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Que sont ces bâtiments à l’entrée du village ?

Vous le savez ou peut-être pensez-vous que ce ne sont que les vestiges d’une vieille ferme. Un témoin, Raphaël Rabaey, raconte son travail sur cette base de lancement V1 des Petits-Moreaux aux Grandes-Ventes.

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Sans doute êtes- vous déjà passés devant sans trop savoir ce que c’était. A un kilomètre avant d’arriver aux Grandes Ventes, au lieu-dit Les Petits-Moreaux sur la D915, un ensemble de bâtiments est visible de la route. Ce sont les vestiges d’une rampe lourde de lancement dite de 1re génération de V1, ces bombes volantes envoyées par les Allemands sur Londres pendant la Seconde Guerre mondiale.

Camouflés pour ressembler aux fermes

Situés dans une exploitati­on agricole, les bâtiments d’assemblage (les V1 arrivaient en kit) et les bâtiments de stockage, construits à partir de la fin de l’été 1943, étaient camouflés et équipés de fausses cheminées et de fausses fenêtres pour être confondus avec des bâtiments de corps de ferme. Cette base a été construite par des requis français au titre du STO, le Service du travail obligatoir­e, et des prisonnier­s de guerre.

Celle du Val-Ygot, située dans la forêt d’Eawy sur la commune d’Ardouval, est en meilleur état. Quant à celle du Haut-deFresles, il ne reste aujourd’hui aucun vestige. Elle n’a jamais été opérationn­elle du fait des bom- bardements alliés de décembre 1943 et juin 1944.

Raphaël Rabaey, qui va sur ses 90 ans le mois prochain, se souvient parfaiteme­nt de ces bom- bardements : « Un dimanche après la messe, vers midi, nous avons entendu tomber les bombes. J’avais 17 ans à l’époque, et j’ai alors pris mon vélo pour aller voir sur place. Quand je suis arrivé aux Petits-Moreaux, il y avait des trous de bombes partout, notamment sur la route nationale (D915). Sur le site du Haut-de-Fresles, ce sont environ 3 000 bombes qui sont tombées et ont détruit le château » .

Des travailleu­rs russes dans la région

Les Allemands n’ont jamais reconstrui­t leurs bases sur ces sites. Dès avril 1944, ils ont construit ailleurs d’autres rampes, de 2e génération, au nombre de huit dans la région. Raphaël Rabaye se rappelle : « C’est alors que j’ai été requis par les Allemands pour travailler à leur constructi­on avec les déportés russes qui ont beaucoup souffert du fait des mauvais traitement­s que leur infligeaie­nt les gardes allemands ».

Les requis pour le STO étaient tirés au sort à partir des listes électorale­s. « Etant mineur, j’ai été nommé par le maire de la commune. J’étais ressortiss­ant belge, je n’avais pas encore, à l’époque, acquis la nationalit­é française. J’ai donc été amené avec un tombereau [voiture de charge hippomobil­e] tiré par un cheval, à approvisio­nner en béton le site en constructi­on sur la Ferme du Châtelet ».

« Planter les asperges de Rommel »

« J’ai aussi été requis pour creuser des trous dans la plaine afin d’y planter les fameuses asperges de Rommel [pieux pointus plantés dans le sol] destinées à empêcher les parachutag­es ou l’atterrissa­ge des avions alliés. Une de mes grosses peurs, c’est lorsqu’un soldat allemand m’a posé son fusil sur la tempe en me disant : Si toi pas travailler, kapput ! » .

Raphaël Rabaey a encore beaucoup à raconter sur son histoire et son vécu pendant cette période douloureus­e de la dernière guerre mondiale.

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Raphaël Rabaey, qui va sur ses 90 ans, nous a raconté à quoi servaient les bâtiments à l’entrée des Grandes-Ventes.

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