Les Grands Dossiers de Diplomatie
Le Togo : un paysage religieux en pleine transformation
L’évolution du paysage religieux togolais est un bon exemple des différents mécanismes pouvant modifier la démographie des religions en Afrique subsaharienne. À l’orée des années 1990, les religions traditionnelles y étaient encore très majoritaires (40 % de la population) (1). À l’opposé, les confessions chrétiennes non catholiques (églises protestantes et évangéliques) et musulmanes ne représentaient alors qu’environ 10 % de la population chacune. Sur les décennies qui ont suivi, le poids des religions traditionnelles a constamment diminué pour ne plus représenter que 15 % des femmes au milieu de la décennie 2010. Dans le même temps, le poids démographique des musulmanes et des protestantes et évangéliques a lui très fortement progressé. Les chrétiennes non catholiques voient leur importance multipliée par 3,5 en 25 ans, pour devenir le premier groupe religieux. L’augmentation de la population musulmane est également très forte, avec un taux de croissance de près de 70 % sur la période.
Une partie de ces évolutions peut s’expliquer par des différentiels de fécondité. Sur toute la période, les musulmanes ont fait en moyenne environ un enfant de plus que les catholiques, une fois prise en compte la mortalité infantile qui est plus forte pour les musulmanes. Mais la fécondité n’explique qu’une partie seulement des évolutions constatées. Les femmes déclarant une religion traditionnelle sont les plus fécondes de l’ensemble des groupes religieux et pourtant, leur poids démographique a baissé de plus de 50 %. De même, les femmes protestantes font partie des femmes ayant les plus faibles taux de fécondité et elles connaissent pourtant une croissance démographique très forte. Pour une large part, les écarts de fécondité (et de mortalité dans l’enfance) s’expliquent par un niveau d’instruction plus élevé chez les femmes chrétiennes.
Tout ceci laisse entrevoir qu’un processus de conversion religieuse a eu lieu sur cette période. Ceci apparait notamment si l’on mesure l’évolution de la distribution du poids démographique des différentes religions au fil du temps au sein de générations de femmes. On constate alors que l’évolution de l’affiliation religieuse est parfois très forte. À titre d’exemple, 35 % de femmes nées au début des années 1970 se déclaraient catholiques à l’âge de 18 ans, contre 25 % une fois passé l’âge de 40 ans. Sur la même période, les femmes déclarant suivre une religion chrétienne autre que catholique sont passées de 11 % à 37 % et celles des femmes se déclarant de la religion traditionnelle de 31 % à 19 %.
Au Togo, différences de fécondité et conversions religieuses des femmes ont profondément et très rapidement modifié le paysage religieux tel que mesuré par les statistiques démographiques.