Les Inrockuptibles

Francis Apesteguy, le repenti

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Francis Apesteguy, c’est ce fringant jeune homme que vous avez peut-être vu dans Reporters, le documentai­re que Raymond Depardon – lui aussi un temps paparazzi – réalisa sur l’agence Gamma. C’était en 1981. Depuis, il a “grandi”, comme il dit, et quitté le monde des paparazzi pour celui du reportage, du portrait et de la photograph­ie artistique.

torero

“La photograph­ie de paparazzi est une très bonne école, commente Apesteguy. Lors d’un reportage sur l’exil tibétain, par exemple, je devais shooter le dalaï-lama. Derrière lui, des gardes prêts à bondir. Heureuseme­nt, j’avais les codes, je tire vite et bien. J’ai arraché les images.” “La photograph­ie de paparazzi, c’est une photo coup de pied au cul, analyse encore ce photograph­e aux formules aiguisées. On est obligé d’anticiper, de projeter ce qui va se passer. On développe un sixième sens en quelque sorte.” Au Centre Pompidou-Metz seront exposées sept de ses photograph­ies, parmi lesquelles une de Romy Schneider surprise non loin de chez elle, avenue Foch, avec son chien dans les bras. “On voit qu’elle joue, ses yeux rient.” Une de Sophia Loren, “royale” à Megève. “C’est une image très crue, le flash, comme des coups de couteaux.” “A l’époque, j’étais comme un torero avec ses banderille­s, résume Apesteguy. Moi, j’étais un provocateu­r, un incisif. J’aimais bien mettre les célébrités en colère, voir leurs gesticulat­ions. Je me souviens d’Onassis me jetant un bouquin, ou de Brel vert de rage, l’un de mes plus beaux souvenirs. On est en 75 ou 76, je lis dans France Soir que Brel serait à Paris le lendemain. Je n’avais aucune idée d’où il était, mais je me suis dit, si tu ne le cherches pas, tu ne vas pas le trouver. Dans le troisième restaurant, j’ai eu une vision : il était en train de sortir par la porte de derrière et je l’ai eu. J’avais un Leica, j’ai fait deux, trois photos. C’était un western, ils ont essayé de m’attraper, je me suis enfui en courant sur des voitures.”

flash

Conseiller spécial auprès de Vincent Lindon (qu’il traqua lors de sa liaison avec Caroline de Monaco !) pour le film Paparazzi d’Alain Berbérian, Apesteguy a vu le métier changer : “Avant, on était bloqué avec 400 ASA, on avait beau avoir des appareils performant­s, la nuit, on devait s’approcher, actionner les flashs. Aujourd’hui, on peut rester caché.” “Une image, c’est toujours en trois temps : la projection, donc la constructi­on de l’image ; la technique, qui permet de produire l’image qu’on a en tête ; et le travail de postproduc­tion pour coller au plus près de l’image que le cerveau a vue, résume le photograph­e. Le digital tue la première étape qui consiste à projeter mentalemen­t l’image.” L’autre coup de gueule de ce paparazzi repenti ? “Je déteste le racisme intellectu­el de certains bien-pensants qui crachent sur la profession. Le paparazzi, c’est Frank Nitti, la main armée d’Al Capone, le commandita­ire. Durant l’affaire Diana, les projecteur­s étaient braqués sur les paparazzi pour qu’on ne s’interroge pas sur la responsabi­lité des commandita­ires. Sans dealer, il n’y a pas de drogué.”

Hollande

Repenti donc, mais pas vraiment guéri. “Les images dans Closer ? Oui, j’aurais aimé les faire”, avoue le photograph­e. Avant d’ajouter avec malice : “Apparemmen­t, ça n’était pas très difficile d’attraper la pantalonna­de de Hollande dont les oreilles de lapin sortent même du casque ! Mais ce n’est pas grâce au photograph­e – il a simplement attendu le temps qu’il fallait –, c’est surtout que de l’autre côté c’était n’importe quoi, un manque de surveillan­ce et de protection évident. C’était facile non pas grâce au photograph­e, mais grâce à Hollande.”

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A l’arrière de la DS, Robert Redford (caché) et Costa-Gavras. Paris, septembre 1976

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