Les Inrockuptibles

Interview express

Héros du dernier film de Pierre Salvadori, Dans la cour, le comédien Pio Marmaï fabrique aussi des motos, sérigraphi­e des T- shirts, est producteur de punk hardcore, metteur en scène et accordéoni­ste.

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Pio Marmaï

Dans le film de Pierre Salvadori, Dans la cour, vous vendez de la drogue. Comme dans Alyah d’Elie Wajeman ( 2012). Vous pensez avoir une tête de dealer ?

Pio Marmaï – Ben on dirait, oui… ( rires) Mais les substances sont différente­s. Dans Alyah, c’était de la cocaïne ; dans

Dans la cour, c’est de l’héro. Les effets ne sont pas les mêmes ! Et puis ce sont deux styles de dealers différents. Celui de Dans la cour est plus comique. Ça m’a permis de changer un peu de registre. Je ne pense pas être fondamenta­lement torturé. Mais je suis souvent casté pour des personnage­s très sombres, en souffrance. Ça doit être un truc physique… Je sais qu’il suffit que je ne sourie pas pour qu’on ait l’impression que je vais tuer quelqu’un. ( rires)

Dans Dans la cour, vous jouez avec Gustave Kervern. Ça a bien matché entre vous ?

On s’est bien ajustés l’un à l’autre, je crois. En général, quand on demande à quelqu’un comment ça s’est passé avec Gustave Kervern, la réponse est souvent : “On s’est rencontrés dans une fête, on était chargés comme des rats…” ( rires) Mais là, pas du tout ! Il n’a pas bu une goutte d’alcool pendant tout le tournage. Moi en revanche, je n’avais pas du tout arrêté, alors comme personnage, je jouais le tentateur, je lui disais : “Allez, on prend

une petite bière.” Mais non, il tenait.

Depuis un an, vous avez enchaîné cinq films. Vous n’arrêtez pas…

C’est vrai. En plus, j’ai un autre métier…

Ah bon ! Vous faites quoi ?

Je fabrique des motos. Des choppers sur mesure pour des clients. Je fais de la soudure, de la ferronneri­e, de la carrosseri­e… J’ai un atelier à Aubervilli­ers.

Vous êtes chef d’entreprise, alors ?

Oh, c’est une microentre­prise. On est six ou sept. On fait de la sérigraphi­e aussi, sur des T- shirts artisanaux ou pour de l’affichage. C’est plutôt un pôle créatif, avec un collectif. Le fait de faire du cinéma m’a permis d’acheter cet espace et de le mettre à dispositio­n. J’ai pas mal fréquenté l’univers des bikers depuis l’âge de 20 ans. J’étais fasciné par ces costauds, tatoués, un peu violents. C’est un mode de vie complet. Aujourd’hui, j’ai fait un peu le tour de ce milieu mais j’ai toujours des amis dedans. C’était lié aussi à mon goût pour la musique hardcore, au fait que je produise des groupes…

Vous produisez des groupes de punk hardcore ?

Oui, aussi ! J’ai fait mes études à Saint- Etienne et il y avait une grosse scène punk hardcore. J’étais parti en tournée en Europe de l’Est avec un groupe qui s’appelle Vömit För Breakfast. Ils font des morceaux de 40 secondes, hyper speed. On a fait un spectacle ensemble à l’Odéon. Par eux, j’ai rencontré d’autres musicos. C’est une production assez dure à monter. Pourtant, les tirages sont limités, 500 vinyles maximum. Les albums sont autoprodui­ts et à but non lucratif. On rembourse juste les frais de production.

C’est l’essentiel de la musique que vous écoutez ?

Non, je suis assez éclectique. Mes parents travaillai­ent à l’opéra de Strasbourg, ma mère était costumière et mon père, scénograph­e. Quand j’avais 7 ans, ils m’emmenaient aux répétition­s. Ça me faisait chier, bien sûr, mais ça m’a quand même un peu formé. Après, à 10 ou 12 ans, j’ai eu une passion pour Ace Of Base. J’avais leur album en cassette, celui où il y a tous les tubes, All That She Wants, The Sign… J’écoutais ça en boucle. Plus tard, j’ai eu une grosse période Ogres De Barback, Têtes Raides, théâtre de rue, activiste… J’ai même fait de l’accordéon !

Aujourd’hui, vous écoutez quoi ?

En ce moment, beaucoup de cumbia…

C’est quoi ?

C’est de la musique colombienn­e. Il existe un sous- genre de la cumbia pour les trafiquant­s de drogue. Les paroles, qui racontent les faits d’armes des narcos, sont d’une violence dingue, genre “… et ils l’ont pendu par les pieds, et ils lui ont brûlé la peau avec des mégots de clopes, et puis ils l’ont coulé dans le béton”. Tout ça sur un rythme très binaire, un peu étrange…

Un peu salsa ?

Ah non ! Rien à voir. La salsa, ça ne me plaît pas trop.

Vous faites aussi de la mise en scène de théâtre, non ?

Je suis artiste associé au Centre dramatique national Drôme- Ardèche, à la Comédie de Valence, chez Richard Brunel. J’ai fait deux spectacles à Saint- Etienne et là j’en présente un à Valence.

Vous vous intéressez à quels artistes dans le théâtre contempora­in ?

J’aime beaucoup Richard Brunel – je ne travaille pas avec lui par hasard. Le boulot de Vincent Macaigne me parle vraiment. J’aime bien Joël Pommerat. J’adore aussi certains chorégraph­es, Wim Vandekeybu­s, Maguy Marin. J’aime beaucoup aussi les spectacles qui mêlent différente­s discipline­s, dont le travail des artistes de cirque, comme Vimala Pons. Ça circule entre les formes. Parfois, je trouve que le cinéma expériment­e moins que cette partie des arts vivants.

Le cinéma français vous paraît moins ouvert ?

Il y a des choses passionnan­tes aujourd’hui dans le cinéma français. Mais il y a aussi une vraie lourdeur de fonctionne­ment. Ça me rend dingue qu’il soit plus facile de monter un film à 25 millions d’euros qu’un à 2 millions !

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