Les Grands Dossiers de Diplomatie
Un « New Space »… pas si neuf
Le New Space n’est pas seulement le produit de l’imaginaire de quelques dirigeants inspirés. La réalité industrielle qu’il recouvre est autrement plus complexe et les liens qui unissent ces nouvelles initiatives privées au secteur public révèlent des équi
Fondée en 2002 par Elon Musk, chef d’entreprise aussi visionnaire que controversé, la société SpaceX a entraîné dans son sillage une redéfinition profonde du marché spatial et des structures de l’innovation dans un secteur tout à la fois hautement concurrentiel et terrain d’expression de la puissance des États. SpaceX est aujourd’hui le fer de lance d’un phénomène entrepreneurial, le New Space, dans lequel de nombreuses entreprises (à l’instar de Blue Origin de Jeff Bezos, dirigeant d’Amazon) et start-up tentent de briller.
New Space : genèse d’un concept
Contrairement à une idée largement répandue, l’émergence du New Space ne découle nullement de la volonté de quelques firmes privées d’investir un secteur spatial qu’elles auraient désormais perçu comme une source complémentaire de revenus (même si la perspective de débouchés financiers importe).
L’idée selon laquelle l’arrivée dans le secteur de sociétés telles que SpaceX ou Blue Origin aurait constitué le moment fondateur du New Space doit être balayée. Le New Space représente, à dire vrai, l’ultime avatar d’une politique industrielle de diversification que les autorités américaines avaient engagée dès les années 1990 afin de convertir le complexe militaro-industriel hérité de la guerre froide en une base industrielle et technologique plus orientée vers le marché civil [voir l’entretien avec A. Dupas p. 52]. Tant la firme d’Elon Musk que celle de Jeff Bezos ont su tirer parti tout à la fois des événements et du soutien institutionnel américain. Aux États-Unis, l’idée selon laquelle une nouvelle initiative industrielle privée représentait la planche de salut de la politique spatiale américaine était déjà ancienne. La mise à la retraite définitive du programme de navette en 2010 (après l’incident de Columbia en 2003) s’imposait à l’ensemble des responsables tant au sein de la NASA
qu’à la Maison-Blanche. Or, dès 2006, bien avant l’abandon de la navette spatiale, la NASA lança deux nouveaux programmes — le Commercial Resupply Services (CRS) et le Commercial Crew Development (CCD) — tous deux placés dans le cadre du Commercial Orbital Transportation Service (COTS) sous la direction d’un bureau lui étant consacré au sein de la NASA : le Commercial Crew and Cargo Programme Office (C3PO). L’objectif était de développer une solution de substitution à la navette spatiale afin de permettre le ravitaillement de la station spatiale internationale (ISS (1)) en matériels et en hommes (2). Pour ce faire, la NASA encouragea le secteur privé à concevoir des solutions innovantes. Le soutien public à l’initiative privée s’expliquait d’autant plus que les États-Unis n’avaient alors d’autre choix que de recourir au Soyouz russe pour le ravitaillement de l’ISS (3). Certes, des liens unissaient déjà auparavant le secteur industriel privé et la NASA. Toutefois, le COTS amorça un changement quant au rôle désormais joué par le privé. Celui-ci n’était plus seulement un sous-traitant des projets industriels de la NASA, mais un initiateur de programmes appelés à intégrer le cadre budgétaire fixé par le secteur public.
En effet, ce sont des considérations principalement financières qui permirent d’ouvrir la voie au New Space : face à l’élévation sensible des coûts de transport imposés par les Russes (chaque place à l’intérieur de la fusée Soyouz était facturée 80 millions aux États-Unis (4)), une solution de rechange se révélait urgente. Certains lancements ont d’ailleurs porté sur des projets stratégiques pour les États-Unis et, en particulier, l’U.S. Air Force. Le 7 septembre 2017, la fusée Falcon 9 de SpaceX effectuait ainsi le lancement de l’avion spatial X-37B de l’USAF, un démonstrateur technologique autonome et réutilisable. Ce lancement s’était achevé avec le retour réussi du premier étage de la fusée de la firme d’Elon Musk.
