Elle n’avait pas vu le policier qu’elle a renversé
A la barre du tribunal, l’automobiliste assure qu’elle n’a pas vu le policier qui effectuait un contrôle routier en mars 2015. Renversé, il a été grièvement blessé.
Le choc a été violent et les conséquences importantes pour le policier : le 28 mars 2015 à 22 h 20, une automobiliste a renversé un agent dieppois alors qu’il effectuait un contrôle routier à proximité du rond-point de l’office de tourisme à Dieppe.
Vendredi 3 mars, l’Elbeuvienne est en pleurs à la barre du tribunal. Elle s’excuse à de multiples reprises et assure qu’elle n’a pas vu le policier.
Un contrôle habituel
La victime et son collègue ont pris leur service à 21 h ce soir-là. Après un premier tour de surveillance dans la circonscription, ils décident de réaliser un contrôle à quelques pas du pont Ango. Comme ils le font habituellement, les deux policiers se garent sur l’emplacement situé juste en face de l’office de tourisme, s’équipent de leur chasuble et de leur sifflet pour faire entrer les véhicules contrôlés sur la voie de bus.
Mais cette fois, le contrôle ne s’est pas passé comme d’habitude : alors qu’il assurait la sécurité de son collègue occupé avec un automobiliste, l’agent a été heurté par une Peugeot 207. « Je venais de la gare et j’ai tourné en direction de Neuville. Je ne l’ai pas vu. Je suis tellement désolée » regrette la mise en cause.
Les témoignages des piétons indiquent la violence du choc : le policier s’est retrouvé sur le capot de la voiture puis contre le pare-brise avant de retomber la tête sur la bordure d’un trottoir.
Présent à l’audience, le policier n’a aucun souvenir de l’accident. Son collègue qui a juste entendu le choc est rapidement à ses côtés, tout comme deux jeunes hommes, témoins de la scène. Ils roulent un tee-shirt pour le placer sous le visage ensanglanté du fonctionnaire en attendant les secours.
L’automobiliste qui a arrêté sa voiture un peu plus loin est paniquée : « Elle était choquée, à l’arrêt de bus, les deux mains sur le visage et elle n’arrêtait pas de répéter : Qu’est ce que j’ai fait ? » raconte un témoin.
Traumatisme crânien
Pris en charge par les sapeurspompiers, le policier souffre d’un grave traumatisme crânien. Entre les services de réanimation, de neurochirurgie et de rééducation, il est resté 17 mois hospitalisé. Aujourd’hui, il a repris le travail sur un poste adapté : « Depuis l’accident, je suis sur un poste administratif alors que ce qui m’intéresse, c’est être dehors » explique le fonctionnaire. Policier depuis 1998, l’agent travaillait de nuit depuis 12 ans.
Le président du tribunal reprend les déclarations des témoins. Tous assurent que la voiture ne roulait pas vite. L’amie qui accompagnait la prévenue ce soir-là lui avait d’ailleurs prêté sa voiture parce qu’elle « est tou- jours prudente et qu’elle respecte les limitations » mais les promeneurs sont nombreux à se demander comment l’automobiliste n’a pas pu voir le policier : « Il est impossible qu’elle ne l’ait pas vu parce qu’il avait son gilet fluo et que l’endroit était éclairé » indique l’un, tandis qu’un autre précise : « Il y a eu un coup de sifflet et aussitôt, j’ai vu le policier passer sur le capot » .
De son côté, la mise en cause ne s’explique pas ce qui s’est passé ce soir- là : « Franchement, je m’en excuse mais je ne l’ai pas vu » répète-t-elle encore. Inquiète, elle a téléphoné chaque semaine au commissariat pour prendre des nouvelles du fonctionnaire : « J’ai été un long moment choquée et je pense toujours à monsieur » .
« Un accident spectaculaire »
« Les faits sont trop graves et les répercussions de cet accident ne se limitent pas qu’à monsieur » assène Me Derny, avocate de la victime, qui rap- pelle les semaines d’hospitalisation et les conséquences pour le policier lui-même mais aussi pour son épouse et ses quatre enfants. Elle se constitue partie civile pour toute la famille.
Le procureur de la République estime l’impact sur l’ordre public « parce qu’il s’agit d’un policier en service, sur un secteur géographique très fréquenté et que cet accident spectaculaire est un traumatisme pour tout le monde, d’un côté de la barre comme de l’autre ». Il rappelle la « souffrance terrible de la victime animée par l’action de terrain qui se retrouve dans un bureau » et réclame cinq mois de prison avec sursis et dix mois de suspension du permis de conduire.
La prévenue qui n’est pas assistée d’un avocat rappelle combien elle a besoin de son permis pour travailler et « renouvelle encore une fois mes excuses » .
L’affaire a été mise en délibéré au 7 avril.