ankara de réguler la circulation des navires civils et militaires, selon sa perception de sa propre situation sécuritaire.
Ces deux détroits ont toujours été des points de passage stratégiques, sources de tensions et attisant les convoitises. À la chute de Constantinople en 1453, les Ottomans prennent le contrôle des détroits et y appliquent une règle fondamentale du droit public ottoman : la fermeture à la navigation étrangère de la mer Noire. Seule une permission du Sultan permettait d’entrer ou de sortir de celle-ci. Face à l’augmentation de l’influence russe, la liberté de passage est obtenue en 1774 par le traité de Kuçuk Kaynarca. En 1809, le traité des Dardanelles, qui met fin à la guerre anglo-turque, marque un tournant en réappliquant le principe selon lequel les détroits seront fermés aux bâtiments de guerre étrangers tant que la « Sublime Porte » (Istanbul) sera en paix. Cette décision sera officialisée lors de la Convention des détroits, en 1841, ce qui constituera un échec pour la Russie, qui se voit enfermée dans la mer Noire sans être à l’abri des flottes ennemies. Lors de la Première Guerre mondiale, la Russie fera de l’annexion des détroits l’un de ses buts de guerre. En 1920, le traité de Sèvre réautorisera la libre circulation civile et militaire. C’est enfin en 1936 que la convention de Montreux définira le statut international du détroit en octroyant à la Turquie le contrôle du Bosphore et des Dardanelles.
Aujourd’hui, Ankara utilise l’autorité qui lui est reconnue pour dessiner sa politique de voisinage. Mais son rapprochement avec Moscou — qui doit ménager sa relation avec la Turquie pour continuer à bénéficier d’une projection en Méditerranée — nourrit les craintes de l’OTAN et renforce sa réputation d’acteur volatil sur la scène internationale*.