Blue Origin, fondée en 2000, n’est pas en reste et talonne de près SpaceX. Le processus de développement de Blue Origin s’appuie d’ailleurs sur les mêmes relais institutionnels et les mêmes cadres financiers publics, outre un financement annuel sur fond propre, d’un montant de 1 milliard USD, de Jeff Bezos. Dès 2016, Blue Origin fut en mesure d’envoyer dans l’espace et de récupérer une fusée de sa fabrication. Le 11 décembre 2019, la société de Jeff Bezos opérait avec succès son douzième vol suborbital et la onzième récupération de l’étage de la fusée et de la cabine. L’objectif de Blue Origin réside dans l’envoi d’humains dans l’espace avec son véhicule suborbital New Shepard, pour des activités de tourisme spatial. Ce dernier sera capable d’embarquer jusqu’à six personnes. Aucune date n’a encore été fixée pour ce premier vol habité. Blue Origin développe surtout le lanceur réutilisable New Glenn, d’une capacité proche du Falcon Heavy de SpaceX. L’entreprise a déjà décroché trois contrats de lancement. Blue Origin investit le vol lunaire et participe au conglomérat Human Landing System (HLS) afin de répondre à l’appel d’offres du programme Artemis de la NASA visant le retour de l’humain sur la Lune. À cette fin, la société de Jeff Bezos développe l’atterrisseur Blue Moon. Blue Origin sera le maître d’oeuvre de cette offre industrielle (5).
On le voit, les entreprises du New Space ont bénéficié d’une réorientation des moyens et des objectifs définie au plus haut niveau décisionnel. Le New Space est moins le déclencheur d’un processus de transformation de la politique spatiale américaine que le produit de ce dernier. Sur le plan international, l’objectif reste inchangé : contrer la concurrence hors États-Unis.
Ce sont des considérations principalement financières qui permirent d’ouvrir la voie au New Space : face à l’élévation sensible des coûts de transport imposés par les Russes (chaque place à l’intérieur de la fusée Soyouz était facturée 80 millions aux États-Unis), une solution de rechange se révélait urgente.
Innovation disruptive
Bien qu’elle ne constitue que l’un des nombreux avatars du phénomène New Space, la société d’Elon Musk illustre de façon assez exhaustive les modifications intervenues dans la manière de concevoir aujourd’hui des lanceurs. Le modèle économique de SpaceX se fonde sur la production en série sur un site unique. Le management de l’entreprise repose sur une intégration verticale poussée à ses limites puisque la société fabrique et commercialise ses dispositifs avec un nombre extrêmement réduit de sous-traitants, voire aucun.
Historiquement, le modèle organisationnel de l’industrie spatiale américaine était fondé sur la recherche de gains technologiques majeurs en vue de surpasser les capacités d’un adversaire sur plusieurs générations, et ce sur fonds publics exclusivement. C’est le modèle d’innovation qui eut cours dans la période de la guerre froide et qui persista depuis les
années 1990 tant dans le domaine spatial que dans le secteur militaire. Cette stratégie de développement — aussi appelée « Offset Strategy » par les États-Unis — avait donc un seul objectif : le surclassement durable d’un adversaire avéré ou désigné… ou d’un concurrent économique. Mais son coût était dissuasif et ne pouvait être supporté que par des acteurs disposant d’une base scientifique, industrielle et technologique ayant atteint une certaine masse critique. Outre le coût financier devant être supporté tant par l’industriel que par les pouvoirs publics, cette méthode d’innovation comportait un coût socio-économique souvent ignoré et pourtant déterminant pour le paysage industriel. La recherche de l’innovation de rupture à n’importe quel prix supposait que l’entreprise offrant la solution technologique la plus avant-gardiste remportait le marché. Une fois ce marché attribué, les entreprises ayant perdu l’appel d’offres se retrouvaient souvent dans une situation de quasi-faillite et peu d’entre elles parvenaient à se remettre d’un tel échec. Aux États-Unis, c’est ce modèle d’innovation qui donna naissance au programme de navettes spatiales à partir des années 1970. Pourtant, cette logique d’innovation (à savoir, la recherche permanente d’un surclassement technologique) engendra un phénomène paradoxal. L’atteinte d’un niveau technologique de loin supérieur à ce qui pouvait être proposé par d’autres acteurs ne garantissait pas la rentabilité du projet. Souvent, le saut technologique opéré s’avérait dépourvu d’utilité économique au point qu’une technologie moins performante se révéla tout aussi intéressante pour une exploitation rentable sur le marché.
