Duels : Colas/tabarly, vents contraires
Documentaire de Grégory Magne. Jeudi 17, 21 h 40, France 5 Un duel de navigateurs qui fit des vagues dans les années 70 : deux légendes des mers englouties par leur passion.
Dans la France des années 70, qui découvrait alors la course au large, il fallait choisir son camp et le sens du vent, autant que se positionner entre Giscard et Mitterrand. Alain Colas ou Eric Tabarly ? Le navigateur sur le tard ou le marin-né ? L’élève ou le maître ? L’opiniâtre ou le génie ? Le volubile ou le taiseux ? Le Bourguignon ou le Breton ? Les rouflaquettes ou les joues nues ?
Le choix cornélien entre deux sombres héros des mers, disparus l’un et l’autre dans les flots de leur passion commune, peut aujourd’hui sembler dérisoire. Pourtant, comme le rappelle Grégory Magne dans son portrait croisé, le duel anima durant des années le pays, fasciné par une rivalité construite au fil de l’eau et du (mauvais) temps. Cette rivalité entre deux manières d’envisager la voile tenait à une opposition entre deux tempéraments : stratégique, lyrique, combattant pour Colas avec ses bateaux Club Méditerranée et Manureva ; secret, altier, conquérant, avec ses multiples Pen Duick, pour Tabarly. Colas, qui avait tout appris auprès de Tabarly à la fin des années 60, ne cessa de vouloir égaler son maître. Après avoir gagné la Transat anglaise en solitaire en 1972, huit ans après Tabarly, l’élève opposa à son maître une assurance jusque-là insoupçonnée. Disparu en novembre 1978 à bord de Manureva, qui “jamais jamais n’arriva” (cf. Alain Chamfort), Colas fut rejoint vingt ans plus tard par Tabarly, tombé au large du pays de Galles en juin 1998. Cet irrépressible besoin d’océan scella “d’un même épilogue leurs deux destins”, souligne Grégory Magne au terme d’un récit haletant, saluant les motifs romanesques d’une histoire partagée plutôt que les traits acariâtres d’une lutte enragée. Un duel achevé dans les mêmes vents tempétueux. Jean-Marie Durand