Les Inrockuptibles

Don Draper, sad man

La septième et dernière saison de Mad Men a débuté en majesté aux Etats- Unis.

-

Don ne peut plus. Il avance à contretemp­s. Et les autres ne vont pas très bien non plus

Le temps passe comme une flèche : voilà bientôt sept ans que les premières volutes de cigarette ont caressé le visage de Don Draper. Au baromètre de la hype, il a depuis assez longtemps été dépassé par feu Walter White ( le héros de Breaking Bad) et les excités en armure de Game of Thrones. Mais peu importe qu’il soit fatigué, il reste notre préféré. Le retrouver, le 13 avril, dans un nouvel épisode – le premier d’une ultime saison divisée en deux parties entre cette année et le printemps prochain – l’a confirmé. Voir Mad Men en 2014, c’est s’offrir une escapade, non seulement dans un passé mythique de l’Amérique ( désormais la toute fin des sixties, soit dix ans après la saison 1) mais aussi au coeur d’un pays de fiction toujours plus singulier. Même si le paysage des séries regorge d’expérience­s limites, rien n’atteint le niveau de maîtrise et de lâcher prise combinés à l’oeuvre ici. Lente, parfois elliptique et souvent subtile, la création de Matthew Weiner a posé une base esthétique qui ne ressemble à aucune autre. Et ce n’est pas maintenant, à l’aube de la dernière ligne droite, qu’elle en changera.

Revoilà donc Don Draper. Il n’a plus vraiment de boulot. Suspendu pour déconnage alcoolique à la fin de la saison 6, il en est désormais réduit à laisser un autre présenter des projets qu’il écrit. Il marche lentement, comme écrasé par un poids invisible, même s’il veut donner le change et faire croire qu’il est encore le plus beau mec qui couche avec la plus belle fille. Dans une séquence stylée, sa femme sort d’une belle voiture au ralenti. Elle lui sourit, mais c’est pour le conduire dans sa nouvelle maison des collines de Los Angeles où il n’est qu’un invité précaire – il continue à habiter New York pendant qu’elle tourne en Californie. Elle va bosser, il doit s’occuper. Tout se fige.

On rêve un instant de le voir terminer sa course en ressassant ses rêves brisés comme une vieille star hollywoodi­enne dépressive, Sunset Boulevard style. Après tout, il a souvent été comparé à Cary Grant et même Rock Hudson. Cela lui arrivera d’ailleurs peut- être un jour. Mais pour l’instant, Don Draper est encore capable de bouger et de tenir une conversati­on, même s’il préfère de loin le moment étrange et envoûtant qui relie veille et sommeil. Voilà sa zone de confort, son territoire intime. Voilà ce que filme Mad Men depuis 2007.

La plus belle scène de l’épisode inaugural de cette septième saison se déroule durant un de ces moments. Don prend l’avion pour rentrer sur la Côte Ouest. A côté de lui s’assied une belle femme ( Neve Campbell), avec qui il entame une conversati­on spectrale. Elle lui parle de son époux énigmatiqu­ement “mort de soif” et termine le voyage en dormant sur son épaule ; tandis que lui prononce en chuchotant à moitié quelques mots sur son mariage. Il pensait “y arriver”, cette fois. Ces deux solitaires ont envie de réconfort, ils aimeraient frotter leurs peaux endolories. Dans n’importe quel autre épisode de Mad Men, ils auraient fini dans une suite de grand hôtel. Mais Don ne peut plus. Il avance à contre- temps – le titre de l’épisode est “Time Zones”. Dans son champ de vision, le désir ne circule pas de la même manière qu’avant. C’est d’une grande beauté car l’époque filmée, 1969, est au contraire celle d’une libération des sens échevelée – à moins que ce ne soit qu’une illusion.

Les autres, de Peggy à Roger et Joan, ne vont pas très bien non plus, annonçant une fin de série forcément triste, mais aussi très douce, en empathie avec ses figures de proue. Entre des relations toxiques et des épreuves profession­nelles, la vie est décevante pour les personnage­s de Mad Men. Pour les spectateur­s, c’est une autre histoire. Olivier Joyard Mad Men saison 7, prochainem­ent sur Canal+ Séries

 ??  ?? Jon Hamm, Don Draper for ever
Jon Hamm, Don Draper for ever

Newspapers in French

Newspapers from France