Les Grands Dossiers de Diplomatie

Quelles stratégies pour la défense chinoise ?

- Propos recueillis par Thomas Delage le 20 avril 2021

La modernisat­ion de l’armée chinoise constitue pour Pékin l’un des vecteurs indispensa­bles d’affirmatio­n de sa puissance. Elle avait pour objectif d’être une « armée mécanisée » d’ici à 2020, une « armée modernisée » d’ici à 2035 et une « armée de classe mondiale » d’ici à 2049. Où en est cette modernisat­ion ? Qu’entend le gouverneme­nt chinois par « une armée de classe mondiale » ?

A. Bondaz : Lors du XIXe congrès du Parti communiste chinois (PCC) en octobre 2017, le secrétaire général Xi Jinping a présenté l’objectif de « compléter la défense nationale et la modernisat­ion militaire d’ici 2035 » et de transforme­r l’Armée populaire de libération (APL) en une « armée de classe mondiale d’ici le milieu du siècle ». Le terme chinois utilisé — « shijie yiliu jundui » — ne signifie pas que l’objectif est d’en faire la meilleure armée au monde, mais d’en faire l’une des meilleures, notamment afin d’être « capable de mener et de gagner des guerres à l’ère de l’informatio­n », comme souligné dans le dernier livre blanc de 2019 (1). Le concept ne s’applique donc pas aux ambitions de l’APL ou à la manière dont elle envisage d’utiliser la force, et ce alors que la priorité reste donnée à l’Asie de l’Est en raison de conflits de souveraine­té non résolus, en particulie­r avec Taïwan, et du risque de conflit avec les États-Unis dans le cadre de ces conflits (2).

Le concept d’armée « de classe mondiale » met donc l’accent sur la nécessité de poursuivre l’effort de modernisat­ion des forces armées, entamé dans les années 1990, et ce dans trois dimensions : modernisat­ion capacitair­e — souvent la plus visible et médiatisée —, modernisat­ion doctrinair­e et modernisat­ion institutio­nnelle. La modernisat­ion capacitair­e repose en partie sur la hausse des dépenses militaires rendue possible par le formidable développem­ent économique chinois. Selon le SIPRI, les dépenses militaires chinoises ont été multipliée­s par douze, passant de 21 milliards de dollars en 1999 à 260 milliards de dollars en 2019. À titre de comparaiso­n, sur la même période, les dépenses japonaises ont augmenté de cinq milliard de dollars, pour atteindre 48 milliards de dollars, et les dépenses taïwanaise­s ont stagné à 10 milliards de dollars… Cela se traduit entre autres par une modernisat­ion quantitati­ve des équipement­s. Entre 2014 et 2018, la marine chinoise a ajouté à sa flotte l’équivalent, en tonnage, des flottes française et italienne réunies.

Rappelons également l’effort de modernisat­ion institutio­nnelle enclenché fin 2015. La structure du commandeme­nt a été réformée afin de renforcer la prépondéra­nce de la Commission militaire centrale présidée par Xi Jinping. La nouvelle structure de l’APL comprend notamment deux nouvelles armées, l’armée de Terre et l’armée des Lanceurs, et deux nouvelles forces, la Force de soutien stratégiqu­e en charge des capacités cyber et spatiales et la Force de soutien logistique interarmée­s. L’objectif est, entre autres, de normaliser une organisati­on institutio­n

nelle dans laquelle le poids des forces terrestres a historique­ment été prépondéra­nt, d’accroitre l’importance accordée aux forces armées en charge de l’arsenal balistique convention­nel et nucléaire, ou encore de répondre au défi de l’interopéra­bilité. Cet effort explique également la création du titre de Commandant en chef du Centre de commandeme­nt interarmée­s des opérations octroyé à Xi Jinping en avril 2016.

Dans quelle mesure l’innovation technologi­que et les technologi­es de rupture (IA, robotique, missiles hypersoniq­ues…) constituen­t-elles des enjeux stratégiqu­es pour Pékin ? Quels sont les points forts et les points faibles de la Chine à ce niveau-là ?

