Les Inrockuptibles

Être enfin seul grâce aux inrocks

La semaine dernière, le monde de Shakespear­e et les poules de Katerine, la palette de Damon Albarn et les combats de coqs au sommet de l’etat.

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Mon cher Inrocks : “Enfin seul !”, comme Damon Albarn, qui fait ta couve. La nuit était magique, le petit déjeuner atroce, et j’aurais voulu ne jamais connaître son prénom. Elle claque la porte de chez moi : “Enfin seul.” Je quitte la chambre d’hôpital où mes amis et moi assistons à la mort de l’un d’entre nous. Chacun a joué son rôle, l’homme en colère, la sensible, le cynique, le pudique et puis, bien

entendu, le malade. “Le monde entier est un théâtre. Et tous les hommes et les femmes n’en sont que les acteurs”, écrivait Shakespear­e dans une pièce que Patrice Chéreau devait monter au printemps. Tristesse et dégoût. Je sors de l’hôpital, noyé dans la foule, mais “enfin seul”.

Dix ans. Allez, ça restera une belle histoire quand même. Nous en avons parlé sereinemen­t, entre adultes, bla, bla, bla. Effleureme­nts de main, regards attendris mais résolus, ce qu’il faut d’émotion contenue et de retenue débordante. Baiser aux commissure­s des lèvres. Sans faute. Chacun rentre de son côté. Je peux frapper les murs, vomir, la maudire, et lui dire ce que je pense vraiment, parce que je suis “enfin seul”.

Les circonstan­ces varient, et c’est toujours le même soulagemen­t, “la palette change mais la peinture reste la même”, dit Albarn. L’impression de pouvoir poser son masque, se reposer des autres, du monde, de soi- même. Comme Philippe Katerine, “je crois que je suis devenu lucide : il est très difficile de communique­r, et dès que tu essaies, le premier malentendu arrive”. On se compose un personnage, on compose avec les autres. Et le seul moment de paix qu’on puisse trouver est précisémen­t ce moment suspendu entre l’angoisse des autres et celle de la solitude, ce moment très précis où la porte claque, où les pas se séparent, où l’on monte dans son taxi, heureux, malheureux, mais “enfin seul”.

“Enfin seul”, c’est peut- être aussi la furtive ivresse des hauteurs

que doit ressentir celui qui vient d’être nommé à la “fonction suprême”. Beaucoup d’appelés, un seul élu : lui ! Il a eu leur peau, à ces baltringue­s ! “Tous derrière et lui devant.” Ça ne durera pas longtemps. Il sait déjà que la solitude du pouvoir, c’est aussi de réaliser qu’on en a si peu. N’empêche ! Comme l’air est plus pur, là- haut. Ça mérite bien des sacrifices, non ? Valls et Hamon “se détestaien­t”, Montebourg considérai­t que Valls n’avait “qu’un pas à faire pour aller à l’UMP” quand Valls trouvait la ligne Montebourg “dépassée” et “franchemen­t ringarde”. Les voici comme trois vieux amis, soudés pour éliminer quelques concurrent­s avant de s’entretuer au moment opportun.

“Sans être ermite, je suis de moins en moins urbain et je prends plaisir à vivre avec les animaux. J’ai acheté des poules récemment”, explique Philippe Katerine. Fuir le monde et vivre avec des gallinacés, c’est peut- être une bonne façon d’être enfin seul. Le spectacle des coqs m’épuise, mais les poules, pourquoi pas ? Alexandre Gamelin

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