Les Inrockuptibles

L’écume des mers

Une jeune fille part à la recherche de son père, bandit redouté sur tous les océans. L’américain Jeremy Bastian réussit un fantastiqu­e hommage au récit de pirates.

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Barbe- Rouge, Isaac le pirate, One Piece, Pepito, La Famille Pirate… Le pirate et ses aventures en haute mer ont souvent inspiré avec bonheur les auteurs de bande dessinée. La Fille Maudite du capitaine pirate, première bande dessinée de l’Américain Jeremy Bastian, en est un nouveau et formidable exemple.

Cette fille maudite, dont on ne connaît pas le prénom, est une gamine débrouilla­rde et intrépide, abandonnée à Port Elizabeth, Jamaïque, en 1728. Une anicroche avec le gouverneur de l’île, dont elle dévergonde la fille, la décide à partir à la recherche de son père, un pirate redouté. Elle va alors vivre d’incroyable­s aventures fantastico- maritimes. Sa route sera semée d’embûches, de pirates bêtes et méchants et de créatures extraordin­aires – centaure aquatique, squelettes et animaux parlants, chimères

Sorte de Pirate des Caraïbes mâtiné des Chroniques de Spiderwick, La Fille maudite du capitaine pirate s’inscrit dans le genre de la fantasy macabre et adolescent­e initié par Tim Burton, sauf qu’ici le grotesque, le foisonnant, le pittoresqu­e l’emportent sur le macabre. Ce qui frappe d’abord, c’est le graphisme magnifique, enluminé, qui semble directemen­t inspiré des grands illustrate­urs de contes du XIXe siècle – Gustave Doré, Arthur Rackham et surtout John Tenniel, illustrate­ur d’Alice au pays des merveilles. L’univers maritime se prête aussi à l’utilisatio­n de motifs art nouveau que Jeremy Bastian, à la manière des artistes de tatouages modernes, incorpore dans certains éléments – cheveux, crânes, cordages. De son trait extrêmemen­t fin et délicat, il remplit ses cases à ras bord, les couvre de détails et d’ornements qui ne doivent rien au hasard. On peut ainsi se perdre longuement dans chaque planche et s’amuser à chercher les histoires dans l’histoire.

Mais la densité du dessin n’est pas étouffante, elle dégage au contraire une énergie et un mouvement ébouriffan­ts, induits par le placement dynamique des bulles dans les cases. Le récit est trépidant et riche en rebondisse­ments, prouvant que Jeremy Bastian est un fin connaisseu­r des ficelles du roman d’aventures et un expert en matière d’écumeurs des mers de fiction – L’Ile au trésor et David Balfour de Stevenson n’y sont sûrement pas pour rien.

Rien ne manque : une héroïne pleine de ressources, la quête ( celle du père), le danger omniprésen­t, des amis ambigus ( la fille du gouverneur), des alliés incongrus ( les frères espadons, le perroquet parlant), des ennemis hauts en couleur, un patch sur l’oeil et une carte au trésor. Onirique, palpitant, La Fille maudite du capitaine pirate s’avère un époustoufl­ant hommage au récit de genre. Anne- Claire Norot La Fille maudite du capitaine pirate ( Editions de la Cerise), traduit de l’anglais ( Etats- Unis) par Patrick Marcel, 128 pages, 19 €

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