L’innovation disruptive proposée par le New Space ne repose plus sur la réalisation d’un saut technologique qualitatif majeur (au sens matériel du terme), mais consiste plutôt à déplacer le curseur de l’innovation sur la dimension de l’emploi qui en est fait par les utilisateurs. En d’autres termes, il pourrait être dit que l’innovation disruptive vise moins à développer de meilleurs produits pour des utilisateurs déjà existants qu’à proposer à ces mêmes utilisateurs des moyens et produits qui, bien que ne se situant pas à la pointe de la technologie, remplissent les besoins attendus tout en offrant des avantages en matière de coût. Cette méthode de développement jette les bases d’un nouveau cycle d’évolution matérielle dont les résultats serviront à d’autres utilisateurs plus exigeants qui, pour leur part, n’hésiteront pas à payer plus cher l’acquisition d’un système plus sophistiqué. Pour être plus clair encore : l’innovation disruptive vise à offrir des produits technologiques de base répondant aux besoins « primaires » de certains utilisateurs en vue d’améliorer de manière progressive ces mêmes produits afin de les fournir à terme à des utilisateurs plus exigeants qui accepteront de payer le prix de ces
Le business model des entreprises du New Space procède à une inversion complète des priorités en portant son attention première sur les besoins du client et non sur les concepteurs des technologies.
améliorations (6). Le business model des entreprises du New Space procède donc à une inversion complète des priorités en portant son attention première sur les besoins du client et non sur les concepteurs des technologies. En outre, sur le plan organisationnel, l’avantage comparatif de SpaceX est d’avoir recherché les compétences nécessaires en dehors de l’entreprise. La société a ainsi renoncé à échafauder ses compétences en interne pour aller débaucher celles qui existaient dans d’autres secteurs d’activités. SpaceX a également réduit au maximum le coût de l’accès à l’espace en développant un nouveau concept de réutilisation des divers éléments de ses lanceurs. D’un point de vue technologique, et à la surprise de la majorité des acteurs historiques du secteur, SpaceX a réussi son pari. Certes, d’importantes objections portent sur la pérennité du modèle économique du concept. Il n’en demeure pas moins que la réutilisabilité est aujourd’hui considérée comme un critère de rentabilité essentiel en matière de lancement spatial [voir l’analyse de P. Legai p. 43].
La majorité des lanceurs actuels ont tous en commun d’être « jetables » (ils sont dits « consommables »), c’est-à-dire qu’ils ne servent qu’une fois et sont pour partie abandonnés en orbite, pour partie détruits lors de leur retour dans l’atmosphère. Cette méthode trouve son origine dans la difficulté technique qui est celle de ramener le lanceur au sol après avoir atteint des vitesses très importantes (plusieurs kilomètres par seconde), mais aussi dans le fait que, initialement, les lanceurs étaient des missiles balistiques (donc de toute façon voués à la destruction).
Le concept de la réutilisabilité n’est pas neuf (7). Cependant, aucun opérateur n’avait réussi, avant SpaceX, à le rendre fiable et compétitif. Du côté européen, la réutilisabilité avait déjà fait l’objet
d’études poussées de la part de plusieurs industriels et agences spatiales. L’Agence spatiale européenne (ESA) a d’ailleurs un temps envisagé ce modèle pour remplacer Ariane 5 avant de renoncer.
La rupture réalisée par SpaceX (qui sera mise en oeuvre sur le New Glenn de Blue Origin) repose sur un nouveau concept. Celui-ci consiste à ramener, en position verticale, l’ensemble du premier étage du lanceur (qui représente environ 70 % du coût total du lanceur) afin de le remettre en état de vol (mode dit « toss back »). Cette méthode adoptée par SpaceX exploite, en réalité, des recherches conduites conjointement dans les années 1990 par le Département de la Défense américain, la NASA et l’industriel McDonnell Douglas au sein du programme Delta Clipper Experimental.
