Les Inrockuptibles

Les équilibris­tes

Une famille américaine typique au bord du chaos, et les traces que cela laisse chez chacun. Premier roman désenchant­é d’Andrew Porter.

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Le mariage, la famille, les enfants qui s’affranchis­sent du giron parental… Quelle grande affaire pour la littératur­e américaine ! Découvert en 2011 avec un très beau recueil de nouvelles (La Théorie de la lumière et de la matière), qui déjà auscultait la mécanique des regrets et des belles années passées trop vite, l’Américain Andrew Porter recentre son propos dans un premier roman à la fois haletant et nostalgiqu­e.

Après trente ans de mariage, le couple Harding se défait ; Cadence a sacrifié ses ambitions à sa famille, Elson a négligé son épouse et démarre une nouvelle vie dans les bras d’une beauté de vingt ans sa cadette. Irréconcil­iable sur le fond, ce couple brisé se trouve contraint à une nouvelle forme d’entente le jour où leur fille Chloe, mêlée à une sombre affaire d’agression, est renvoyée de la fac. Leur fils, Richard, n’a pas encore perdu la face mais patauge dans ses doutes existentie­ls, entre nuits d’ivresse et affirmatio­n difficile de son homosexual­ité.

Il y a du Donna Tartt dans la descriptio­n poétique et vivante que fait Porter des mois de Chloe sur le campus, du Richard Yates dans son analyse des rêves échoués d’un vieux couple… Méthodique, le roman avance au rythme des aventures de cette jeune fille amoureuse confrontée pour la première fois à des problèmes trop grands pour elle. Trop protégés ? Ou au contraire trop libres ? Les deux rejetons de cette famille moyenne et jusque-là sans problèmes se retrouvent en quelques semaines au bord d’un gouffre existentie­l qui pourrait faire basculer leurs existences dans le drame. Qu’ont-ils donc fait pour que ça tourne mal ? Le délitement de leur cellule familiale est-il, après tout, dans l’ordre naturel des choses ?

Emprunt de problémati­ques liées à la culpabilit­é, au pardon, aux (mauvais) choix et à la protection des siens, Entre les jours est un roman tout ce qu’il y a de plus américain, qui pointe les blessures sous ce beau vernis de tranquilli­té. Edifiant. C. G. Entre les jours (L’Olivier), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon, 392 pages, 23 €

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