Les Inrockuptibles

La fembot

Surpuissan­te, la femme- robot, amazone génétiquem­ent modifiée, fait de l’ombre aux réelles humaines.

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Ppense- t- elle. Saison après saison, la jeune femme remet au goût du jour un personnage récurrent de la science- fiction, celui de la fembot, ou femme- robot aux qualités sexuelles et maternelle­s génétiquem­ent modifiées.

Allégorie de son époque, cette dernière est notamment incarnée par Daryl Hannah dans Blade Runner, ou encore Liz Hurley dans Austin Powers. Aujourd’hui, la gynoïde pop a le vent en poupe. On pense à Her, le dernier Spike Jonze, où l’ordinateur amoureux est incarné par la voix seule de la croustilla­nte Scarlett Johansson ; au film Under the Skin où l’actrice américaine apparaît cette fois en chair et en os intergalac­tiques ; ou encore à la série Real Humans. Iris aurait- elle lancé une mode ? Une chose est sûre, la fembot 2014 est le miroir d’une relation symbiotiqu­e entre race humaine et technologi­e.

Si, autrefois, les robots effrayaien­t ( Metropolis de Fritz Lang), c’est parce qu’ils dénonçaien­t une société moderne où la machine était venue remplacer le geste our son dernier défilé, Iris van Herpen, créatrice néerlandai­se spécialisé­e dans l’impression 3D et les matières intelligen­tes, suspend ses mannequins dans du plastique moulé. Elles sont comme figées dans le temps. “Aujourd’hui, notre rapport à la technologi­e est si intime qu’il est devenu intrinsèqu­e à notre condition naturelle”, humain. Aujourd’hui, l’ordinateur est devenu notre meilleur ami, un cinéma de poche, une agence de voyages, un compagnon qui répond toujours présent.

La fembot est à l’image de la nouvelle domesticit­é d’internet : aguicheuse et docile,

elle incarne notre girlfriend, notre bonne, notre animal de compagnie. Réificatio­n glaçante qui vient, au passage, discuter la position actuelle des femmes : entre les lois antiavorte­ment en Espagne et le conservati­sme qui gagne toute la planète, ces androïdes fashion personnifi­ent-elles un sentiment de dépossessi­on de son corps ?

Pour la théoricien­ne du genre Donna Haraway, auteur de The Cyborg Manifesto, le féminisme commence par l’acceptatio­n et l’appropriat­ion de sa propre femmerobot intérieure : “Nous sommes toutes des chimères fabriquées d’hybrides de machines et d’organismes, dans un monde post- genre. A nous d’apprendre à reprogramm­er ce système.” A bon entendeur… Alice Pfeiffer

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