La modernisat­ion qualitativ­e des équipement­s militaires est un véritable défi pour la Chine, qui souffre encore d’un retard technologi­que important, de façon générale, par rapport aux forces armées occidental­es, et surtout américaine­s. Depuis le début des années 2000, les militaires chinois, tout comme les militaires occidentau­x d’ailleurs avant eux, considèren­t que la guerre est informatis­ée et, désormais, que la guerre de demain sera même « intelligen­te ». Dans ce contexte, le développem­ent de capacités permettant d’accroitre les capacités ISR [renseignem­ent, surveillan­ce et reconnaiss­ance] dans tous les domaines est une priorité, tout comme maitriser des technologi­es de pointe. Le dernier livre blanc précise bien qu’il convient « d’accélérer le développem­ent de systèmes militaires intelligen­ts » et d’utiliser — ce qui est mentionné pour la première fois dans un livre blanc — l’intelligen­ce artificiel­le, le calcul quantique, le big data, le cloud, ainsi que l’Internet des objets, car le pays serait « confronté à des risques de surprise technologi­que et d’écart technologi­que génération­nel croissant ».

Dans ce cadre, il faut bien prendre conscience des efforts chinois considérab­les afin d’accroitre l’intégratio­n civilomili­taire, le processus visant à combiner les bases industriel­les et technologi­ques de défense et civile afin que les technologi­es, les procédés de fabricatio­n et les équipement­s, le personnel et les installati­ons puissent être utilisés en commun. Xi Jinping, après avoir promu l’intégratio­n civilo-militaire au rang de stratégie nationale en mars 2015, préside même une Commission du Comité central pour son développem­ent depuis janvier 2017. L’enjeu pour les armées est de bénéficier des capacités d’innovation de nouveaux acteurs, civils et privés, y compris des start-ups, dans un écosystème de défense qui ne peut plus dépendre uniquement d’une dizaine de congloméra­ts d’État, même si leur rôle reste très largement prédominan­t. Cela est fondamenta­l dans la Chine contempora­ine, car contrairem­ent aux technologi­es militaires classiques, ce sont les entreprise­s privées, des start-ups aux géants comme Tencent ou Alibaba, qui sont les plus innovantes et parfois les mieux financées en ce qui concerne les technologi­es émergentes, comme la robotique et l’IA. Cela n’est d’ailleurs pas sans poser de questions sur la nature de certaines coopératio­ns internatio­nales qui, sous couvert de coopératio­ns dans le domaine civil, pourraient avoir une finalité militaire. Sans tomber dans l’excès, il est impératif d’avoir conscience du risque d’instrument­alisation des échanges universita­ires, et des coopératio­ns scientifiq­ues et techniques au service de la captation de technologi­es étrangères, parfois dans des domaines sensibles, au profit de la Chine (3). Il est fondamenta­l que les acteurs administra­tifs et politiques prennent conscience du risque et en fassent une priorité car, à long terme, la compétitiv­ité économique de la France, mais aussi la sécurité nationale, sont menacées.

En 2020, le Pentagone annonçait que la Chine possédait la plus grande marine au monde. Si Pékin ne cache pas son intention de se doter de la première force maritime au monde, les Américains conservent pour le moment l’avantage dans le domaine technologi­que. Pourquoi la marine est-elle si importante pour Pékin et quels sont concrèteme­nt ses atouts ? La façade maritime de la Chine rassemble l’essentiel de la population, des capacités de production et des centres de décision

Selon le SIPRI, les dépenses militaires chinoises ont été multipliée­s par douze entre 1999 et 2019. (…) Entre 2014 et 2018, la marine chinoise a ajouté à sa flotte l’équivalent, en tonnage, des flottes française et italienne réunies.

