Et la guillotine s’est transportée à Dieppe
En ce mois de février 1794, Claude Siblot, représentant du peuple en mission au nom du gouvernement révolutionnaire pour la Seine-Inférieure, a bien des inquiétudes. Le comité révolutionnaire de Dieppe lui a signalé des vols, attroupements suspects dans la région. Convaincu qu’il s’agit là d’un complot en liaison avec la Vendée, il s’emploie à organiser la répression.
Après 50 arrestations, on s’est vite aperçu qu’en lieu et place de Vendéens, on avait principalement affaire à de simples mendiants se déplaçant en hordes et coupables de vols de volailles pour se nourrir. Qu’importe, il faut faire un exemple. Quatre condamnations à mort sont prononcées et exécutées le 3 floréal de l’an II (22 avril 1794). C’est ainsi que le tribunal criminel de Rouen s’est transporté à Dieppe, accompagné des « bois de justice », c’est-à-dire la guillotine. Elle est promptement érigée sur l’actuelle Place Nationale.
Parce que François Mallet, tisserand à Lintot-les-Bois, avait eu la mauvaise idée de boire un peu trop en présence d’un voisin malveillant et que les vapeurs de l’alcool l’avaient poussé à jurer contre la République, son compagnon de boisson se fit un malin plaisir de le dénoncer et il fut condamné à mort pour propos contre-révolutionnaires. Jean Lefebvre de Royville fut lui aussi guillotiné pour les mêmes raisons.
L’abbé Briche était le précepteur des enfants De Ménibus à Martin-Eglise. En cette période de déchristianisation, il refuse d’abjurer sa foi et doit se cacher. Après plusieurs mois d’errance, il est arrêté rue des Cordonniers (actuelle rue Lemoyne) à Dieppe. Accusé d’avoir continué à marier et à baptiser en secret, il subit le même sort que les précédents
L’affaire Thomas Plaimpel est plus étrange. Cet étudiant n’avait jamais eu d’engagement contre-révolutionnaire, mais il a eu le tort de s’être rendu en Angleterre et en Hollande avec un passeport non conforme. Suspecté d’être un émigré, et d’avoir enfreint le bannissement prononcé par la République contre cette catégorie de mauvais citoyens, il est lui aussi guillotiné.
D’autres suspects furent emprisonnés. Parmi eux un enfant de 12 ans, Louis Jacob fut envoyé en maison de redressement.