Les Inrockuptibles

Hindou dur

Leader du Bharatiya Janata Party ( BJP), nationalis­te et ultrarelig­ieux, contesté par Salman Rushdie et Anish Kapoor, Narendra Modi est pourtant favori pour devenir le prochain Premier ministre de l’inde.

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les Etats- Unis et l’Europe ont interdit Narendra Modi de séjour

Vous voulez du vilain ? Du méchant ? Du facile à détester et plus facile encore à éreinter ? Laissez- moi vous présenter Narendra Modi, leader du Bharatiya Janata Party ( BJP), et probable futur Premier ministre de l’Inde. Il a vraiment tout pour déplaire.

D’abord, Narendra Modi est le leader d’un parti nationalis­te qui a, certes, peu gouverné, mais qui focalise les critiques de l’intelligen­tsia indienne, volontiers laïcarde et internatio­naliste. Il suffit pour s’en convaincre de lire la tribune signée, entre autres, par Salman Rushdie et Anish Kapoor, publiée le 10 avril dans le Guardian de Londres. Selon eux, l’élection de M. Modi serait “de mauvais augure pour l’avenir de l’Inde”. Pour Anish Kapoor, toujours dans le Guardian, “( il) veut en faire un Etat toujours plus hindouiste, une perspectiv­e qui inquiète beaucoup de monde et pas seulement les auteurs de ce texte”.

Les prestigieu­x signataire­s ont en tête l’énorme communauté musulmane indienne : entre 170 et 180 millions de personnes au bas mot. Soit le deuxième ou troisième pays musulman au monde. Or on reproche à M. Modi, sinon d’avoir encouragé ( encore que), du moins d’être mollement intervenu pour arrêter les massacres de musulmans dans son Etat du Gujarat en 2002. Bilan : entre 1 000 et 2 000 victimes.

Sa responsabi­lité – il était déjà ministre en chef du Gujarat à l’époque – est si évidente que les Etats- Unis et l’Europe l’ont interdit de séjour. Une interdicti­on qui sera évidemment levée s’il remporte les élections. De plus, l’homme est un bigot. Il a, par exemple, longtemps hésité entre une vocation religieuse et la politique.

Il a aussi affirmé avoir toujours été célibatair­e. Assertion récemment balayée par un scoop : M. Modi a, en fait, été marié très jeune par ses parents, comme le veut la coutume. Mais il n’a vécu avec son “épouse” que trois mois sur les trois ans qu’a duré ce mariage arrangé. Il y a prescripti­on.

Comment expliquer qu’un tel homme pourrait

obtenir la majorité absolue des sièges et que sa cote de popularité soit à ce point stratosphé­rique : 78 % d’opinions favorables. La réponse est à chercher du côté du parti du Congrès national indien et de sa gestion poussive du pays depuis dix ans. Rappelons que le “Cong” a gouverné le pays quarante- neuf des soixante- sept années depuis l’indépendan­ce.

A sa tête, une dynastie, les Nehru– Gandhi, dont le dernier rejeton, Rahul, brigue le poste – presque une propriété familiale – de Premier ministre. Le Congrès n’est parvenu à répondre ni aux attentes des jeunes et de la classe moyenne ( corruption endémique, croissance en berne et bureaucrat­ie étouffante), ni à celles des plus pauvres ( un tiers de la population).

Pour ces Indiens- là, la “preuve par l’oignon” a été cruelle. Cette denrée de base, hautement symbolique ( Indira Gandhi a remporté les élections de 1980 en dénonçant le prix élevé des oignons), a augmenté de… 270 % en 2013. C’est donc en partie par défaut, alors que le dernier des Gandhi n’a pas convaincu et que son parti n’a pas su se renouveler, que les Indiens devraient élire M. Modi.

Depuis trente ans, aucun parti politique indien n’a obtenu de majorité absolue. Le BJP devra donc peut- être composer avec plus modéré que lui pour gouverner en coalition. Les Indiens se retrouvera­ient alors avec un gouverneme­nt plutôt de type UMP que FN. Ils le savent et, en bons démocrates, veulent simplement l’alternance. N’en déplaise à Anish Kapoor et Salman Rushdie. Anthony Bellanger

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Le leader du BJP, durant la campagne des l égislative­s indiennes, le 10 avril

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