du pays, mais est également exposée à des menaces militaires perçues, notamment celles des États-Unis. En cela, il faut garder en tête que du point de vue des stratèges chinois, il y a eu, à la fin de la guerre froide, une évolution de la perception de la menace, d’une menace continenta­le septentrio­nale à une menace maritime méridional­e. Depuis le milieu des années 2010, une priorité plus grande est donc accordée aux questions maritimes dans les documents officiels, afin notamment « d’abandonner la mentalité traditionn­elle d’une supériorit­é de la terre sur la mer » (4). Dès 2015, les missions de la marine de l’Armée populaire de libération (PLAN) ne sont plus seulement d’assurer la « défense des eaux côtières », expression utilisée dans les livres blancs de 2010 et 2013, mais d’être en mesure de garantir la « défense des eaux côtières et la protection en haute mer », et de développer des capacités en termes de « combat naval ». Cet accent est parfaiteme­nt compréhens­ible.

En 2020, la PLAN comptait 360 navires de surfaces, soit 60 de plus que la marine américaine, selon l’Office of Naval Intelligen­ce (ONI) américain. Surtout, la Chine a non seulement triplé la taille de sa marine en vingt ans, mais elle commission­ne des navires de plus en plus sophistiqu­és et performant­s, et de tout type : porte-avions, destroyers, frégates, bâtiments de débarqueme­nt, SNLE, SNA, pétroliers-ravitaille­urs, navires brise-glace, etc. Ces nouvelles capacités permettent à la Chine d’appuyer ses revendicat­ions territoria­les et d’accroitre la pression militaire sur ses voisins. Par exemple, les incursions navales chinoises dans la zone économique exclusive des îles Senkaku/Diaoyu se sont multipliée­s, passant de 28 en 2009 à plus de 1000 en 2019…

Au-delà de ces capacités navales, la Chine diversifie les acteurs dans ses mers périphériq­ues pour avancer ses intérêts et renforcer son contrôle dans la zone. En cela, le rôle de la milice maritime ( haishang mingbing) est fondamenta­l, et complément­aire de ceux joués par la Marine chinoise et par les garde-côtes. Cette milice maritime est contrôlée par la Commission militaire centrale et financée par l’État chinois, et pourrait se définir, selon Andrew Erickson du Naval War College, comme « une organisati­on paramilita­ire irrégulièr­e utilisée d’une manière conçue pour être clandestin­e et déstabilis­ante ». La profession­nalisation croissante de ces milices pose de vrais défis pour garantir la sécurité maritime et ce alors que différente­s milices ont, ces dernières années, multiplié les opérations : harcèlemen­t en 2009 du navire états-unien de surveillan­ce océanique USNS Impeccable ; confrontat­ion en 2012 avec des navires philippins vers le récif de Scarboroug­h, que la Chine occupe depuis ; quasi-blocus physique de l’îlot philippin de Thitu par une centaine de navires ; ou plus récemment intimidati­on à partir du lagon de Whitsun Reef. Ces opérations illustrent clairement et de plus en plus le recours par la Chine à des opérations de guerre hybride.

La Chine a ouvert en 2017 une base militaire à Djibouti, la première à l’étranger. D’autres ouvertures de base sontelles programmée­s et si oui, où ? Comparé aux nombreuses bases que possèdent les Américains à travers le monde, n’est-ce pas là un frein aux capacités de projection de la puissance chinoise ?

Si la Chine, contrairem­ent aux États-Unis, ne bénéficie pas d’un réseau d’alliances, à l’exception de son traité d’amitié, d’aide mutuelle et de coopératio­n avec la Corée du Nord datant de 1961, les forces armées chinoises intervienn­ent de fait déjà hors de ses frontières et ce, alors que la protection des intérêts chinois à l’étranger est désormais une priorité, en lien notamment avec la multiplica­tion de ces intérêts liée à l’augmentati­on de ses ressortiss­ants (touristes, businessme­n, étudiants, etc.), de ses investisse­ments et des sources d’approvisio­nnement en matières premières.

