Les géologues étudient les fonds sous-marins
Au large de Dieppe à bord du Thalia, le bateau de l’Ifremer, une équipe de scientifiques mène actuellement une mission pour cartographier les fonds marins et les failles qui les parcourent. Rencontre avec ces géologues au pied marin.
La vie sous la Manche n’est pas un long fleuve tranquille… À quelques encablures de notre côte, les fonds bougent et des failles se sont créées au fil des siècles… Même si l’activité sismique enregistrée au large de Dieppe et de la Normandie n’est pas celle qu’on peut retrouver près du Japon ou dans le Pacifique, elle n’est pas nulle : les scientifiques la qualifient de « modérée » . Preuve récente de cette activité, le dernier séisme d’une magnitude de 3,2 sur l’échelle de Richter a été enregistré au large du Havre… lundi 22 mai. C’est pourquoi cette zone est un terrain d’études pour un groupe de géologues actuellement à pied d’oeuvre pour étudier la Manche orientale. À bord du Thalia, l’un des bateaux côtiers de la flotte de l’Ifremer, gérée par l’armateur Genavir, une équipe de cinq scientifiques a embarqué avec un équipage commandé tour à tour par Benoît Hamon et Arnaud Lemettais, le 14 mai. Leur mission doit durer jusqu’au 1er juin.
« Nous sommes deux organismes à travailler sur le projet : le CNRS et le LOG qui regroupe le CNRS, l’université de Lille 1 et l’université de la Côte d’Opale » , explique Virginie Gaullier, professeur des universités, responsable de l’équipe tectonique à l’université de Lille. Une mission baptisée Tremor 2 (Tectonique récente en Manche orientale 2). « C’est également un jeu de mots avec Tremor qui en anglais veut dire secousse » , note la scientifique.
Ce programme a débuté en 2014 et étudie une zone comprise entre Fécamp et Boulogne. « Il s’agit de connaître le territoire maritime et sa structure géologique. Nous étudions la manière dont les couches géologiques sont organisées et la tectonique, c’est-à-dire les failles » , poursuit Virginie Gaullier.
L’objectif est notamment de connaître l’âge des structures géologiques qui constituent le fond de la Manche, d’en faire la cartographie et « d’en tirer un calendrier des événements géologiques » . Car pour le moment, les scientifiques disposent de peu de données sur les séismes qui ont agité cette zone, « et il y en eu plus que
ce qu’on croit » , notent les scientifiques. Une zone d’autant plus sensible que sur la côte se situent deux centrales nucléaires, celles de Penly et Paluel. Et ces données pourraient intéresser d’autres chantiers à venir comme les projets de parcs éoliens offshore.
Pour mener à bien la première partie de leur mission, Virginie Gaullier et ses collègues (Fabien Paquet, co-chef de mission du BRGM, Isabelle Thinon de l’unité géologie des bassins sédimentaires du BRGM et Martin Jollivet-Castelot, étudiant en doctorat à l’université Lille I) ont travaillé la première semaine au large de Dieppe et la semaine du 22 mai du côté de Fécamp.
Durant ces deux semaines, ils ont utilisé une méthode d’acquisition sismique pour établir des profils des fonds marins. En d’autres termes, ils ont mis à l’eau un système ressemblant à un gros peigne avec des brins de cuivres répartis sur les deux côtés. « Il émet 4 000 volts dans l’eau, ce qui produit une bulle. Lorsque celle-ci éclate, une onde acoustique se propage vers le fond. Une fois qu’elle touche le sol, elle remonte par réflexion. Et nous enregistrons sa remontée ce qui nous donne la géométrie
des fonds » , vulgarise Virginie Gaullier. Une opération réalisée alors que le bateau fait route à une vitesse constante de quatre
noeuds et selon des trajectoires permettant de quadriller la zone étudiée. « Cette technique n’a pas d’incidence pour la faune et la flore marine » , insistent les scientifiques. Rien à voir avec celle utilisée en amont en acquisition sismique par les géologues des compagnies pétrolières. « Cela ne perturbe pas les
cétacés » , note Isabelle Thinon. Dans un deuxième temps, cette semaine du 29 mai, une partie de l’équipe sera renouvelée pour une nouvelle partie de la mission. Il s’agira cette fois de réaliser des carottages en mer entre Fécamp et Dieppe. Objectif : ramener à terre un échantillonnage de petites pierres et des sédiments prélevés en différents sites pour les analyser et dater ainsi certaines formations.
Embarqués sur le Thalia Trois semaines en mer