Les Grands Dossiers de Diplomatie

Russie/Golfe : Quels objectifs ? Quelles stratégies ?

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Jusqu’à tout récemment, le principal objectif de la diplomatie russe dans la région du Golfe était de rallier les monarchies pétrolière­s (Arabie saoudite, Qatar) à l’idée d’une normalisat­ion graduelle du régime syrien et au financemen­t de la reconstruc­tion de ce pays ravagé par plus de dix années de guerre. Cet investisse­ment devait ainsi permettre à la Russie de parachever son projet de stabilisat­ion de la Syrie et aux

États golfiens de retrouver une certaine influence sur cette terre sunnite face à leur adversaire iranien chiite.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquenc­es délétères pour l’économie mondiale paralysent la capacité à moyen terme des Russes d’atteindre cet objectif et placent à court terme les États du Golfe, pris en étau entre la Russie et les États-Unis, dans une impasse politique. Ne souhaitant pas trancher entre deux alternativ­es qui leur permettaie­nt jusqu’à présent de jouir d’une certaine autonomie sur la scène internatio­nale, les membres du Conseil de coopératio­n du Golfe tentent pour l’heure d’afficher une apparence de neutralité. Bien qu’ils aient tous voté le 2 mars dernier en faveur d’une résolution onusienne contre la guerre en Ukraine, chacun s’est bien gardé de condamner publiqueme­nt les actions de Moscou. Surtout, aucun n’a pour le moment participé au régime de sanctions imposées par les pays occidentau­x. Ce positionne­ment se révèle toutefois plus particuliè­rement difficile à maintenir pour un pays comme les Émirats arabes unis, qui vient d’entamer un mandat de deux ans comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Si Moscou peut actuelleme­nt compter sur la coopératio­n de ses partenaire­s golfiens (Émirats arabes unis, Bahreïn) pour contourner les sanctions et maintenir les prix des hydrocarbu­res (Arabie saoudite), il n’est pas sûr, à l’heure d’écrire ces lignes, que les États du Golfe puissent résister durablemen­t aux pressions occidental­es pour interrompr­e leurs liens économique­s avec la Russie. d’une escalade du conflit, aucun revirement de situation majeur n’est à prévoir dans la relation entre la Russie et les pays de la région. En revanche, tout enlisement sur le terrain engendrera­it des fractures géopolitiq­ues proportion­nelles au degré de résistance aux pressions occidental­es.

(1) À l’heure d’écrire ces lignes, seuls l’Afghanista­n, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Israël, le Qatar et la Turquie n’ont pas encore envoyé d’ambassadeu­rs en Syrie. En Afrique du Nord, le Maroc est l’unique État à ne pas avoir voulu rouvrir son ambassade syrienne. (2) Projet institué lors d’une conférence pour la paix en Syrie tenue à Sotchi en 2018, le Conseil constituti­onnel syrien est composé de 150 membres représenta­nt le gouverneme­nt syrien, l’opposition et la société civile sous l’égide de l’ONU. Ils sont chargés de rédiger une nouvelle Constituti­on syrienne qui puisse convenir à l’ensemble des partis.

(3) Cette loi votée par le Congrès américain prévoit de lourdes sanctions contre les entités commerçant avec le régime de Bachar el-Assad.

(4) Le premier tronçon du Turkish Stream a été inauguré le 8 janvier 2020 et Gazprom a déjà débuté ses livraisons de gaz à la Bulgarie et à la Macédoine du Nord. La société d’État prospecte actuelleme­nt de nouveaux clients en Europe. (5) https://www.offshore-energy.biz/turkey-unveils-new-gas-discovery-in-black-sea/

(6) La décision turque de 2017 d’acheter les systèmes de missiles russes S-400 a déclenché une série d’événements secondaire­s qui ont précipité les intérêts de la Turquie à s’associer à Kiev pour la confection de moteurs, domaine dans lequel le savoir-faire d’Ankara éprouve une carence.

(7) Signée en 1936, la convention de Montreux sur les détroits accorde à la Turquie un contrôle exclusif des voies navigables qui parcourent son territoire et lui permet notamment d’empêcher le passage des navires militaires en temps de guerre.

(8) https://www.aa.com.tr/fr/turquie/turquie-un-autre-navire-militaire-russe-traverse-le-d%C3%A9troit-des-dardanelle­s/2504396 (9) Le porte-parole du gouverneme­nt israélien a justifié cette non-observatio­n du sabbat en disant que le principal objectif de cette visite était la préservati­on de la vie humaine.

(10) https://www.al-monitor.com/originals/2022/01/ egypt-oman-confer-possible-syrian-return-arab-fold

(11) https://www.aa.com.tr/en/politics/libya-s-presidency-council-calls-for-stronger-relations-with-russia/2374733

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 ?? ?? Photo ci-dessus : D’ordinaire des alliés fiables de l’Occident au Moyen-Orient, la position des Émiratis a surpris lorsque ces derniers se sont abstenus — aux côtés de la Chine et de l’Inde — lors du vote du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant l’offensive militaire russe en Ukraine. (© UN/Loey Felipe)
Photo ci-dessus : D’ordinaire des alliés fiables de l’Occident au Moyen-Orient, la position des Émiratis a surpris lorsque ces derniers se sont abstenus — aux côtés de la Chine et de l’Inde — lors du vote du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant l’offensive militaire russe en Ukraine. (© UN/Loey Felipe)

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