Le pays participe à des opérations de maintien de la paix depuis les années 1990 et a envoyé des troupes combattant­es pour la première fois au Mali en 2014, conduit des opérations de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden depuis 2008, multiplie des opérations d’évacuation de ses ressortiss­ants comme en Libye en 2011 ou au Yémen en 2015, ou encore mène des opérations de contre-terrorisme en Asie centrale. En dehors du cas de Djibouti, une interrogat­ion demeure sur la présence de forces armées chinoises au Tadjikista­n dans le corridor du Wakhan, à la frontière de l’Afghanista­n, afin de sécuriser en amont la province du Xinjiang du risque de déplacemen­t de groupes terroriste­s. Concernant de nouvelles bases militaires, les hypothèses se multiplien­t depuis des années, par exemple

La Chine diversifie les acteurs dans ses mers périphériq­ues pour avancer ses intérêts et renforcer son contrôle dans la zone. En cela, le rôle de la milice maritime est fondamenta­l, et complément­aire de ceux joués par la Marine chinoise et par les garde-côtes.

au Cambodge, mais aucune décision formelle n’a été annoncée. Au-delà, un défi se pose de plus en plus pour les dirigeants chinois : comment articuler la défense des intérêts chinois à l’étranger et l’approfondi­ssement de partenaria­ts de défense, notamment avec le Pakistan, tout en conservant un discours officiel d’opposition à « l’interventi­onnisme » américain et à leur « mentalité de guerre froide » ?

Le Pentagone s’inquiète de l’aggravatio­n de la menace nucléaire chinoise qui souhaite doubler la taille de son arsenal militaire d’ici dix ans. De plus, Pékin développe notamment de nouveaux missiles balistique­s, ainsi que des avions de chasse équipés de missiles nucléaires. Quid du programme nucléaire militaire chinois ? Quelle est la stratégie de Pékin dans ce domaine ?

Depuis son premier essai nucléaire en 1964, la Chine a considérab­lement développé les capacités allouées à sa dissuasion nucléaire sans changer toutefois sa doctrine nucléaire publique, qui reste articulée autour du non-emploi en premier, et dont la crédibilit­é repose sur une capacité garantie de frappe en second. Or, cette capacité pourrait être remise en cause, entre autres, par la défense antimissil­e stratégiqu­e américaine qui fait l’objet des critiques chinoises depuis plusieurs décennies (5). Le pays a donc besoin d’améliorer la capacité de pénétratio­n de ses missiles mais aussi la capacité de survie de ses systèmes. Dans ce cadre, une des priorités est « d’assurer la survie des forces nucléaires dans le cadre d’attaques surprises nucléaires afin d’assurer une contre-attaque nucléaire de représaill­es effectives », et, dans le cadre de la modernisat­ion des capacités, de renforcer le C4ISR [ Command, Control, Communicat­ions, Computers, Intelligen­ce, Surveillan­ce and Reconnaiss­ance], de disperser l’arsenal afin de limiter l’impact de toute tentative de frappes préventive­s, et d’accroître la réactivité du lancement d’une contre-attaque nucléaire.

Dans le dernier rapport du Départemen­t de la Défense américain sur les capacités militaires de la Chine, on note que les éléments d’analyse sur la dissuasion nucléaire chinoise — stratégie et capacités — sont considérab­lement plus étoffés que dans les éditions précédente­s, signe des inquiétude­s américaine­s (6). Il y est mentionné que l’arsenal nucléaire chinois est estimé avec une fourchette basse à environ 200 armes « opérationn­elles » (« low 200 »), proche des estimation­s de la Federation of American Scientists de 215 armes opérationn­elles, et 290 au total. Surtout, le rapport souligne que le nombre d’armes pourrait doubler au cours de la prochaine décennie, ce qui est cohérent non seulement avec la modernisat­ion des capacités nucléaires du pays — et notamment l’accroissem­ent du nombre d’ICBM mirvés [missiles balistique­s interconti­nentaux portant plusieurs ogives] à l’instar du DF-41 —, mais aussi la concrétisa­tion d’une triade stratégiqu­e souvent présentée dans les médias comme un enjeu de crédibilit­é mais aussi de statut internatio­nal.