Ce programme de développement fut mené sur cinq ans : initialement en 2012-2014 avec deux démonstrateurs à basse altitude appelés Grasshopper, ensuite, en 2014-2015, avec la méthode dite de « test as we fly », durant laquelle la société parvint à récupérer avec succès pour la première fois un booster. Le concept est aujourd’hui largement validé et maîtrisé d’un point de vue technique, comme l’ont démontré les nombreux retours (plus d’une vingtaine depuis 2015) effectués avec succès. SpaceX est à ce jour le seul opérateur à maîtriser correctement le concept pour un lanceur de classe orbitale ( Falcon 9), au moins pour le premier étage. Une des originalités de la méthode choisie a été de développer Falcon 9 d’abord comme lanceur consommable classique, mais à bas coût, puis d’en développer dans un second temps la réutilisabilité. Cette évolution possible a dû être prise en considération dès la conception du lanceur. La carrière du Falcon 9 débuta modestement avec une version 1.0 uniquement utilisée par la NASA pour le ravitaillement matériel de l’ISS. Un premier contrat de 12 lancements fut signé en 2008 pour 12 vols entre 2012 et 2017, et 14 nouveaux lancements sont prévus entre 2017 et 2024 par nouveau contrat. Dans ce dernier, figurait au programme le Crew Dragon pour l’envoi d’humains en orbite. L’arrimage réussi de la capsule Crew Dragon avec ses deux astronautes à l’ISS le 31 mai 2020 marque aussi le retour de la NASA au premier plan.
Quelles conséquences pour l’Europe spatiale ?
L’Europe spatiale apparaît encore fragile face aux bouleversements du New Space [voir l’entretien avec P. Baudry p. 54]. Longtemps, le groupe européen a profité d’une situation de quasi-monopole en matière de lancement de satellites. Avec le lanceur moyen Soyouz sur le pas de tir guyanais et le lanceur léger Vega, Arianespace parvenait à couvrir la totalité du spectre des orbites (8). Cette période faste semble aujourd’hui
L’une des faiblesses des solutions européennes dans le domaine des lancements réside dans le décalage existant entre le coût réel d’un lanceur européen et le prix moyen du marché.
révolue. Or le succès commercial d’Ariane semble avoir conduit l’Europe spatiale à repousser les réformes indispensables pour affronter des entreprises sur le modèle de SpaceX. Un exemple frappant est le manque de conviction qui a présidé à la réponse de l’ESA à l’appel d’offres de la NASA pour la sélection d’un nouveau vaisseau de ravitaillement de l’ISS. La solution ATV (9) proposée par l’ESA trahissait le manque d’engouement du groupe européen pour ce marché. À l’inverse, SpaceX, à la recherche d’un maximum de financements publics, n’avait pas hésité à oeuvrer pour que sa solution industrielle soit à terme retenue. Cette stratégie lui permit d’échapper à la faillite et de compléter son carnet de programmes.
Des interrogations demeurent quant à savoir si l’Europe a pris la mesure des défis posés par le New Space et la politique agressive de SpaceX sur les prix. Grâce à des méthodes de production nouvelles très simplifiées et, il est vrai, un niveau de commandes élevé de la NASA, SpaceX parvint à présenter des offres de lancements 30 % inférieures aux prix moyens du marché.
La proposition faite par Arianespace en 2014 à travers le futur lanceur Ariane 6 visait expressément à parvenir à une réduction du coût de ses lancements. Or il apparaît qu’Ariane 6 ne sera qu’une solution provisoire appelée à évoluer pour devenir compétitive à long terme. Certes, Arianespace compte franchir une nouvelle étape avec le développement d’Ariane 6 Évolution à partir de 2025. Cette perspective risque de grandement compliquer un calendrier des dépenses prévisionnelles déjà très serré. En effet, les pouvoirs publics européens seront confrontés au financement simultané du développement d’Ariane 6, de ses évolutions technologiques, ainsi que des versions réutilisables équipées du moteur à bas coût Prometheus (sans compter les démonstrateurs d’étage récupérable Callisto et Themis). De telles améliorations s’avéreront indispensables pour faire face à la concurrence américaine. Or l’une des faiblesses des solutions européennes dans le domaine des lancements réside dans le décalage existant entre le coût réel d’un lanceur européen et le prix moyen du marché (décalage longtemps compensé par le
programme EGAS dans le cadre d’Ariane 5). Pour le développement d’Ariane 6, Airbus et Safran s’étaient engagés à mettre en place un nouveau système de gouvernance devant assurer la compétitivité du lanceur européen du futur. La présentation de cette solution avait un objectif stratégique de premier ordre : prendre la direction de la filière des lanceurs au détriment du CNES français. Or, il semble que les industriels demandent toujours davantage de participation financière en soutien à l’exploitation, au détriment de l’innovation technologique. De surcroît, l’Agence spatiale européenne a tardé à convaincre ses États membres de la nécessité d’investir dans des lanceurs plus économiques. Il a fallu, en effet, attendre le conseil ministériel de l’ESA du 2 décembre 2014, réuni à Luxembourg, pour que soit lancé, avec l’entreprise ArianeGroup, le programme des Ariane 6.2 (capacité de lancement de 4,5 tonnes en orbite de transfert géostationnaire — GTO — et de 7 tonnes en orbite héliosynchrone) et 6.4 (capacité d’emport en orbite GTO de 12 tonnes). Ces lanceurs sont appelés à remplacer Ariane 5 dès 2023. Plus spécifiquement, Ariane 6.2 remplacera le lanceur Soyouz. Le premier envol d’Ariane 6, initialement prévu en septembre 2020, a fait les frais de la crise de la COVID-19 et aucune nouvelle date n’a encore été fixée.
