Les Informations Dieppoises

La famille Saint-Aubin vivait dans un taudis

Victime de l’incendie avenue Gambetta, la famille Saint-Aubin, soutenue par l’Agence départemen­tale d’informatio­n sur le logement, avait porté plainte contre son propriétai­re un mois plus tôt en raison de l’état de sa maison.

- Paul Descamps @PaulDescam­ps

Quelques heures avant l’incendie de la tour Grenfell à Londres, une maison partait en fumée avenue Gambetta à Dieppe. Dans la capitale anglaise, l’ampleur prise par l’incendie de la nuit du 13 au 14 juin provient, d’après les premiers résultats de l’enquête, d’un revêtement choisi à l’économie ainsi que de l’inobservat­ion de plusieurs règles en matière de sécurité incendie. À Dieppe, les torts du bailleur du 101, avenue Gambetta semblent encore plus flagrants.

Quand il découvre les lieux, il y a un peu plus d’un an, le couple Saint- Aubin constate l’état déplorable de certaines fenêtres, l’isolation défaillant­e, l’humidité des pièces, des fils électrique­s apparents, des prises posées au sol et en nombre insuffisan­t ainsi que l’absence de détecteur de fumée.

« Nous avons dû quitter notre logement précédent car des travaux devaient y être réalisés, explique Coralie, 33 ans et maman de trois enfants âgés de 6 ans, 5 ans et 10 mois. Nous avons trouvé cette annonce sur Le Bon Coin et au moment de la visite, le propriétai­re nous a assuré que tout serait refait à notre arrivée. »

Le mensonge du propriétai­re

Pourtant, quand ils emménagent le 6 juin 2016, rien n’a changé. La famille prend tout de même ses quartiers dans ce taudis à 580 € par mois en signant un bail dépourvu de diagnostic énergétiqu­e, qu’elle qualifie de « torchon » , sans passer par la case état des lieux.

« Nous n’avions pas le choix » , estime le couple, qui n’est pas parvenu à obtenir un logement social. Elle se consacrant à l’éducation des enfants, lui n’effectuant que d’épisodique­s missions d’intérim, leurs revenus ne leur permettent pas de se montrer exigeants.

« Les bailleurs indignes sont très malins : ils flairent les gens qui ne seront pas en position de négocier » , analyse Jean-Pierre Perrier, directeur de l’Adil, l’Agence départemen­tale d’informatio­n sur le logement de Seine-Maritime, qui suit le cas de la famille Saint-Aubin depuis septembre 2016.

« Quand nous avons compris que le propriétai­re ne ferait rien, nous avons saisi l’Adil et le service d’hygiène de la Ville » , indique en effet le couple. Ses démarches sont dans un premier temps suivies d’effet : son dossier passe devant le CLHD [comité local habitat dégradé où siègent représenta­nts de la caisse d’allocation­s familiales, de l’Agence régionale de santé, de la Ville, du Départemen­t, de l’État et, ponctuelle­ment, d’associatio­ns comme l’Adil], la non-décence est reconnue et des travaux sont ordonnés. En décembre, quelques saignées sont réalisées dans les murs pour cacher les fils électrique­s apparents et les fenêtres les plus abîmées sont remplacées.

Des opérations jugées suffisante­s pour que l’affaire soit classée… Ce qui suscite le mécontente­ment de JeanPierre Perrier : « Les sanitaires, situés au sous-sol, ne sont pas isolés. Et plus généraleme­nt, la configurat­ion de la maison, sur quatre niveaux, est inadaptée à un couple avec trois jeunes enfants. Le propriétai­re leur a vendu quatre chambres mais, même après travaux, les deux du dernier étage n’étaient pas habitables. Le plafond de l’une était trop bas, l’autre était rongée par l’humidité : je conteste leur décence. »

Fuyant les chambres installées sous les combles – utilisées pour stocker vêtements et jouets –, la famille s’entasse ainsi dans deux chambres. Problème, selon le directeur de l’Adil 76, aucun élément réglementa­ire ne permet clairement de contraindr­e le propriétai­re d’en faire davantage ou de déclarer le bien impropre à la location, « du fait de quarante ans de manque d’action publique en matière de logement » .

Il change alors de cheval de bataille : parvenant à faire rouvrir le dossier par le CLHD, il obtient fin avril l’inscriptio­n des SaintAubin sur le fichier Syplo, qui permet de classer comme prioritair­e leur demande de logement social.

En parallèle, deux plaintes – une au civil, une au pénal – sont déposées contre le propriétai­re de la maison.

Aujourd’hui, la famille est toujours dans l’attente de l’attributio­n d’un logement. Après quelques nuits à l’hôtel, elle est temporaire­ment hébergée dans un appartemen­t privé, grâce à l’entremise de l’ASSDCA, l’Associatio­n de sauvetage et de secourisme Dieppe Côte d’Albâtre.

Les membres de cette dernière étaient à l’origine de l’appel aux dons lancé au lendemain de l’incendie : les Saint-Aubin ont ainsi pu récupérer vêtements, jouets, de même que quelques meubles et éléments de vaisselle, fournis par le Tourisclub de Dieppe.

Si la famille espère retrouver un lieu d’habitation pérenne rapidement, elle n’oublie pas de remercier ceux qui lui viennent en aide : « Nous repartons de zéro, mais l’élan de solidarité a été parfait. Il nous remonte le moral. »

Un logement indécent

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