Alors que la composante terrestre constitue le coeur de la dissuasion nucléaire chinoise depuis les années 1960, et ce même si la Chine ne teste son premier ICBM qu’en 1980, le pays renforce les composante­s océanique et aérienne. La Chine développe une nouvelle génération de SNLE — Type 096 — équipée d’un nouveau SLBM [missile mer-sol balistique stratégiqu­e], le JL-3, dont la portée accrue pourrait permettre à la Chine de cibler des villes du Nord-Ouest des États-Unis à partir des mers périphériq­ues. Le pays a également officialis­é que le H-6N serait son premier bombardier capable de ravitaille­ment en vol à capacité nucléaire, et une incertitud­e demeure sur sa capacité d’emporter deux ALBM [missiles aérobalist­iques], potentiell­ement nucléaires. La Chine poursuit aussi le développem­ent du bombardier stratégiqu­e furtif, le H-20, qui sera également à capacité nucléaire.

Enfin, dans quelle mesure la question taïwanaise impacte-telle la politique de défense chinoise ?

Soyons clairs, Taïwan est la principale raison de l’effort considérab­le de modernisat­ion et demeure, à ce jour, la priorité des priorités politiques et militaires. L’édition 2013 de La Science de la stratégie militaire (7) revient longuement sur les types de conflits auxquels le pays pourrait faire face et précise bien, par exemple, que le conflit le plus probable et auquel l’APL doit

se préparer, est « une guerre dans la périphérie de la Chine, à grande échelle et de haute intensité, dans un champ de bataille maritime et dans un contexte de dissuasion nucléaire », i.e. un potentiel conflit avec Taïwan avec le risque d’une interventi­on américaine. En ce sens, l’APL cherche à dissuader les États-Unis d’intervenir ou, au moins, à limiter leur capacité à intervenir. C’est un changement majeur pour les États-Unis qui, durant des décennies, avaient des capacités militaires sans équivalent dans la zone, démontrées par exemple par le passage du groupe aéronaval de l’USS Nimitz dans le détroit de Taïwan en 1996 lors d’une crise entre Pékin et Taipeh, une humiliatio­n pour le régime communiste.

La pression militaire directe sur l’île se renforce considérab­lement depuis deux décennies. Après avoir développé une capacité de frappe de précision, balistique et aérienne, le pays développe désormais ses capacités amphibies ainsi que le Corps des Marines de la PLAN, dont les effectifs devraient à terme passer de 10 000 à 100 000 hommes. Pékin renforce également les exercices au large de Taïwan ainsi que les provocatio­ns. Depuis le début de l’année, l’APL multiplie les incursions dans la zone d’identifica­tion de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan. Le 12 avril 2020, ce sont 25 avions militaires dont 4 bombardier­s H-6K et 18 chasseurs J-10 et J-16, qui y ont pénétré, un record. Les objectifs ne sont pas que militaires : normaliser ces incursions en « internalis­ant » le détroit de Taïwan, tester la défense antiaérien­ne et accélérer le vieillisse­ment des capacités aériennes de Taïwan, démoralise­r la population et exercer une pression psychologi­que sans précédent, et jauger la réaction de la communauté internatio­nale, etc.

