Louis XIV, Dieppe et la zone Sud
Nous sommes en 1694. Dieppe vient d’être bombardée par la flotte anglo-hollandaise et les habitants traumatisés tentent de réorganiser leur vie quotidienne dans les ruines encore fumantes.
Peironet, un ingénieur de Louis XIV, soumet au roi le projet d’une reconstruction que le monarque très attaché à la ville souhaite rapide. Afin de garantir aux habitants « une ville hors de portée de la bombe » , Peironet opte pour une solution radicale : l’ancienne ville sera rasée excepté le château et une nouvelle sera érigée dans « la prairie de Bouteille ». C’est globalement l’emplacement qui correspond aujourd’hui à la future zone de Dieppe-Sud.
La ville sera résolument moderne. Conformément à l’Edit de 1607 qui réglemente l’alignement des voies, l’ingénieur du roi dessine une ville carrée, coupée de rues perpendiculaires. On y accède par la « Porte royale » et la « Porte de France (2). La rivière l’Arques aménagée et dotée d’écluses devient un port en eaux profondes (1) pouvant accueillir des navires de fort tonnage qui seront acheminés depuis le littoral via un canal tra- versant le Pollet à l’Est du couvent des Capucins (8). Sur le quai
« en son plus bel endroit » , l’Hôtel de la Vicomté doit abriter une salle d’hydrographie et un arsenal (3).
Au coeur de la cité est édifiée la « Maison du Roy » (4) où loge le gouverneur. Deux églises (5) sont prévues à égale distance du centre de la ville où trône une majestueuse Place royale ( 6). On envisage un quartier pour les notables et un autre pour les commerçants tandis que l’activité liée à la pêche est reléguée sur une île de l’Arques (7). Peironet envisage d’y installer des halles ainsi que les logements des pêcheurs. Une façon de bien séparer le Dieppe cossu des édiles de celui des faubourgs populaires.
Le projet, flatteur pour les notables, ne remporta pas l’adhésion des commerçants et des artisans, insensibles au charme de cette ville nouvelle et surtout inquiets de voir le redémarrage économique différé. Enfin, on n’écarte pas facilement un peuple de pêcheurs du rivage ! L’inertie des habitants, le désir de sortir vite des décombres et l’état des finances du royaume, ont fait que ce projet n’a jamais vu le jour.