Les Grands Dossiers de Diplomatie
Edito
Ces dernières semaines, la crise sanitaire mondiale venue de Chine a révélé les contours d’une géopolitique à venir, où le monde serait probablement divisé en deux camps : celui des « occidentalistes » d’un côté, autour des États-Unis et de l’OTAN ; celui de la Chine et ses alliés et partenaires stratégiques de l’autre (Russie, Pakistan, Vietnam, Cambodge, Corée du Nord et tous les pays qui seront économiquement dépendants des « nouvelles routes de la soie »). Deux modèles de sociétés antagonistes, l’un fondé sur les valeurs démocratiques et libérales, l’autre sur le dirigisme étatique et l’autoritarisme politique, pourraient ainsi façonner par de nouvelles tensions géopolitiques le « monde d’après ». Cette confrontation États-Unis/Chine, qui désormais constitue la principale grille de lecture de la diplomatie américaine, rebat les cartes des alliances passées, dans un monde où celles-ci deviendraient plus fluides, moins figées par des ressorts idéologiques. Les pays européens, a priori acquis à la cause américaine, pourraient ainsi s’inscrire au fil de l’eau dans une dynamique de non-alignement pour préserver, au cas par cas, leurs intérêts économiques du moment. Dans ce nouveau partage du monde, la zone indo-pacifique (1) retient l’attention car elle cristallise en de nombreux points les tensions actuelles et à venir de ce « nouveau monde ».
Le Japon, 3e puissance économique mondiale et allié stratégique des États-Unis en Asie, a exprimé pour la première fois en 2016 sa vision de l’Indo-Pacifique. Sous l’acronyme FOIP ( Free and Open IndoPacific), il incarne pour le Premier ministre Shinzô Abe un concept polymorphe où se rejoignent les tensions géopolitiques et militaires nées de l’émergence de la Chine comme puissance mondiale, et les opportunités issues d’un espace devenu central dans les affaires économiques mondiales. Une zone où le renforcement des alliances stratégiques, avec les États-Unis tout d’abord, mais aussi avec l’Inde, l’Australie, le Royaume-Uni ou encore la France, devient plus que jamais nécessaire. Une zone, enfin, où le Japon pourrait constituer, dans ce nouveau Grand Jeu planétaire, un acteur central du fait de sa géographie, de son histoire et de sa puissance économique, technologique et d’innovation. Un tel acteur méritait donc qu’on lui consacre un numéro des Grands Dossiers de Diplomatie. C’est désormais chose faite, avec le précieux concours de l’Observatoire de l’Asie de l’Est (UQAM, Canada) et de la Fondation France-Japon (EHESS, France).