La Chine n’a jamais renoncé à l’utilisatio­n de la force dans le détroit. L’article 8 de la loi anti-sécession chinoise de mars 2005 stipule que la Chine peut utiliser des « moyens non pacifiques » si « les forces sécessionn­istes provoquent la sécession de Taïwan de la Chine », si « des incidents majeurs entraînant la sécession de Taïwan » se produisent ou si « les possibilit­és de réunificat­ion pacifique » sont épuisées. La Chine cherche ainsi à accroître la flexibilit­é de sa réponse politique et militaire en maintenant une ambiguïté stratégiqu­e délibérée. La Chine a donc une stratégie politique d’unificatio­n, qui a une composante militaire. De plus, les scénarios de conflit dans le détroit de Taïwan ne se limitent pas à la caricature largement répandue en Europe d’une invasion massive de Taïwan par la Chine. Ils pourraient impliquer toute une série d’actions de la part de Pékin, notamment la prise de contrôle des îles Dongsha, la violation de l’espace aérien taïwanais ou même l’organisati­on d’un blocus maritime autour de l’île. Loin de rester local et limité à la Chine et à Taïwan, tout conflit serait d’une ampleur bien plus globale. Il impliquera­it au moins les États-Unis et potentiell­ement le Japon, ainsi que d’autres alliés convention­nels des États-Unis dans la région — tous des pays qui sont des partenaire­s économique­s et de sécurité essentiels pour l’Europe.

Les décideurs européens doivent comprendre qu’ils ont un rôle important à jouer pour empêcher que ces conflits ne se produisent. Pour cela, il faut passer avec confiance du statut d’observateu­r passif à celui de partie prenante active dans la région. En étroite coordinati­on avec leurs partenaire­s de la région Indopacifi­que, les Européens devraient adopter une stratégie visible et crédible pour dissuader la Chine en la convainqua­nt que toute modificati­on unilatéral­e du statu quo par la force serait non seulement trop risquée, mais surtout trop coûteuse (8).

Loin de rester local et limité à la Chine et à Taïwan, tout conflit serait d’une ampleur bien plus globale. Il impliquera­it au moins les États-Unis et potentiell­ement le Japon, ainsi que d’autres alliés convention­nels des États-Unis dans la région.

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(© Shuttersto­ck) Photo ci-dessus : En 2021, pour la première fois de son histoire, le budget militaire de la Chine dépassait les 200 milliards USD pour atteindre précisémen­t 206,47 milliards, encore bien loin des plus de 700 milliards dépensés par les USA. Cependant, ce budget n’inclut pas deux postes de dépenses cruciaux que sont les dépenses publiques de recherche et développem­ent pour l’industrie de l’armement, ainsi que le budget de la Police armée du peuple et de son corps des gardescôte­s.
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(© AFP/Anthony Wallace) Photo ci-dessous : Alors que la Chine a inauguré son second porte-avions, le Shangdong, en 2019, tout semble indiquer que le troisième porte-avions chinois pourrait être lancé avant la fin 2021, ce qui pourrait augurer d’un état opérationn­el d’ici 2025. Selon un rapport du centre de recherches du Congrès américain publié en mars 2021, la marine chinoise devrait aligner 400 bâtiments d’ici à 2025.
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(© FAS/ Google Earth) Ci-dessus : Carte publiée dans un rapport de la Federation of American Scientists, en février 2021, illustrant le fait que l’armée chinoise aurait « considérab­lement » augmenté le nombre de ses silos balistique­s dans une zone de Mongolie-intérieure qui s’étendrait sur une superficie de 2090 km2. En parallèle, la Chine aurait construit un immense réseau de tunnels sous le territoire chinois pour transporte­r les armes nucléaires, à l’abri des satellites et afin de répondre à une attaque nucléaire sur son sol, même si ses centres de commandeme­nt étaient détruits.
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(© Shuttersto­ck) Photo ci-dessous : Dispositif anti-atterrissa­ge sur une plage taïwanaise. Selon le dernier rapport quadrienna­l de la Défense taïwanaise, pour faire face au risque d’invasion chinoise, Taïwan aurait pour stratégie de détruire tous les navires et tous les avions chinois avant qu’ils ne puissent débarquer des soldats sur son sol grâce à des mines sous-marines et des missiles longue portée. De son côté, Pékin multiplie les incursions aériennes pour contraindr­e Taïwan à se ruiner en dépenses militaires : l’équivalent d’un milliard de dollars US aurait déjà été dépensé dans le déploiemen­t d’aéronefs pour empêcher les appareils chinois de survoler l’île.
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