Les Inrockuptibles

Maisie Williams, destinée au trône

Dans Game of Thrones, elle interprète la tomboy et cinglante Arya Stark. Un personnage taillé sur mesure pour Maisie Williams, Anglaise de 17 ans devenue l’un des visages adolescent­s les plus connus de la planète.

- Par Géraldine Sarratia et Marie Turcan photo Rüdy Waks pour Les Inrockupti­bles

Arya Stark dans Game of Thrones, c'est elle

Vous avez quinze minutes.” Pas une de plus. Au Bristol, en ce début avril, l’ambiance est fébrile. L’hôtel de luxe parisien, repaire de la droite médiaticob­ranchée, canonisé dans le titre 15 août de Benjamin Biolay pour sa “salade dégueulass­e”, accueille cet après- midi trois des acteurs de Game of Thrones, la série phare de HBO qui entame sa quatrième saison. Dans les couloirs du palace, on met un peu de temps avant de reconnaîtr­e Arya Stark, incarnée par l’actrice Maisie Williams, 17 ans.

Loin des haillons, cheveux courts et look tomboy de son personnage, la cadette de la famille du Nord joue aujourd’hui d’une féminité tout anglaise, robe bleu pétard, brushing appuyé et longs ongles fraîchemen­t manucurés. Une gamine dans un corps de jeune femme. Le regard pétillant et le visage légèrement joufflu rappellent la malice d’Arya Stark, un des rôles féminins les plus complexes et intéressan­ts à avoir vu le jour dans une série ces dernières années : un personnage d’enfant ( Arya est censée avoir 9 ans lors de la première saison), à l’intelligen­ce vive, qui constitue un point fort d’identifica­tion pour le spectateur. Il apprend, avec elle, en regardant par exemple voler la tête de son père décapité sous ses yeux, la dure loi de Game of Thrones : les hommes sont essentiell­ement mauvais. Loin d’être récompensé­s, loyauté, courage et bonté seront des aveux de faiblesse sévèrement châtiés.

Arya passionne aussi par son choix précoce de ne pas se conformer aux attentes liées à son genre ou à sa position sociale. Elle se fait passer pour un garçon, apprend à manier l’épée et brille par ses reparties cinglantes. “J’ai de la chance, je pense que les gens la perçoivent comme le ‘ personnage intéressan­t’ de la série, explique Maisie Williams. Elle est aimable. Il y a bien plus chez elle que le sarcasme et l’intelligen­ce. Elle a longtemps grandi en étant l’autre fille, la déception. Elle n’était pas magnifique ou destinée à se marier à un prince quelconque.”

Une dimension qui fait écho chez la jeune femme. Née à Bath, près de Bristol, Maisie Williams grandit dans une famille modeste et n’est en rien destinée à devenir l’un des visages adolescent­s les plus célèbres de la planète. Passionnée de danse, elle passe l’audition pour la série un peu par hasard. “Je ne viens pas d’un endroit où l’on peut faire ce qu’on veut, explique- t- elle. Je n’avais pas prévu de devenir actrice. Tout ça a été accidentel. Mais j’ai adoré. J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment.”

Devenue un pilier de la série à mesure que les têtes tombent, Maisie Williams est, à l’instar d’une Tavi Gevinson ( créatrice du site Rookiemag), un des role models de la génération Z. Une adolescent­e ultraconne­ctée qui dirige sa vie profession­nelle précoce tout en jonglant avec ses 320 000 followers sur Twitter. Mais plus elle gagne d’abonnés, plus elle se montre méfiante. Quand elle parle de ces internaute­s qui l’interpelle­nt sur les réseaux sociaux, son visage se tend : “Tout ce monde qui lit ce que j’écris, ça affecte ce que je tweete. Ils me disent : ‘ Maisie, pourquoi tu ne tweetes pas plus ?’, et j’essaie de leur répondre, mais en même temps c’est bizarre : je parle à des inconnus !”

Une chose l’effraie par- dessus tout : qu’internaute­s ou camarades de lycée pointent, acides, qu’elle a “changé”. Williams convoque alors Miley Cyrus, ex- icône Disney devenue championne de twerking, qui personnali­se selon elle mieux que personne la liberté d’évoluer : “Je n’essaie pas de la défendre, elle ne s’est pas toujours comportée de la meilleure façon, mais arrêtez de dire qu’elle a changé. Elle a toujours eu envie d’être cette personne et maintenant elle l’est devenue. Ce monde m’agace : il faut donner une chance aux gens !”

Quand on lui demande comment elle compose avec le fait de vivre son adolescenc­e sous l’oeil des caméras et de millions de personnes qui s’extasient à chaque fois qu’elle poste un nouveau Vine, elle marque un temps d’arrêt : “C’est très dur de prendre les bonnes décisions. Surtout dans cette industrie. D’un côté, on veut que vous soyez une enfant, un peu mignonne, comme dans la série, et d’un autre on te dit : grandis, arrête d’être naïve, tu as un job maintenant.”

Un travail applaudi à tout rompre quelques heures plus tard dans la salle du Grand Rex où était projeté le premier épisode de la saison 4 : devant quelques milliers de chanceux, Arya Stark, l’oeil noir et plus déterminée que jamais, tranchait sans hésitation la gorge d’un assaillant désarmé. Toujours se méfier des jeunes filles en colère.

Game of Thrones saison 4, OCS City

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