Un nouveau champ d’incertitudes
Toutefois, l’environnement dans lequel opéreront demain les versions 6.2 et 6.4 d’Ariane se révélera hautement concurrentiel : fusée Falcon Heavy (concurrente directe d’Ariane 6.4), lanceur H3 (Japon), fusée Vulcan de United Launch Alliance (États-Unis), un nouveau lanceur d’Orbital ATK (États-Unis), la fusée Soyouz 5 de Roscosmos (Russie), ainsi que le lanceur New Glenn de Blue Origin. Les niveaux de rentabilité envisagés risquent d’être compromis. Cet environnement s’avère à l’inverse des plus propices pour les entreprises privées du New Space, qui, à l’instar de SpaceX, disposent d’une plus grande marge de manoeuvre sur les prix en raison du soutien que leur offrent les États-Unis au travers de commandes institutionnelles. Du reste, l’avenir dira si l’architecture étonnante du futur lanceur Ariane 6 pourra tenir ses promesses. En effet, la structure d’Ariane 6 n’est pas la résultante d’une volonté commune d’avancer sur une solution technologique porteuse, mais le produit des divergences entre la France et l’Allemagne à propos de la nécessité de concevoir un nouveau lanceur pouvant rivaliser avec les solutions développées par les entreprises du New Space. L’Allemagne privilégiait une approche de réduction du risque technologique (et défendait le principe d’une amélioration technique d’Ariane 5). La France, quant à elle, insistait sur l’importance d’un bond technologique pour la mise au point d’un lanceur de nouvelle génération. Finalement, c’est une solution intermédiaire qui fut retenue. Il reste pour l’Europe spatiale à prouver la pertinence de ses choix dans un secteur en pleine mutation.
Notes
(1) International Space Station.
(2) Alessandra Vernile, The Rise of Private Actors in the Space Sector, Vienne, European Space Policy Institute & Springer, 2018, p. 4.
(3) À cela s’ajoutaient encore la faillite de Sea Launch en 2009 (développeur du lanceur Zenit-3SL) et la survenance de problèmes de fiabilité récurrents sur le lanceur Proton de la société International Launch Service (ILS).
(4) The Space Report: The Authoritative Guide To Global Space Activity, Washington D.C., The Space Foundation, 2019.
(5) Northrop Grumman sera chargé de l’élément de transfert (assurant la liaison physique entre la future station lunaire et l’orbite lunaire basse), Lockheed Martin concevra l’étage réutilisable et Draper développera les systèmes de guidage et de pilotage. Pierre-François Mouriaux, « L’OPA de Blue Origin sur le programme lunaire Artemis », Air & Cosmos, 24 octobre 2019.
(6) Gil Denis, Xavier Pasco et Helène Huby, The Challenge of Future Space Systems and Services in Europe, Paris, Fondation pour la recherche stratégique, 4 juin 2015 (https://www.frstrategie.org/publications/defense-et-industries/ web/documents/2015/4-2.pdf).
(7) Le programme de navette spatiale était fondé sur ce principe.
(8) Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la politique des lanceurs spatiaux, par Sophie Primas et Jean-Marie Bockel, Sénat, session ordinaire de 2019-2020, rapport no 131, 19 novembre 2019.
(9) Automated Transfer Vehicle (« véhicule de transfert automatique »). Avec sa solution ATV, l’ESA envisageait de pouvoir arrimer son système de ravitaillement à un lanceur Delta IV américain.
La structure d’Ariane 6 n’est pas la résultante d’une volonté commune d’avancer sur une solution technologique porteuse, mais le produit des divergences entre la France et l’Allemagne à propos de la nécessité de concevoir un nouveau lanceur pouvant rivaliser avec les solutions développées par les entreprises du New Space.