L’autre Brive
Nouvelle moisson d’un des festivals les plus défricheurs de France, dominée cette année par le beau film d’arthur Harari.
Si le festival de moyens métrages de Brive est devenu, en dix ans, un festival inratable, c’est qu’une certaine électricité parcourt l’événement. C’est ici en effet que quelque chose du jeune cinéma français s’est incontestablement régénéré, et ce dès sa création en 2004 par Katell Quillévéré ( Suzanne) et Sébastien Bailly.
Les jeunes auteurs des premiers films les plus remarqués de ces dernières années ont tous participé au festival : Sophie Letourneur avec Manue Bolonaise en 2006, Justine Triet avec Sur place en 2007, Yann Gonzalez avec Je vous hais petites filles en 2009, Guillaume Brac avec Un monde sans femmes en 2011… Ils ont en commun d’avoir fait leurs armes dans une petite caravane annuelle de festivals défricheurs, à laquelle Brive ajoute un wagon, et qui comporterait aussi Pantin ( Côté court), Belfort ( EntreVues), Angers ( Premiers plans). Ici où leur carrière a germé, pourtant, le relais est déjà passé à de nouveaux auteurs.
Cette année, on attendait assez impatiemment Tant qu’il nous reste
des fusils à pompe de Caroline Poggi et Jonathan Vinel depuis son Ours d’or du meilleur court métrage à Berlin. Pas vraiment le bijou annoncé – les réalisateurs chargent un peu la mule, entre suicide d’adolescent, gangs postskins et contemplation crâneuse à la Kourtrajmé –, il reste néanmoins un objet prometteur, à la fois brutal et languide, puissamment incarné. Il côtoie quantité de comédies slow burn, de films- performances ( Il est
des nôtres de Jean- Christophe Meurisse), de contes étranges ( Ennui ennui de Gabriel Abrantes) formant l’esprit très weird du festival, où l’humour et le dérèglement survolent souvent les films.
Mais l’oeuvre souveraine de cette édition 2014 est sans nul doute
Peine perdue, déjà primé à Belfort et Clermont- Ferrand. Porté par sa parenté avec L’Inconnu du lac ( le voisinage de l’eau douce et de la forêt, doux bruissement permanent qui teinte le film d’un prodigieux sentiment d’état de nature), le film d’Arthur Harari, en une poignée de rencontres au bord d’une rivière, parvient à décrire une sorte de ballet primal du badinage amoureux, et ce surtout grâce à la suprême harmonie de sa mise en scène – si simple et exacte qu’on la dirait parfois mue par une force inconnue du regard, une volonté impérieuse de la caméra.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, le verdict n’est pas encore rendu, mais il y a fort à parier qu’Arthur Harari, récompensé en 2007 pour La Main sur la gueule, soit le premier cinéaste à recevoir deux fois le Grand Prix briviste. Théo Ribeton